Des activités de carbonisation et de sciage entraînent une déforestation grandissante dans la Réserve de Biosphère de Luki, située dans le Sud-Ouest République Démocratique du Congo.
La Coalition nationale contre l’exploitation illégale du bois (CNCEIB) dénonce des illégalités constatées dans la Réserve de Biosphère de Luki(RBL), dans la province du Kongo central, en République Démocratique du Congo (RDC). C’est le résultat des observations menées par la CNCEIB dans cette réserve, entre 2018 et 2019.
Face à la presse le 17 Février 2020, la CNCEIB a précisé que la réserve de biosphère de Luki fait l’objet d’une convoitise à outrance des scieurs de long, ainsi que des charbonniers composés en majeurs partie de la population riveraine de la réserve. Plus grave, « d’autres par contre, interviennent en réseau avec la complicité des hauts cadres de l’Etat tant au niveau provincial que national. On assiste donc à une destruction méchante et systématique, organisée et progressive de la Réserve », s’indigne Philippe Nzita, secrétaire exécutif de la CNCEIB.
Selon l’UNESCO, les réserves de biosphère « sont des sites de soutien de la science au service de la durabilité ». Classée « Réserve de biosphère » par l’UNESCO en 1976, la Réserve de biosphère de Luki couvre 33 mille hectares et fait partie des 3 réserves de biosphère que compte la RDC. L’analyse des données de l’Atlas Forestier de la République Démocratique du Congo et de la plateforme Global Forest Watch effectué par InfoCongo montre que la Réserve de Luki a enregistré plus de 12% de perte de couvert forestier entre 2010 et 2018. Les pertes les plus élevées s’enregistrent en 2014, plus de 1500 hectares de perte du couvert forestier et en 2017, plus de 500 Hectares de perte du couvert forestier.
Selon la Coalition nationale contre l’exploitation illégale du bois, malgré les efforts de sensibilisation menés par la coalition, au moins 17 cas de flagrance de l’exploitation illégale du bois ont été enregistrés durant la même période. Une information qui a intéressé les autorités provinciales invitées pour la circonstance. « Qu’on nous transmette ce tout dernier rapport. C’est une chose qui nous intéresse et nous allons prendre des décisions, et amplifier les sensibilisations », a indiqué Monsieur Ditona, conseiller et représentant du ministre provincial de l’Environnement à cette activité. La CNCEIB a saisi cette occasion pour inviter les autorités provinciales à collaborer avec la coalition dans cette dynamique de lutte contre l’exploitation illégale du bois pour sauver la réserve de biosphère de Luki.
L’alerte du Maire de Boma
« La Réserve de Biosphère de Luki (RBL) connaît une déforestation grandissante, depuis maintenant plus de trois ans », déclare le Maire de la ville de Boma, Marie-José Niongo Nsuami, au cours d’une audience accordée à la délégation de WWF-RDC et CNCEIB (Coalition Nationale contre l’Exploitation Illégale du Bois), le 11 février 2020. Pour le maire de la ville, il faut que le gouvernement central s’implique dans la lutte contre cette déforestation qui a pris des allures très inquiétantes. L’élu local signale que cette descente aux enfers de la RBL a été accentuée par le retrait du territoire de Muanda sous la juridiction de la ville de Boma.
« Le territoire de Muanda était une composante de la ville de Boma au même titre que trois communes que nous avons sur place. Il y’a de cela trois ans, nous étions très actifs dans les actions à prendre pour la protection de cette réserve. Aujourd’hui, le secteur de Boma Bungu dans le territoire de Muanda est à plus de 120 kilomètres des autorités territoriales, cela laisse la réserve à la merci des prédateurs », a-t-elle précisé.
Marie-José Niongo affirme par ailleurs que malgré le détachement du territoire de Muanda de la ville de Boma, dans sa peau d’activiste de l’environnement, elle continue à garder le dialogue avec l’Administration de ce territoire, en proposant quelques pistes de solutions pour juguler cette exploitation illégale qui décime à grands pas la Réserve de Biosphère de Luki. « L’activité de la carbonisation et du sciage de long a atteint son paroxysme au point de s’exercer même dans la zone centrale de la Reserve ». D’après Marie-José Niongo, si rien n’est fait, dans les dix ou vingt ans à venir, ce massif forestier de Luki pourrait disparaitre ou se dégrader comme cela a été le cas avec la forêt du Mayombe.
Quelques cas de crimes commis dans cette réserve ont pourtant été documentés, dénoncés par la CNCEIB et rapportés devant les instances judiciaires. Malheureusement, des actions de poursuite trainent encore à être appliquées pour dissuader les récalcitrants. « Il y’a des dossiers en instruction ici au Parquet de Grande Instance de Boma. J’aurais souhaité qu’avec la dynamique que nous formons avec WWF, que certains dossiers soient traités sur place dans la réserve pour dissuader et décourager les autres exploitants illégaux», plaide le Maire de Boma.
Soutenir la dynamique pour sauver la réserve
Au-delà des menaces de déforestation que connaît cette réserve, la CNCEIB se félicite tout de même d’une dynamique née des initiatives mises en place par les communautés et les partenaires. Selon la Coalition, cette dynamique qui se présente aujourd’hui comme une alternative plausible, contribue énormément à freiner la destruction massive et effrénée, de la Reserve de biosphère de Luki.
« Plus de 20 mille hectares de forêts ont été régénérées par les communautés vivant dans et autour de la réserve. Si nous atteignons 100 mille hectares, nous pouvons créer un équilibre », soutien Alain Huart, chef de projet Luki WWF-ERAIFT, exécuté avec les financements de l’UE.
Aujourd’hui, plus de 80 Comités locaux de développement (CLD) existent autour de la réserve. Ces organisations dument reconnus par l’Etat congolais, regroupent en leur sein, chacun, en moyenne une centaine des ménages. Au niveau de la ville de Boma, le maire entend entreprendre une campagne impliquant tous les ménages de sa ville dans le boisement. « Nous avons 17 quartiers, nous allons voir comment planter un arbre dans chaque parcelle », annonce le Maire de Boma.
Appuyés par les différents partenaires dont le Fonds mondial pour la nature (WWF), l’Union européenne, et l’ERAIFT, les comités locaux de développement se présentent à ce jour comme un modèle de réussite dans la région. Partout où ils sont installés, ces organisations paysannes ont amorcé un développement communautaire à la base. A travers ces organisations, les communautés sont sensibilisées, formées, et appuyées pour développer elles-mêmes des activités génératrices de revenus, notamment la pisciculture, l’élevage, la mise en défens, et autres. A en croire la CNCEIB, cette expérience a prouvé que « plus les communautés sont occupées, plus elles n’ont pas suffisamment du temps pour exercer la pression sur la réserve ». Et que de ce fait, les CLDs méritent être soutenus.
Cette organisation de la société civile recommande cependant que le réseau routier de desserte agricole soit entretenu pour aider les communautés à évacuer leurs produits vers les grands centres de consommation.
Article original publié sur Environews RDC