Le projet de transfert de gorilles de la RDC au Zimbabwe provoque l’inquiétude

Le directeur de l’Autorité pour la faune du Zimbabwe a annoncé son projet d’accepter un don de gorilles et d’okapis de la république démocratique du Congo (RDC) dans le cadre d’un programme d’échanges qui a récemment permis le transfert de dix rhinocéros blancs de la RDC au Zimbabwe. Le projet, encore en cours d’élaboration selon […]

  • Le directeur de l’Autorité pour la faune du Zimbabwe a annoncé son projet d’accepter un don de gorilles et d’okapis de la république démocratique du Congo (RDC) dans le cadre d’un programme d’échanges qui a récemment permis le transfert de dix rhinocéros blancs de la RDC au Zimbabwe.
  • Le projet, encore en cours d’élaboration selon des sources officielles, soulève des questions quant à son impact sur l’écosystème local et le bien-être des animaux, ainsi que le risque que ceux-ci soient porteurs du virus Ebola.
  • Le Zimbabwe ayant par le passé vendu des animaux sauvages à la Chine, des activistes craignent que les gorilles et les okapis puissent à terme y être transférés, ce que les autorités zimbabwéennes réfutent avec véhémence.

En septembre, l’Autorité de gestion de la faune et des parcs du Zimbabwe (Zimparks) a révélé que le pays s’apprêtait à recevoir un don de gorilles de la part de la RDC.

Son directeur général, Fulton Upenyu Mangwanya, a annoncé aux médias locaux à l’occasion de la visite d’une réserve naturelle que des okapis (okapia johnstoni), espèce en danger également connue sous le nom de « girafe des forêts », seraient eux aussi transférés au Zimbabwe.

Cette annonce survient peu après le transfert controversé de dix rhinocéros blancs dix rhinocéros blancs.

Le gouvernement zimbabwéen soutient que ces animaux contribueront à l’essor du tourisme dans le pays et ajouteront à la diversité de sa faune. Cependant, cette nouvelle a provoqué l’inquiétude chez les résidents du pays comme chez les spécialistes des primates.

Vue du sommet du mont Inyangani, point le plus haut du Zimbabwe culminant à 2 592 mètres. Situé dans le parc national de Nyanga, il est considéré comme sacré par la population locale. Image de Damien Farrell via Flickr CC-BY 2.0.

Où seront-ils placés ?

Les animaux transférés pourraient potentiellement trouver leur nouvel habitat dans le parc de Nyanga, situé à l’est du pays dans les hautes terres de la province du Manicaland.

Cette zone est connue pour ses températures douces et sa végétation luxuriante favorisée par les rivières et cours d’eaux qui la traversent. Son relief montagneux accueille une faune nombreuse, notamment des zèbres, des cobes à croissant, des impalas, des céphalophes bleus et des élands du Cap.

Cette région n’est cependant adaptée ni au gorille des montagnes (gorilla beringei beringei), ni à l’okapi, prévient Mike Hitschmann, spécialiste de la faune auprès de la réserve naturelle Cecil Kop Nature Reserve, située dans le Manicaland. Il précise que ces deux espèces occupent toutes deux des niches spécifiques au sein de climats tropicaux. « Où exactement prévoient-ils de les placer ? », s’interroge-t-il.

« On doit supposer qu’ils ont l’intention de les garder dans une sorte de zoo à ciel ouvert quelque part dans le pays, si l’on en croit les rumeurs », ajoute-t-il. Hitschmann pense que le parc de 15 km2 où il travaille, situé à Mutare, à quelque 100 km au sud de Nyanga, est le meilleur endroit du Manicaland pour les accueillir. « Ils ne nous ont rien dit à ce propos », précise-t-il.

Liz Greengrass, directrice de la conservation chez Born Free, ONG de défense des animaux, fait écho à ces inquiétudes quant à l’inadéquation des habitats du Zimbabwe pour accueillir des espèces équatoriales telles que ces gorilles. Elle ajoute que ces programmes d’échange risquent de conduire les pays qui y prennent part à arracher les animaux à leur environnement naturel pour les garder en captivité. Tout transfert de ce type n’a rien d’un effort de conservation, déclare-t-elle.

« Cette translocation n’a aucun bénéfice pour le gorille, et elle est non seulement risquée pour chaque gorille individuellement, mais aussi pour la population de gorilles dans son ensemble, puisqu’elle crée un précédent dangereux et va sans nul doute à l’encontre des engagements pris par ces pays en termes de conservation à l’échelle internationale ».

