Au moins 160 hectares disparaissent chaque année dans l’ex-Katanga en rapport avec l’extraction des minerais. Mais le paysan agriculteur, parfois en même temps carbonisateur, coupe au moins 2 hectares par an par individu pour des activités de subsistance et arrive en tête des destructeurs des forêts dans cette région, d’après Pasteur Kut-a-Kut, chef de la thématique Environnement au Cadre de concertation de la société civile du Katanga.
En 2014, une étude environnementale de la coopération allemande, GIZ, étendue à plusieurs secteurs, indique que le Katanga produit 323.000 tonnes de charbon de bois et 69.000 tonnes de bois de chauffage. C’est tout le contraire des considérations qui, jusqu’ici, ont présenté l’industrie extractive minière, comme principale destructrice des forêts et bois de la province. « A considérer que l’agriculture constitue l’activité qui occupe la majorité des populations rurales, il y a à craindre la disparition rapide des forêts », s’inquète Pasteur Kut-a-Kut.
En attendant la récolte, aux environs des grandes villes de l’ex-Katanga, notamment à Lubumbashi, les paysans fabriquent du charbon de bois. A Kangabwa, par exemple, village situé à 75 km de Lubumbashi, dans le territoire de Kambove, le charbon de bois constitue l’essentiel de leurs ressources. L’agriculture n’est pas assez développée, les enfants ne vont pas régulièrement à l’école.
« La Société d’Exploitation de Kipoi (SEK) (une entreprises minière installée à proximité, NDLR) vient d’apporter des intrants agricoles aux paysans. Imaginez-vous que c’est maintenant que les parents doivent semer le maïs et attendre la récolte en juin 2016. Quand est-ce qu’ils enverront les enfants à l’école ? Par manque de motivation, trois de mes enseignants viennent de fuir l’école », explique Kur a Musans, directrice de l’école primaire Maisha ya kesho.
A Kangabwa, les paysans préfèrent ainsi la fabrication des charbons de bois à l’agriculture. Mais l’entreprise SEK Kipoi interdit de couper le bois, par souci de protéger l’environnement. Notion difficile à intégrer, surtout que les habitants de Kangabwa reprochent à cette entreprise de ne pas embaucher les fils du terroir, hormis 3 des leurs qui y travaillent depuis 2011.
Sans cesse portés à trouver de nouvelles terres arables, en effet, les paysans cultivent sur brulis, après avoir coupé des forêts, ou des bois, dans la savane boisée qui couvre une large partie du Katanga méridional. Les espaces ainsi découverts rassurent une production nettement améliorée que dans la savane herbeuse. Puis, il faut trouver de nouvelles terres : de nouveaux bois ou forêts à abattre.
« L’ex-Katanga n’a pas de grandes forêts, comparativement à l’Equateur. Claire, c’est-à-dire, à végétation faible et proche de la savane boisée, la forêt du sud de la région est fragile », explique John Katanga, chercheur environnementaliste.
Depuis 2008, le gouvernement provincial limite la coupe de bois aux fins commerciales, et ne l’autorise qu’en début d’août, une fois l’an. Mais le reboisement attendu durant les 9 autres mois de l’année « souffre de manque de suivi et de planification ».
« Toutes les forêts ont été entamées et le Fonds Forestier National attendu du gouvernement en vue de reboiser n’arrive pas toujours, explique Kut-à-Kut.
De l’argent rapide avec du charbon de bois
Pas d’alternative à la coupe de bois pour les paysans environnant les grandes villes. A effet immédiat, la coupe de bois attire des paysans. Peu seulement savent, cependant, que cette pratique mine leur environnement. Pas facile d’appréhender le sens de l’interdiction de SEK Kipoi de couper les bois et de fabriquer les charbons, le cas du village Kingabwa, à 75 km de Lubumbashi, sur la route Likasi.
« Comment va-t-on vivre ? Les minings (les sociétés minières NDLR) ne nous embauchent pas, parce que nous n’avons pas étudié. Ils prennent les gens qui viennent de loin. Ils prennent même nos terres et nous interdisent d’y passer encore », se plaint un habitant du village de Kipoi.
En plus, l’électricité ne suffit pas pour tous, même au centre-ville de Lubumbashi. Le charbon de bois s’impose comme principale source d’énergie pour les ménages. Polluant, mais aussi destructeur des forêts, il alimente pourtant l’économie des pauvres. A Lubumbashi, « carbonisateurs », fabricants du charbon de bois, comme les appelle Pasteur Kut-a-Kut, circulent à travers les rues à la recherche d’acheteurs.
Un commerce florissant dans l’ex-Katanga
L’étude de la coopération allemande (GIZ, 2014, la plus récente) démontre à quel point la coupe de bois menace la forêt et la savane boisée, au Katanga. C’est sans considérer le bois d’œuvre, utilisé en menuiserie qui lui aussi, constitue un grand business. Mais le commerce de charbon de bois est florissant dans les grandes villes, principalement à Kolwezi et à Lubumbashi où se concentrent la majorité de la population urbaine.
Un sac de 30 kg de charbon de bois, surchargé, coûte au moins 9.000 FC, environ 10 USD. Dans les marchés populaires de Lubumbashi, près des étalages de légumes, le charbon de bois est vendu en détail, jusqu’à 300 FC (environ 0,32 USD) un tas de charbons pour les bourses menues. Des trafiquants ont injecté suffisamment de liquidité dans ce commerce. Dans la soirée, des camions amènent chaque semaine de nouveaux stocks. Méfiants, ils n’osent pas donner le chiffre d’affaire, par peur de taxes, pis encore, « que les autorités ne les bloquent ».
Pasteur Kut-a-Kut estime qu’il est urgent que la sensibilisation soit menée à grande échelle. « Il faut que tout le monde s’implique dans le reboisement », dit-il. Il continue que les miniers et le gouvernement devraient davantage s’impliquer dans cette lutte. En attendant, des organisations des femmes sensibilisent sur l’utilisation des foyers améliorés, peu consommateurs des charbons de bois et moins polluants.