Depuis 2016, la population des crocodiles, en hausse dans le territoire de Fizi dans la province du Sud Kivu en RDC, cause de plus en plus la psychose auprès de la population, suite aux attaques récurrentes dont sont victimes les pêcheurs et autres riverains. Les services de l’environnement parlent de plus de 300 crocodiles et signalent plusieurs endroits dans les rivières et sur le littoral du lac Tanganyika où ont eu lieu des attaques de crocodiles sur des êtres humains.
Début avril 2017, les organisations de la société civile et les services étatiques avaient dénombré trente victimes. Parmi elles, neuf victimes sont mortes, d’autres ont disparu et certaines sont restées estropiées (sans bras ou jambe) après leur hospitalisation. Des initiatives locales demeurent encore faibles et irréalistes pour pallier au danger que cause ces reptiles.
Le lac Tanganyika qui, jadis, faisait la joie des riverains lors des baignades, s’est transformé en un cauchemar suite aux attaques récurrentes des crocodiles.
Nous craignons tous de fréquenter le lac
Le lac Tanganyika qui, jadis, faisait la joie des riverains lors des baignades, s’est transformé en un cauchemar suite aux attaques récurrentes des crocodiles à l’origine de la psychose dans le chef des tous les villageois le long de son littoral. Dans la première semaine du mois d’avril 2017, douze attaques par des crocodiles ont étés enregistrées à la rivière Sanza et au Beach de Nundu à Fizi.
Selon Alembe Munga, membre du comité des Jeunes, le 07 avril 2017, « un groupe des crocodiles a attaqué des jeunes qui prenaient leur bain dans la rivière Sanza vers 8 heures. Peu après, notre ami Bwami William, âgé de 22 ans, a été happé alors qu’il puisait de l’eau et, aujourd’hui, il est estropié ».
Cette situation inquiète les habitants de catégories différentes, à savoir : pêcheurs, vendeuses des poissons, petits commerçants et surtouts les jeunes filles qui, d’habitude, sont obligés de puiser de l’eau matin et soir pour accomplir leurs taches domestique. C’est le cas de Madame Jacqueline Bisochi, une habitante de Mboko (à environs 60 km de Bujumbura au sud de la province du Sud-Kivu): « J’ai peur d’aller lessiver les habits dans le Lac Tanganyika, les crocodiles ne cessent de tuer des personnes. Même m’y laver, je ne peux plus même si le lac reste notre seule source d’eau à Mboko ». Madame Jacqueline a désormais peur de faire sa lessive à la rivière et le fait désormais à lson domicile par crainte d’une attaque de crocodile.
A force d’être témoins de la souffrance que ces reptiles causent, certains habitants estiment que tuer ces animaux est une solution, c’est le cas par exemple Bahati Atosha, une vendeuse de légumes et de fretins trouvée au bord du Lac Tanganyika en bas de la paroisse Catholique de Mboko. « Pendant que nous attendions le matin les pêcheurs ici pour acheter du poisson, un enfant se baignait dans le Lac et soudain je l’ai vu attirer dans l’eau par un crocodile et il n’est plus revenu. Les hommes qui étaient ici l’ont cherché toute la journée, sans succès », temoigne-t-elle. Cette jeune femme de 26 ans poursuit son propos en posant la question : « pourquoi les autorités ne tuent pas ces animaux qui nous ont endeuillés plusieurs fois ? ». Elle conclut en affirmant : « Nous craignons Tous de fréquenter ce lac que vous voyez là quelque soit l’heure.
De leurs cotés les pêcheurs qui exercent sur le littoral leur principales activités se proposent maintenant de jeter des pierres et faire parfois du bruit autour de leurs pirogues avant ou après la pêche. Batangalwa Justin, un pêcheur de son état trouvé après l’accostage de sa pirogue au Beach de Mukwezi (à environs 37 Km de la ville d’Uvira) confirme la pratique de jeter des pierres qui se fait parfois sans l’assurance de la présence d’un crocodile. Ce dernier se souvient tristement de son collègue de pêche et de madame Laeli Mawazo, tous deux décédés en janvier dernier en ces mots : « Nous avons réussi à retrouver le corps de mon collègue qui manquait certaines des parties trois jours après dans les roseaux et la dame laisse des petits orphelins ».