Gorilles des montages dans leur habitat montagneux indigène au Rwanda, à quelque 1 900 kilomètres au nord la province zimbabwéenne du Manicaland. Image de Ludovic Hirlimann via Flickr CC BY 2.0.

Sentiment local

Peu de personnes à Nyanga paraissent s’enthousiasmer à l’idée que des espèces exotiques soient introduites dans la région.

James Matsito, coordinateur de la fiducie pour le développement communautaire de Nyanga, se déclare sceptique.

« D’un point de vue économique, notre pays a fait don d’animaux de grande valeur, les rhinocéros, mais quelle valeur économique ont ces gorilles que nous allons recevoir ? Les gorilles n’ont même pas d’intérêt pour le tourisme lié à la faune. Le transfert et la gestion de tels animaux sont coûteux, et reposent sur un budget national fragile qui a d’autres priorités, » précise-t-il.

Matsito exprime aussi la crainte que ces gorilles puissent être porteurs du virus mortel Ebola. La RDC fait actuellement face à une épidémie de maladie à virus Ebola transmissible des singes aux humains. « Comment les gorilles seront-ils testés, par qui, et avec quel matériel, à l’heure où notre système de santé est si pauvre et si délabré ? », demande-t-il.

Mangwanya, directeur de Zimparks, a déjà tenté de dissiper ces peurs liées à Ebola. « Ne vous inquiétez pas des risques liés à Ebola parce que nous allons tester [les gorilles] avant qu’ils ne viennent ici », aurait-il déclaré au journal local Newsday.

Mais cette assurance apportée par Zimparks ne suffit pas à calmer l’appréhension de Matsito. Selon lui, le système de santé du Zimbabwe est actuellement incapable de contenir les cas de choléra et de typhoïde, et n’a pas la capacité de faire face à une potentielle épidémie de maladie à virus Ebola qui viendrait s’y ajouter.

Pour Nicholas Kwadzanai Mukundidza, habitant de Nyanga, la préoccupation majeure est l’impact que les animaux introduits pourraient avoir sur l’écosystème local.

Les gorilles seront-ils gardés en captivité, ou libres d’aller et venir ? « S’ils sont libres de se déplacer, quelle superficie leur sera-t-elle allouée ? », s’interroge-t-il.

Il se dit très inquiet à l’idée qu’un groupe de gorilles puisse être libre d’aller où bon leur semble dans cette zone, surtout si leur nombre s’accroit au fil du temps.

« J’ai appris que le régime alimentaire des gorilles est composé à 90 % de végétation, principalement de fruits, de racines, et d‘écorce et de pulpe d’arbre. Étant donné qu’un gorille mâle peut manger jusqu’à 18 kilogrammes de végétation par jour, l’impact sur les forêts sera considérable », ajoute-t-il, faisant remarquer que la plupart des espèces d’arbres locales ne peuvent pas survivre si elles perdent une trop grande proportion d’écorce.

Mukundidza avance que le programme de transfert de gorilles dans son ensemble n’a pas été suffisamment planifié par le gouvernement et les personnes en charge. « Ces politiciens ne conçoivent pas le problème de manière sensée, ils planifient le projet et obligent le peuple à l’accepter par la force », regrette-t-il.

Cependant, Tinashe Farawo, porte-parole de Zimparks, avance que les gorilles peuvent jouer un rôle important pour l’industrie touristique du pays. Il cite d’autres pays d’Afrique où les touristes paient de fortes sommes pour voir les grands singes.

« Savez-vous que voir des gorilles au Rwanda coûte plus de 300 $ ? C’est ce genre de tourisme que nous voulons avoir au Zimbabwe. Les gorilles contribuent grandement aux revenus liés au tourisme, mais nous devons poursuivre nos recherches avant qu’ils ne viennent au Zimbabwe », déclare-t-il.

Pour Hitschmann, si Zimparks a vraiment l’intention d’introduire des gorilles et des okapis dans le Manicaland, l’autorité doit faire davantage que de songer aux potentielles retombées touristiques :

« Est-ce qu’ils les aménent ici simplement pour les exhiber au public, ou bien est-ce qu’ils songent à établir un programme de reproduction, puisque ces deux espèces sont en danger ? »

Originaire de RDC, l’okapi (okapia johnstoni) présente des rayures facilement reconnaissables semblables à celles du zèbre, mais l’espèce est en réalité plus proche de la girafe. Elle est en danger selon la classification de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Image de Rhett A. Butler/Mongabay.

