Alors que s’ouvre à Brazzaville le Sommet des trois bassins, des défenseurs de l’environnement publient un rapport alarmant sur l’état des forêts tropicales. L’Amazonie, le bassin du Congo et l’Asie du Sud-Est, revêtent pourtant un intérêt majeur sur les objectifs stock carbone devant contribuer à la réduction des températures, dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.
Les menaces liées à l’expansion des industries pétrolières, gazières, et minières sont immédiates partout où ces concessions se superposent aux forêts naturelles. « Sans un arrêt rapide de la déforestation et de la dégradation des forêts naturelles, les trois bassins tropicaux risquent une rupture systémique de l’écosystème et, à mesure que le climat se réchauffe, des boucles de rétroaction se déclenchent et des canopées entières disparaissent”, préviennent les auteurs du rapport sur la menace des trois bassins : Empêcher l’expansion pétrolière et gazière, minière et industrielle.
Un consortium d’organisations de défense de l’environnement, porté par Earth Insigth, a publié ce document le 24 Octobre 2023, en marge du Sommet des trois bassins qui se déroule à Brazzaville en République du Congo du 26 au 28 Octobre 2023. “L’Amazonie est déjà au milieu d’une crise de basculement, tandis que le bassin du Congo devrait atteindre un point où il ne pourra plus soutenir les écosystèmes et les services de la forêt tropicale », alertent les auteurs.
Ce rapport jette un regard sévère sur les menaces imminentes liées à l’expansion de ces industries en examinant les endroits où les concessions pétrolières et gazières, minières et autres concessions industrielles se superposent aux forêts naturelles (souvent des forêts primaires et des zones clés pour la biodiversité). Il indique également les zones de chevauchement avec les territoires autochtones, les terres coutumières et les lieux habités.
Menace sur les territoires des peuples de forêts
D’après Tyson Miller, Directeur exécutif de Earth Insight, près de 400 millions d’hectares, soit 26 % des forêts tropicales intactes en moyenne, se trouvent aujourd’hui dans des concessions pétrolières, gazières et d’exploitation minière dans les trois bassins. Dans ces derniers poumons verts de la planète, près de 50 000 lieux habités (villages, communautés, villes, etc.) se trouvent dans des concessions pétrolières, gazières et minières.
« Dans le bassin du Congo, environ 1/5 de la population vit sous des blocs de production, d’exploration pétrolières et gazières » Earth Insight
Dans la seule Amazonie, près de 100 millions d’hectares de forêts abritant des peuples autochtones se trouvent aujourd’hui dans des blocs pétroliers et gaziers et/ou des concessions minières actives ou concessions minières actives ou potentielles dans la seule Amazonie. Pour ce qui est du bassin du Congo, environ 54 millions d’hectares de forêts tropicales, en majorité des forêts tropicales non perturbées, font l’objet d’une exploitation forestière.
Des données Landsat ont révélé qu’un peu plus de 218 millions d’hectares de forêts tropicales humides ont disparu de 1990 à 2019. En outre, 106 millions d’hectares supplémentaires se trouvent dans un état dégradé. L’analyse de ces données montre qu’au moins 45% de la dégradation récente conduira probablement à la déforestation dans moins de dix ans.
Moratoire sur l’expansion des activités industrielles
En 2022, la perte de forêts tropicales primaires s’élevait à 4 millions d’hectares, soit l’équivalent de 11 terrains de football de forêt qui disparaissent chaque minute. Dans le bassin amazonien, 26 % de la superficie présentent des signes de déforestation et de forte dégradation, soit 20 % de forêts converties de manière irréversible et 6 % sont fortement dégradées. Earth Insigth, prévoit également que d’ici 2050, au moins 27 % des forêts pluviales intactes du bassin du Congo présentes en 2020, seront confrontées à de graves menaces existentielles si le rythme actuel de déforestation et de dégradation des forêts continue. L’Asie du Sud-Est a perdu un sixième de ses forêts, avec des menaces croissantes liées aux combustibles fossiles, à l’exploitation minière, à l’agro-industrie, à la sylviculture et à d’autres formes d’expansion industrielle.
Les auteurs du rapport plaident pour un moratoire sur l’expansion des activités industrielles dans les forêts primaires et prioritaires des trois bassins tropicaux du monde. Ils proposent des solutions financières telles que l’allègement de la dette, la réorientation des subventions, le paiement des services écosystémiques et d’autres innovations du système financier pour préserver ces trésors mondiaux et répondre aux besoins en matière de développement. « En l’absence d’un arrêt des activités extractives, d’une protection et d’une application adéquate, les forêts restantes et les communautés autochtones et locales qui en dépendent continueront d’être gravement touchées », préviennent-ils.