Les pourparlers sur le climat de Madrid se sont révélés vains et désastreux, pris en otage par l’industrie fossile

Alors que de nombreux pays, particulièrement ceux qui sont le plus vulnérables aux impacts climatiques, s’attendaient à des négociations pouvant relever le niveau d’ambition pour enfin être collectivement à la hauteur de ce qui est nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5°C, les travaux de la COP 25 se sont terminés sur un échec en […]

Alors que de nombreux pays, particulièrement ceux qui sont le plus vulnérables aux impacts climatiques, s’attendaient à des négociations pouvant relever le niveau d’ambition pour enfin être collectivement à la hauteur de ce qui est nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5°C, les travaux de la COP 25 se sont terminés sur un échec en raison des blocages causés par quelques puissances ayant des intérêts particuliers dans le charbon, le pétrole et le gaz qui ont obstinément bloqué les progrès.

Ces résultats décevants contrastent fortement avec les demandes d’action rapide et radicale émanant des millions de personnes qui ont participé aux grèves et mobilisations climatiques en 2019, ainsi qu’avec les avertissements de plus en plus préoccupants des scientifiques et des chercheurs.

Au Kenya, des membres de la plateforme Afrika Vuka s’opposent à l’industrie fossile.
Credit photo: 350.org

En Afrique, de plus en plus de citoyen se lèvent pour s’opposer à l’industrie fossile et défendre des solutions climatiques adaptées et accessibles. Des groupes locaux et de la société civile travaillent de manière acharnée pour libérer l’Afrique de la dépendance au charbon, au pétrole et au gaz. De Lamu (Kenya) à Bargny (Sénégal), Virunga (République démocratique du Congo), San Pedro (Côte d’Ivoire) et Mpumalanga (Afrique du Sud), les citoyen.ne.s et les communautés s’opposent aux grands noms de l’industrie fossile qui aggravent les effets du changement climatique. Le besoin s’est fait sentir de regrouper les initiatives de lutte pour établir une étroite coopération sur la plateforme AfrikaVuka en vue d’atteindre de meilleurs résultats et un plus grand impact. Elles méritent reconnaissance, soutien et solidarité.

Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et regarder nos économies, nos écosystèmes et nos ressources être mis en danger sans faire entendre notre voix. Nous refusons que notre continent, vulnérable et déjà fortement touché par les effets du changement climatique, devienne le dépotoir d’une industrie en voie de disparition. Nous condamnons et rejetons la théorie selon laquelle les entreprises charbonnières amènent le « développement » et exigeons une participation accrue et active dans les discussions sur les choix énergétiques futurs. Pour des millions d’Africains, le changement climatique continue d’accroître les inégalités à différents niveaux. Assister les personnes touchées de manière irréversible par le changement climatique, renforcer les mécanismes d’adaptation et régler la question des pertes et dommages sont entre autres les principales questions discutées à Madrid et qui sont au cœur de l’Accord de Paris.

Il y a quatre ans, l’Accord de Paris fut signé à la COP21. Ce n’était pas un accord parfait, mais c’est le meilleur que nous avons pu obtenir jusqu’ici et qui, une fois pleinement mis en œuvre, nous permettra d’éviter les pires scénarios de la crise climatique. L’Accord a pour objectif de réduire la température de la planète à bien moins de 2°C et d’atteindre les 1,5°C. Depuis lors, les scientifiques produisent un grand nombre de rapports et d’études, de plus en plus alarmants, qui confirment que ce n’est qu’en maintenant les températures mondiales à 1,5°C que nous pourrons éviter la disparition massive des espèces, la destruction des écosystèmes et des moyens de subsistance ainsi que les migrations massives causées par le déplacement forcé des populations à la recherche de refuge.

Cependant, les pouvoirs nationaux et d’autres acteurs puissants n’arrivent toujours pas à prendre des mesures radicales et des décisions courageuses qui pourraient mettre un frein aux feux qui ravagent notre planète. Les émissions continuent d’augmenter, les investissements dans les combustibles fossiles se poursuivent et les plus vulnérables parmi nous le deviennent davantage. Bien des raisons expliquent cet état de choses ; entre autres, elles expliquent pourquoi les gouvernements n’agissent pas en fonction des recommandations scientifiques et des besoins des populations. En dehors de la COP21, toutes les autres réunions sur le climat ont souvent été caractérisées par l’hypocrisie, l’égoïsme, des promesses vides et la procrastination, les grands pollueurs retardant et sabotant de manière délibérée toute action importante en faveur du climat. L’influence du lobby de l’industrie fossile sur les gouvernements et sur les négociations sur le climat elles-mêmes a fait en sorte que de véritables progrès ont été bloqués jusqu’à présent pour permettre à quelques grandes sociétés et élites nationales de prospérer au détriment des autres.

Nous disons « plus jamais ça »

Face à l’aggravation de la crise climatique, les décideurs africains doivent écouter la demande de leur peuple et agir de toute urgence en se consacrant sur des solutions qui éliminent les combustibles fossiles et sur la transition vers des énergies propres et renouvelables. Au niveau des villages, des villes, des districts et des comtés, les populations se mobilisent pour défier ensemble le pouvoir de l’industrie fossile. Les syndicats, les groupes confessionnels et groupes non environnementaux se joignent à elles pour mettre en place de nouvelles solutions qui privilégient la dimension humaine. Grâce aux innovations technologiques continues dans le domaine de l’énergie, qui rendent les énergies renouvelables plus accessibles et abordables, nous croyons que l’Afrique peut et doit montrer le chemin en cette période décisive de l’histoire, en luttant contre la crise climatique tout en créant un monde plus juste et équitable et de millions de nouveaux emplois pour sa population jeune et croissante alimentée par des ressources renouvelables technologiquement avancées.

Malgré les résultats désastreux des pourparlers de Madrid, la lutte contre le changement climatique ne s’arrêtera pas. Il est clair qu’une transition juste et rapide des combustibles fossiles est réalisable, en Afrique comme ailleurs. En fait, la façon dont nous gérons la crise importe autant que la rapidité avec laquelle nous agissons. Si les personnes au pouvoir ne commencent pas à prendre en compte d’autres questions de justice sociale telles que l’extrême pauvreté, l’extraction, le néocolonialisme, le manque de liberté et les inégalités, la crise climatique ne saurait être véritablement résolue. Si les communautés de première ligne, touchées par les inondations récurrentes, les sécheresses, la destruction de l’environnement, la faim et le déplacement forcé, ne sont pas placées au cœur des préoccupations, la crise climatique ne saurait être véritablement résolue. Les COP resteront un échec aussi longtemps que l’ONU permettra aux lobbyistes de l’industrie fossile de marcher dans ses couloirs en vue d’influencer les politiciens complaisants à ne pas prendre des mesures énergétiques pour répondre à l’urgence », selon les propres termes du Secrétaire général des Nations-Unies.

Landry Ninteretse est Chef de l’équipe régionale de 350Africa.org.

 

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