Ngang reste inexplicablement plongé dans le noir, trois mois après l’inauguration en grande pompe de sa centrale électrique solaire.
Dans cette contrée située à une trentaine de km à l’est de Yaoundé et à 7 km de la ville de Mfou, l’euphorie cède peu à peu la place à l’impatience. Les habitants, dans leur immense majorité, n’ont pas encore accès aux 50 KW d’électricité débités journalièrement par la centrale solaire. Ceci dans l’indifférence la plus totale.
D’après Thang Dieudonné, un spécialiste des énergies renouvelables basé à Yaoundé : « 50 KW est une puissance négligeable en zone urbaine, mais importante en zone rurale car elle peut servir près de 140 foyers. Cela permet d’alimenter au moins trois ampoules d’éclairage et une prise murale », argumente t-il.
L’électrification au solaire avait pour but d’améliorer les conditions de vie des villageois, en leur fournissant une énergie électrique de qualité leur permettant de mieux s’éclairer, de conserver et transformer les aliments, de s’informer et se divertir. La dispensation des cours pratiques dans les écoles allait être bonifiée par l’utilisation d’un matériel plus adéquat, l’environnement allait être moins pollué par l’utilisation des groupes électrogènes. Rien n’a véritablement changé dans le quotidien des habitants malgré la mise en service de la centrale solaire.
Légèrement appuyé sur sa canne en bois, un chapeau usé vissé sur sa tête, Medoua Paul, l’un des notables du village déclare : « Après la mise en service de cet ouvrage, il a été demandé à chaque ménage de contribuer à hauteur de 7 500 F CFA pour l’achat des compteurs d’électricité. Ce qui a été fait par beaucoup de familles pour une enveloppe d’environ 600 000 F CFA. Malheureusement cet argent a été dérobé à l’élite chargée de la collecte. Ce qui a entraîné la situation actuelle. Nous nous réunirons dans quelques jours pour voir ce qu’il y a lieu de faire », conclut-il, visiblement gêné.
Insuffisance des mesures de sécurité
Selon un jeune du village, toutes les mesures de sécurité ne sont pas réunies: « les lignes électriques sont exposées à la chute des arbres, les distances minimales d’abattage n’ont pas été respectées. Et si jamais une ligne électrique prend feu un jour, nous ne saurons quoi faire face à une telle éventualité », déplore t-il.
Seules deux concessions sont actuellement connectées au réseau et disposent de compteurs électriques : un domicile privé en face de la centrale solaire, et l’école publique de Ngang. Leur mérite est d’avoir été sélectionné parmi les deux sites qui ont servi aux essais pour la mise en service cet ouvrage moderne. C’est vers ceux-ci que les villageois convergent dès les premières heures de la journée pour recharger leurs téléphones portables. Parfois à leur risque en ce qui concerne le domicile privé dont les prises murales donnent sur la véranda. L’on signale à ce jour plusieurs cas de vols de téléphones portables dont les auteurs n’ont pas été identifiés.
Le paiement à la carte, l’autre grande équation à résoudre
Selon un responsable du ministère de l’eau et de l’énergie (Minee) interrogé par un confrère du quotidien Cameroon Tribune dans son édition du 1er mars, « le Minee a récemment recruté des ingénieurs, des techniciens et des commerciaux afin d’assurer l’opérationnalisation des infrastructures photovoltaïques déjà installées. Ce premier recrutement répond à un besoin de maintenance des équipements techniques d’une part et la gestion des questions administratives, financières et commerciales d’autre part ». C’est visiblement le retard observé dans le déploiement de ces équipes sur le terrain qui semble contribuer au flottement observé à Ngang et dans d’autres centrales solaires nouvellement construites.
D’après ce même responsable, les compteurs des mini-centrales photovoltaïques fonctionneront avec des cartes prépayées. Si les abonnés ont besoin d’une consommation journalière, hebdomadaire ou mensuelle, ils pourront se procurer les cartes y relatives, les introduire par un code et bénéficier de l’électricité.
Des habitants de Ngang ont exprimé des appréhensions à ce sujet : « Nous espérons que la consommation des unités se fera avec transparence, et que le coût des cartes sera à notre portée. Pour ce qui est de l’achat des cartes et de leur utilisation, je pense que ce sera facile s’il y a des employés sur place » a tenu à repréciser Mani Obada Jean-Pierre.
D’autre part, our Mani Obada Jean-Pierre, surveillant général du Collège d’Enseignement technique industriel et commercial (Cetic) de Ngang : « Le problème n’est pas seulement pécuniaire. Quand bien même vous disposez de l’argent du compteur, vous ne savez pas à qui, ni où s’adresser. Il n’y a ni bureau, ni interlocuteur local », se plaint-il.
L’école publique de Ngang privilégiée
D’après Owona Bekono, le directeur de l’école publique de Ngang qui s’est déjà familiarisé à cet outil, le comptage des unités est assez économique avec l’énergie solaire: « Notre compteur marquait 267 unités au moment de l’installation. Plus de trois mois après, il reste 156 unités » indique t-il.
Cet enseignant ne tarit pas d’éloges sur les bienfaits du solaire : « cela nous facilite la vie ici à l’école. Nous pouvons désormais utiliser notre imprimante, et donner des cours pratiques d’informatique à nos élèves. C’est une électricité constante, nous ne connaissons presque pas de coupure d’énergie. Chaque matin, des parents envoient charger leurs téléphones portables par l’entremise de leurs enfants qui le leur ramènent le soir après les classes. Personnellement, je me lève souvent tôt le matin pour venir préparer mes cours de la journée ici à l’école», explique t-il.
Tant de privilèges que les habitants du village aimeraient expérimenter chaque jour directement dans leurs domiciles respectifs.
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