Le gouvernement de la République Démocratique du Congo vient de rétablir 650.000 hectares de concessions forestières à deux entreprises à capitaux chinois, alors qu’un moratoire interdisant l’attribution de nouvelles concessions forestières aux exploitants est actuellement en vigueur.
Aussi, es trois concessions forestières couvrent une partie des 145.000 km2 de tourbières récemment découvertes dans le pays et contenant quelque 30 milliards de tonnes de carbone, un atout dans la lutte contre les changements climatiques.
Le 1er février dernier, le ministre congolais de l’environnement et développement durable, Amy Ambatobe, a réalloué trois concessions forestières aux chinois Fodeco et Somifor, alors que l’attribution de ces mêmes concessions avaient été annulées en août 2016, par son prédécesseur, Robert Bokpolo, sur instruction d’Augustin Matata Ponyo, alors Premier ministre.
De même, en juillet 2017, M. Ambatobe avait également annulé les titres d’exploitation de la société industrielle forestière du congo (SIFORCO), attribués par l’ancien ministre Robert Bokpolo parce qu’il prétendait qu’ils étaient illégaux. » Il est donc contradictoire pour M. Ambatobe de rétablir à son tour d’autres concessions aux sociétés chinoises SOMIFOR et FODECO ayant le même statut que SIFORCO », a déclaré Irène Wabiwa, Responsable de la campagne Forêts chez Greenpeace Afrique.
Cette même année 2017, 5 autres contrats d’exploitation forestière avaient été annulés par un arrêté du 03 juillet 2017 du ministre de l’Environnement et du développement durable signé par Amy Ambatobe, parmi lesquels le contrat numéro 002/16 du 15 septembre 2016 octroyé au groupe le Bâtisseurs du Congo SARL d’une superficie de 163.936 ha, deux contrats de concessions forestières atribués au Groupe Ondika et un contrat de concession forestière attribué à APC (Action Pour le Congo). L’on peut noter visiblement que les décisions du ministre Ambatobe révèlent une logique contradictoire.
Cette annonce a fait monter au creneau les défenseurs de l’environnement, qui jugent illégale la décision du ministre Amy Ambatobe. Selon Greenpeace Afrique, le ministère de l’Environnement a illégalement réattribué ces concessions, malgré leur précédente annulation et en violation du moratoire de 2002. » Greenpeace Afrique appelle le gouvernement congolais à révoquer de nouveau ces concessions et, cette fois, à sanctionner les personnes responsables de cette situation « , a déclaré Irène Wabiwa Betoko,.
Pour le ministère de l’environnement, l’autorisation d’exploitation de trois concessions forestières aux Chinois ne revêt aucun caractère illégal et ne va pas à l’encontre du moratoire. Le 27 février dernier au cours d’une conférence de presse, le directeur général de la direction des forêts, Joseph Ilanga, a défendu que les titres d’exploitation attribués ne sont pas sous le coup du moratoire. » Il est question à travers cette autorisation, de contribuer au développement socio-économique des populations locales « , a-t-il argumenté.
Pour Joseph Ilanga, la RDC remplit toutes les conditions pour lever le moratoire qui n’avait qu’une durée des 3 ans au départ et a duré, aujourd’hui 16 ans, en plus du fait qu’il favorise plus l’exploitation artisanale qui, lui, est illégal.
A cet argument, le collectif réunissant les réseaux et organisations de la société civile environnementale de la RDC a déclaré que le ministre de l’environnement a, de toute évidence, fait une mauvaise lecture du Code forestier et du décret fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en concession forestière et portant extension du moratoire en matière d’octroi des titres d’exploitation forestière. » Cette acte s’il n’est pas rapidement retiré, jette le discrédit sur les autorités de la République et affectent négativement l’image du pays, quand on sait par ailleurs que le ministre Ambatobe a agi sur un terrain couvert par des engagements extérieurs et internes, et qui fait largement l’objet des projecteurs de l’opinion publique tant nationale qu’internationale », déclare le collectif dans une déclaration publiée le 22 février à la suite de cette décision.
Toutefois, le ministère de l’environnement et du développement tient à finaliser le processus de la levée du moratoire, arguant que toutes les conditions ou presque sont réunies a cette fin. » Au moment où nous parlons, le ministère est en droit de lancer le processus de réflexion sur la levée du moratoire parce qu’il dispose des données pertinentes qui peuvent nous dire les parties à exploiter. Fort des résultats obtenus après les travaux de terrain, le ministère a lancé le processus de lever du moratoire qui a tant duré et que seule la RDC a constaté pendant 16 ans avec des impacts socio-économiques considérables mais aussi pendant ce temps, nous avons assisté à une exploitation forestière artisanale illégale faute d’un bloc forestier industriel contrôlé », a expliqué le Directeur Ilanga.
Au sujet des 16 titres forestiers à polémique. Joseph Ilanga a déclaré : » Les 16 titres qui ont fait l’objet de beaucoup d’agitations sont des titres qui ont subi la conversion et qui ne sont pas hors moratoire sinon la primature n’aurait pas instruit le ministère de les mettre en valeur ».
Quand aux trois titres forestiers accordés récemment aux entreprises chinoises, le directeur en charge des forêts a précisé que la réhabilitation de ce 3 concessions forestières n’est pas illégale, car ces concessions font partie des anciens titres non concernés par le moratoire.
Réagissant à cette nouvelle, le WWF (Fonds Mondial pour la Nature), pense que la réhabilitation de ces concessions forestières sans le respect du moratoire risquerait d’anéantir les efforts consentis jusqu’ici et par conséquent annihiler les avancées importantes enregistrées à ce jour dans la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts de la République Démocratique du Congo (RDC).
Il recommande vivement au gouvernement de la RDC de clarifier les espaces identifiés pour les adjudications prévues dans les prochaines années par le biais d’un processus consultatif et suivant les prescrits du moratoire et des textes réglementaires y relatifs afin d’améliorer la planification dans le secteur forestier et appuyer le processus d’aménagement des terres en cours au niveau provincial et national, dans un communiqué publié le 28 février 2018.
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