En début mai, l’ONG Global Witness révélait l’octroi d’une partie des parcs des Virunga et de la Salonga aux exploitants pétroliers par le gouvernement de la République Démocratique du Congo, levant ainsi une foulée de dénonciations dans l’opinion nationale et internationale.
Le 30 mai dernier, l’ONG dévoile les noms des entreprises ayant gagné les contrats d’exploitation pétrolière avec le gouvernement congolais. Il s’agit des entreprises Sonahydroc et Comico. Les termes du contrat avec ces dernières n’ont pas été rendus publics dans les soixante jours suivant leur approbation, comme l’y oblige la loi congolaise sur les hydrocarbures.
Du moins, selon Global Witness la Comico est détenue à 40 % par la compagnie Central Oil & Gas, immatriculée à Guernesey et propriété du magnat sud-africain Adonis Pouroulis. On ignore qui détient le reste du capital. Interrogés par l’ONG, les avocats de l’homme d’affaires ont refusé de révéler leur identité, affirmant qu’elle devait rester confidentielle pour des « raisons commerciales légitimes ». Aucun des actionnaires n’a été « condamné pour corruption, fraude ou aucune autre infraction financière », assurent-ils.
Les faits
Dans un rapport en début du mois de mai 2018, l’organisation internationale a révélé que le gouvernement congolais était sur le point de désaffecter certaines parties des parcs nationaux des Virunga et de la Salonga, tous patrimoines mondiaux de l’UNESCO afin d’y autoriser l’exploitation du pétrole. « Une commission spéciale de ministres et de fonctionnaires de la République Démocratique du Congo s’est réunie le 27 avril pour proposer des plans visant à redessiner les limites des parcs de Salonga et de Virunga, supprimant ainsi le statut de zone protégée des concessions pétrolières » révèle Global Witness. Elle affirme avoir consulté des documents dont certaines lettres du ministère congolais des hydrocarbures indiquant la nécessité de désaffecter ces deux sites « en tentant d’établir un cadre juridique ».
Selon cette ONG spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles des pays en développement et la corruption politique y relative, les lieux concernés par ce projet sont les blocs pétroliers 4 et 5 situés dans le parc des Virunga ainsi que 1 et 2 situés une grande partie dans celui de la Salonga.
La société civile conteste cette reclassification
Le projet gouvernemental fait déjà face à une série de contestations. Beaucoup d’organisations locales se rangent derrière la dénonciation de Global Witness. En effet, l’ONG a révélé une activité qui met en danger les écosystèmes de ces deux parcs et en long terme la disparition d’une plus grande quantité. « Si nous ne pouvons pas protéger même les sites du patrimoine mondial de l’UNESCO de l’exploration pétrolière, qui dans le monde sont à l’abri de l’industrie des combustibles fossiles? Les dommages potentiels à ces écosystèmes rares et précieux sont énormes « , a déclaré Pete Jones de Global Witness.
À leur tour, les organisations locales de la société civile du Nord Kivu, province dans laquelle est situé le parc des Virunga, multiplient des actions de dénonciation. Dans une lettre adressée au ministre des hydrocarbures dont des copies réservées aux grandes institutions de la république, ces organisations estimées à une trentaine, expliquent que cette exploitation aura plusieurs conséquences désastreuses.
» Ce projet d’exploitation du pétrole dans les deux blocs aura des conséquences irréversibles non seulement sur les écosystèmes naturels du Paysage Virunga et leurs ressources mais aussi sur les moyens de subsistance des communautés locales », alarment-t-elles. Selon ces organisations, les blocs 4 et 5 couvrent totalement le lac Edouard dont dépendent plus de 90 milles ménages de pêcheurs et population riveraine.
En plus du lac Édouard, d’autres sources vitales du fleuve Nil telle que les rivières Rutshuru et Semuliki pourraient être polluées par une éventuelle exploitation pétrolière, soulignent ces ONG locales. Une autre inquiétude, l’une des plus grandes pour elles est le fait que les blocs pétroliers 4 et 5 ajoutés à une partie du bloc 1 couvrent au moins 80% de la superficie de parc des Virunga. La désaffectation de ces zones pourrait donc automatiquement provoquer la reclassification du parc national des Virunga parmi les sites du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Du côté de Kinshasa, la capitale de la RDC, la coalition des organisations de la société réunie au siège du GTCRR (Groupe de Travail Climat REDD-Rénové), s’est réunie en conférence de presse le 24 mai dernier. Elle a dénoncé une démarche cavalière du ministère des hydrocarbures, qui entre en contradiction avec les réformes en cours telles que la stratégie nationale REDD+, le schéma national d’aménagement du territoire, la stratégie nationale de protection des tourbières.
» La pollution due aux activités pétrolières mettrait en péril la biodiversité du Parc des Virunga et compromettrait l’intégrité de sa valeur universelle exceptionnelle. Cette pollution peut provoquer la contamination du lac Edouard, qui sert de ressource primaire pour l’alimentation des populations autour et à l’intérieur des Virunga, notamment les pêcheurs, ceux qui vendent les poissons, ceux qui en mangent, donc des millions de personnes verront ainsi leurs vulnérabilité et pauvreté s’aggraver par la destruction du lac Edouard, peut-on lire dans leur déclaration.
