A part la pêche illicite, le lac Edouard, situé dans le sous-bassin de la Semuliki couvrant une partie de la RDC et de l’Ouganda, est menacé par les cultures de manioc, du riz, de maïs, etc. Cette ceinture est actuellement détruite bien qu’elle serve d’habitat idéal pour la diversité d’espèces des poissons grâce notamment à l’abondance des phytoplanctons et zooplanctons qui caractérisent dans ses eaux.
Selon une étude d’évaluation du niveau de vie socio-économique des riverains du lac Edouard, menée en 2015 par l’Ong locale Solidarité pour la promotion Rurale (SOPR) en collaboration avec l’Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN/Pays-Bas), le lac a réduit de 18,2% sa productivité. Ceci illustre l’influence négative des activités humaines sur le rivage Ouest du lac Edouard, partie intégrante du parc national des Virunga.
En effet, la zone côtière située à l’Ouest du lac Edouard se trouve menacée par des activités illicites, notamment l’agriculture clandestine qui, selon Jacques Bihabwa, expert du service étatique chargé de la pêche en milieu rural, provoque une importante dégradation de l’environnement. Pour lui, les principaux défis sur le plan environnemental, concernent notamment les moyens de subsistance des populations qui vivent clandestinement sur cette rive.
« Sous la protection des groupes armés actifs dans la région, ces riverains pratiquent l’agriculture sur brulis, la déforestation et construction anarchique sur cet espace protégé… », dit-il. Et du coup, ajoute-t-il, « Ces activités humaines provoquent des phénomènes d’érosion, une sédimentation excessive et la prolifération d’algues toxiques nuisibles à la biodiversité aquatique et aux activités de pêche », explique-t-il dans un entretien accordé à InfoCongo.
Couplée à la pêche illicite, et cela depuis une dizaine années maintenant, l’exploitation agricole du couloir écologique contribue non seulement à la baisse de la productivité du lac, mais elle a aussi des conséquences néfastes sur le revenu et la nutrition des populations dépendantes. Pourtant, selon une enquête menée par l’Ong Solidarité pour la Promotion Rurale, SOPR, en sigle : « l’économie des populations riveraines du lac Edouard repose sur le secteur primaire, notamment la pêche résorbant au moins 90% de la population locale. »
Ces pratiques d’envahissement du couloir écologique à la rive Ouest du lac Edouard, selon Muyisa Bahitirye, responsable de communication de SOPR, entravent le cycle de reproduction et de régénération des poissons et hypothèquent l’avenir des populations dépendantes de ce lac et des générations futures. « Une pirogue qui pouvait capturer 200 à 2000 poissons par jour obtient difficilement 10 poissons actuellement » indique-t-il, rappelant d’ailleurs que ce poisson du lac Edouard faisait l’aliment de base pour plus des 300 000 riverains, mais également 1.832.493 bénéficiaires indirects de la population de la province du Nord-Kivu et des nombreuses familles d’autres provinces de la RDC.
L’agriculture sur brulis, et la pêche illicite,
Cette rive Ouest du lac Edouard, dite couloir écologique et faisant partie intégrante du parc national des Virunga, demeure envahie et non récupérée par l’Institut Congolais de Conservation de la Nature (ICCN), structure étatique dont dépendent les parcs nationaux, malgré ses efforts. « Nous y sommes [ndlr: dans le parc] sous la bénédiction des Mai-Mai auprès de qui nous payons des jetons d’exploitation. Même ces gardes du parc envoyés par l’ICCN pour tenter de nous déguerpir d’ici ont échoué depuis 2010… », s’enorgueillit un villageois, qui n’a pas voulu livré son identité parce qu’il entretient ses activités dans ce couloir à Kiserera, un village au bord du lac Edouard, dans le groupe Musindi dans la province du Nord-Kivu.
Selon les informations à notre possession, ces habitants qui s’approprient clandestinement le couloir écologique viennent des chefferies voisines, non loin du lac Edouard, prétextant que dans ce couloir faisant la ceinture verte du lac Edouard, la terre est plus fertile, ces villageois disent jouir des terres ancestrales et du lac, fustigeant l’absence de l’ICCN dans le développement local : « Quand ils ont tracé ce parc, ils nous avaient promis des routes, des infrastructures sanitaires,…mais ils n’ont rien fait depuis. Si nous reprenons nos terres que l’ICCN contrôle sans rien donner en contre-partie, cela ne doit pas faire un problème ! » affirme un sexagénaire, ayant requis l’anonymat pour sa sécurité.
Selon un notable du village Lunyasenge situé sur la rive Ouest du lac Edouard, des villageois préfèrent aujourd’hui s’installer dans ce couloir écologique pour exercer leurs activités en toute liberté : « ils y ont construit près d’une vingtaine de localités où ils vivent avec leurs femmes et leurs enfants. Mais à part l’agriculture, ils déforestent pour avoir du bois », nous a-t-il fait savoir, en ajoutant qu’en recherchant à surmonter la dégradation de leur revenu, ces paysans pratiquent également la pêche illégale utilisant d’intrants et des techniques qui capturent les alevins et les poissons immatures dans les baies, frayères et d’autres zones de protection du lac.
La reconversion
En attendant, la fédération des comités de pêcheurs individuels du lac Edouard, FECOPEILE en sigle, s’inquiète de constater une reconversion forcée. « Le lac Edouard et ses pirogues destinées jadis à la pêche, servent désormais aujourd’hui au trafic des produits agricoles…notamment les cossettes de manioc, des haricots, les riz etc… dont plus de 80% de récoltes sont destinés au marché des grands centres de consommation à Goma, Butembo et Beni… », se désole, Sylvain Nganduli, administrateur de cette structure regroupant les comités de pêcheurs du lac Edouard. Pour lui, cela dénote une fois de plus d’un état de pauvreté et de manque d’emploi figurant aux causes de l’occupation du parc national des Virunga.
Mais dans l’entre temps, cette organisation initie des activités comme la production et la diffusion des émissions-radios, mais aussi la projection des films par cinéma-mobile pour expliquer comment ces pratiques d’envahissement du couloir écologiques à la côte Ouest réduisent la production potentielle du lac et mettent en péril les ressources halieutiques et l’avenir des populations dépendantes du lac Edouard, partie intégrante du parc national des Virunga, générant un cercle vicieux où pauvreté et dégradation d’écosystèmes s’entretiennent.
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