La peur d’un échange avec la Chine

Certains observateurs ont même soulevé la question de savoir si les animaux resteront véritablement au Zimbabwe. Zimparks a par le passé donné des animaux, notamment des éléphants, à la Chine pour qu’ils soient exhibés dans les zoos et les parcs du pays.

« Il semblerait que, pour des raisons qui leur appartiennent, certains responsables à des postes décisionnels au sein du Ministère de l’environnement aient systématiquement pris les mauvaises décisions en ce qui concerne la gestion de notre faune », avance Hitschmann.

Au mois de juin, des groupes de conservation ont exprimé leur indignation générale après la révélation d’échanges entre le ministre de l’environnement de la RDC et une entreprise chinoise semblant indiquer l’existence du projet de fournir à des zoos chinois des espèces en danger, parmi lesquelles des okapis et des gorilles des montagnes.

À la suite de ce tollé, le gouvernement congolais a publié une déclaration affirmant n’avoir trouvé aucun accord avec les zoos chinois, et que cette proposition était toujours en cours d’examen conformément à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).

Certains défenseurs de l’environnement craignent que ces exportations ne se fassent sous couvert du programme d’échange de faune entre la RDC et le Zimbabwe.

Le Zimbabwe « ne recevra aucun don » dans le cadre de ce projet de transfert de gorilles et d’okapis de la RDC au Zimbabwe, prévient Sharon Hoole, activiste œuvrant à la défense des animaux basée au Royaume-Uni. Elle redoute que, tout comme les rhinocéros du Zimbabwe, ces animaux ne soient finalement vendus à la Chine pour y être exhibés.

À l’âge adulte, le gorille des montagnes peut manger de 18 à 20 kg de nourriture par jour, principalement des feuilles, des tiges, de l’écorce et des bourgeons. Les habitants de Nyanga craignent que la flore locale ne puisse survivre aux déprédations infligées par un grand groupe de gorilles. Image de John C. Cannon/Mongabay.

Farawo, porte-parole de Zimparks, nie que le Zimbabwe se prépare à déporter clandestinement des espèces en danger vers la Chine en utilisant le programme d’échange de faune existant avec la RDC.

« Tout le processus de capture et de transfert des rhinocéros jusqu’en RDC a été transparent. Nous n’avons rien à cacher, a-t-il affirmé à Mongabay. Les rhinocéros sont en ce moment en RDC. Ils n’ont pas été emmenés en Chine. Les auteurs de ces allégations sont mal informés. Certains avancent de tels propos pour gagner de l’argent, mais ces allégations sont fausses. »

Et Farawo de défendre le travail accompli par l’autorité :

« Avant même d’envoyer les rhinocéros en RDC, nous avons dû vérifier qu’il y avait de l’eau pour les bêtes dans le pays. Nous avons dû vérifier qu’il y avait un habitat et un niveau de sécurité convenable. Nous avons examiné toutes ces conditions et elles étaient remplies. De nombreuses personnes ne prennent jamais la mesure de ce que nous faisons en tant qu’autorité [de gestion de la faune] ».

Des préparations similaires ont lieu actuellement pour assurer la réception des animaux envoyés par la RDC, indique-t-il. « Nous n’avons pas encore de date, nous effectuons encore nos recherches ».

Pourtant, même avec les préparations les plus minutieuses, la procédure de capture et d’extraction des gorilles va provoquer un stress considérable et inutile, qui pourrait mettre en danger non seulement chaque gorille transféré, mais également sa famille, selon Greengrass, de l’ONG Born Free.

“Born Free wholeheartedly opposes this practice, particularly considering how threatened gorillas are and the poor standard of care given to animals in African zoos. If both countries involved were to go ahead [with] the translocation, they would likely receive negative international attention, » she says« Born Free s’oppose catégoriquement à cette pratique, notamment parce que les gorilles sont en grand danger, et parce que les soins apportés aux animaux dans les zoos africains sont inadaptés. Si les deux pays impliqués poursuivent leur projet de transfert, il est probable qu’ils s’exposent à l’opprobre de la communauté internationale », conclut-elle.

Cet article a été originalement publié sur Mongabay

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