La coalition demande au gouvernement de la RDC de mettre un terme au processus visant le déclassement des parcs nationaux et des sites de l’UNESCO et de tout mettre en œuvre pour finaliser les engagements pris au niveau international en matière du climat, de la forêt et de la biodiversité, ainsi que de renforcer le cadre légal sur l’exploration et l’exploitation pétrolière en RDC en vue de garantir la protection de l’environnement et les droits communautaires.
Le gouvernement dément
Le gouvernement congolais ne préfère pas se prononcer publiquement sur la question. Il a préféré garder silence face aux accusations des ONG. Très réservé, Lambert Mende Omalanga, son porte-parole et ministre de la communication et médias, n’a ni confirmé, ni infirmé mais se limite juste à dénoncer une « intoxication » selon lui de la part de Global Witness.
« Tant qu’il n’y a pas de contrat de partage de production délibéré en conseil de ministres, approuvé et faisant objectif d’une ordonnance présidentielle, le gouvernement n’est pas engagé. Tout le reste c’est des accusations de gens qui veulent qu’on les finance pour gagner de l’argent » , répond le ministre avant de poursuivre, « le seul document qui fait que nous cédions des portions de terres à des investisseurs ici, ça s’appelle contrat de partage de productions. À mon avis cela n’existe pas encore ».
La réponse du ministre ne suffisant pas pour calmer les esprits, d’autres actions sont en cours dont une pétition pour dénoncer cette démarche du gouvernement. Bien que la plupart de contestations enregistrées jusqu’à présent proviennent de la province du Nord Kivu, le parc national des Virunga n’est pas le seul dont les écosystèmes seraient exposés. La Salonga elle aussi abrite une faune et flore riches.
Ce que réclame la société civile
Considérant les avantages économiques et durables que procureraient ces aires protégées, les ONGs appellent à plus d’efforts dans leur conservation plutôt qu’à y autoriser l’exploitation du pétrole. ‘’Le gouvernement congolais devrait chercher à étendre la protection de ces zones plutôt que de les vendre au plus offrant’’ laisse entendre Global Witness.
De leur coté, des ONG locales de la province du Nord Kivu formulent une liste de recommandations au gouvernement quant à ce, entre autres celle de renoncer carrément ce projet de désaffectation des blocs 4 et 5 du parc des Virunga et des blocs 1 et 2 du parc de la Salonga pour permettre le développement durable à travers le tourisme et respecter le statut des aires protégées établies. Vous rappeler que la Salonga est la partie qui détient la grande partie du massif forestier du bassin du Congo et le deuxième au monde.
Selon un rapport du cabinet Dalbeerg Global Development Advisors cité par Le Monde, la RDC pourrait gagner 1,1 milliard de dollars par an, et créer 45 000 emplois permanents si le domaine de l’environnement et du tourisme était bien géré. Ce rapport ajoute qu’outre les revenus du pétrole, le tourisme pourrait rapporter 235 millions de dollars; la pêche, 90 millions, l’énergie hydraulique 10 millions, tandis que, plus indirectement, les services rendus par les écosystèmes (séquestration du carbone, fourniture d’eau et prévention de l’érosion des sols) rapporteraient près de 64 millions de dollars. Enfin, le fait de préserver les ressources naturelles pour les générations futures représenterait une valeur de 700 millions de dollars par an.
L’histoire se répète?
En effet, le parc des Virunga n’en est pas à sa première menace subie. Le gouvernement avait en 2009 octroyé, des permis d’exploration couvant 85% de la superficie du parc au géant pétrolier Français Total et anglais SOCO. Pendant que Total avait renoncé en premier au projet d’exploration, SOCO y tenait toujours jusqu’au point de mener de prospections et à annoncer le démarrage de ses activités d’explorations dans le parc. Encore une fois, des organisations internationales et locales s’étaient opposées à la démarche. Il s’est agi par exemple de Greenpeace, WWF, la société civile locale et d’autres organisations environnementales locales. En juin 2014, la société britannique a finalement renoncé à son projet suite aux multiples pressions principalement la plainte déposée par l’ONG WWF auprès de l’organisation de coopération et de développement économique OCDE. Mis à part, les incidents de l’exploration du pétrole dans les Virunga, il était reproché à cette société pétrolière des faits de corruption, les intimidations contre les organisations et individus s’étant opposés au projet, voire des meurtres.
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Ce triste et déplorable de voir des dirigeants sans cœur qui ne pensent qu’à leurs intérêts personnels en cherchant à remplir leurs poches au détriment de la misère de cette pauvre population rurale. Pensez-vous que l’exploitation de ce blocs pétroliers sera la solution moteur pour le développement de ce pays ?? Nous jeunes activistes congolais, nous ne vous permettront pas de vendre ces blocs aux enchères. Garder votre richesse et laissez nous notre forêt.