Les attaques de crocodile : un danger que les ONG déplorent
Le territoire de Fizi est une plaine côtière qui s’allonge en bordure de lac Tanganyika au sud de la province du Sud-Kivu à l’Est de la RDC. Cette position géographique fait que la population mène autant d’activités à coté du lac (pêche, commerces des produits lacustres, petits marchés, petits restaurants, l’agriculture etc.)
C’est dans ce contexte que depuis l’année 2016, les populations riveraines et les autorités observent de plus en plus la hausse de la population des crocodiles dans les secteurs de Tanganyika et de Mutambala, en territoire de Fizi, et cette situation n’est pas sans conséquence sur la vie sociale et économique.
L’Association Femme active pour le développement de l’environnement( FAPE), une organisation féminine qui milite pour la protection de l’environnement en territoire de Fizi, dont le siège se trouve à Mboko, chef lieu du secteur de Tanganyika, dans un rapport rendu public à la presse en février dernier, a fait un bilan de vingt huit victimes. Neuf parmi elles sont mortes et d’autres disparus, certaines sont restées manchotes ou estropiées.
Dans ce contexte, il est difficile de trouver des stratégies efficaces pour contourner ou éviter de croiser un crocodile le matin ou le soir au lac et à certaines rivières dans les villages ou localités situés sur le littoral et où il y a absence de la desserte en eau de la Regideso (service public en charge de la distribution de l’eau en RDC). En outre, peu sont les bornes fontaines qui sont opérationnelles et que seule l’eau du Lac Tanganyika et des rivières servent aux besoins ménagers.
Outre cela, certaines activités comme le petit commerce des fretins ou des poissons se font le long de la littorale du lac, chose qui fait que l’activité humaine soit de plus en plus intense sur le lac. Pour Jeanne Tabisengwa, chargée programme de l’ONG FAPE, « les crocodiles s’attaquent souvent aux personnes tôt le matin et dans la soirée. Depuis le début de l’année 2017, trois personnes sont déjà tuées par ces reptiles, dont le dernier cas remonte au 28 février dernier au village de Mukwezi à une dizaine des kilomètres au Sud de Mboko ». Elle poursuit en affirmant : « Debongwa Pengele, un enfant de troisième année primaire a été emporté par un crocodile vers 7 heures du matin lors d’une baignade avec ses camarades et nous n’avons jamais vu son corps ».
Les attaques de crocodile : un danger que les autorités peinent à éviter
De leurs cotés, les services étatiques dans le secteur de Tanganyika déplorent le nombre croissant des victimes et affirment que depuis l’année passée il ne se passe un mois sans qu’une personne ne soit victime de l’attaque de ces reptiles. Face à cette situation, Mulenge wa Tambwe, Secrétaire principal du secteur, recommande aux habitants d’éviter d’aller seul puiser de l’eau au lac, mais plutôt en groupe car « cette recommandation à sa raison d’être du fait que le bruit récurent des gens chasse les crocodiles». Mais il rejette toute proposition visant à abattre les crocodiles.
Dans le secteur du Tanganyika, la population des crocodiles ne cesse d’augmenter dans le lac, rapporte le service de l’environnement de cette partie du territoire de Fizi. Selon un Agent du secteur ayant requis l’anonymat, « en 2011, on ne pouvait voir dans le lac Tanganyika qu’un petit nombre des crocodiles et ceux là ne constituaient pas un danger pour les riverain ».
D’autres sources comme monsieur C.K.L, pêcheur depuis 20 ans, pensent que « c’est depuis 2013 que leur nombre a accru. Les habitants affirment que la grande partie des crocodiles sont visibles sur le littoral du lac depuis le village Ilakala jusqu’à Kenya (à une distance estimée à 57 Km de Baraka), soit sur une trentaine de Kilomètre sur le littoral du Lac Tanganyika.
Le chef de ce service de l’environnement, quant à lui, justifie la multiplication de ces reptiles par le fait qu’ils ne font pas l’objet de chasse et ont trouvé un milieu favorable pour la survie, notamment dans des roseaux poussés au bord du Lac. Bisibe Benjamin, chef de secteur chargé de l’environnement, signale que le site de l’embouchure de la rivière Sanza (à une distance d’environs 45 Km de Baraka, chef lieu de Fizi) comme l’un des endroits de ponte pour ces crocodiles. En cet endroit, il est devenu difficile de fouler ces pieds sans y être inquiété, il en est de même dans la rivière Sanza en période de crue les crocodiles montent dans le courant d’eau sur une distance d’environ trois kilomètres de l’embouchure.
Des pistes de solutions toujours difficile à réaliser
Des propositions sont émises par différentes parties pour trouver la solution, mais certaines demeurent cependant contraires aux droits des animaux et à la protection de la nature et de la biodiversité. Pour Abangel wa Kasikulu, cultivateur, « la seule solution reste de le traquer ou commencer à le pécher avec des filets et des pièges comme les pécheurs font avec les poissons du lac, si non, nous finirons par fuir nos maison qui sont au bord du lac ».
Cependant, cette proposition ne passe pas auprès des autorités politico-administratives qui pensent que l’Etat congolais garantit par ses lois la protection des animaux et de l’environnement. Le chef du secteur a d’ailleurs mis en garde, en janvier 2016, les habitants et certains éléments des Forces armées congolaises en poste dans sa juridiction de les déférer en justice s’ils s’attaquaient ou abattaient les crocodiles.
De leurs côtés, les organisations de la société civile et certaines organisations des pécheurs considèrent que les autorités doivent se doter des moyens pour initier des opérations de refoulement de ces reptiles vers les sites considérés comme parcs aquatiques dans le lac Tanganyika où toutes les activités humaines y sont interdites.
Certaines personnes, chefs coutumiers et autres acteurs qui comprennent la nécessité de protéger, d’une part les crocodiles, et de protéger les habitants des attaques de ces reptiles et permettre aux riverains de jouir paisiblement du littorale d’autres part, préconisent l’isolement dans un parc aquatique (mis en quarantaine) et le refoulement.
C’est le cas par exemple de John Kalenga, un acteur de la société civile en territoire de Fizi : « nous ne cessons de dire aux autorités de mettre ces crocodiles dans des sites comme celui allant de la rivière Mbulu dans la localité de Mukwezi jusqu’à la rivière Katungulu de la localité Munene. Celui allant de la rivière Ekolo de la localité Ilila jusqu’à la rivière Kabondozi. Et enfin celui de la localité Zimbwe jusqu’à Katungulu pour éviter que nos villages ne soient toujours endeuillés ». Mais cette autre proposition risque de souffrir dans son effectivité du fait que « les crocodiles se dispersent sur plusieurs endroits du littoral du Lac Tanganyika du secteur de Tanganyika », fait savoir Jeanne Tabisengwa de la FAPE.
Dans un entretien avec les journalistes membre de la synergie de Medias d’Uvira et Fizi, SYMUF (une Association des journalistes et des medias) en février denier, le chef de service de l’environnement a informé avoir proposé une opération de refoulement à la division provinciale de l’environnement du Sud Kivu en vue de sécuriser les riverains. Néanmoins, aucune réponse sur l’exécution de ladite mesure ne lui a encore été donnée de la part de sa hiérarchie. Bisibe pense que la multiplication des bornes fontaines d’eau dans les différents villages et localités et la sensibilisation des habitants contribuerait à réduire le danger que présentent les crocodiles dans cette entité et invite les organisations humanitaires à s’y pencher.