Le bois informel, un marché bien assis dans le Bassin du Congo

Dans la 2ème plus grande forêt du monde, le marché domestique du bois se développe dans l’informel et sa croissance rime parfois avec illégalité et faible rentabilité pour les Etats. Une situation largement condamnée par les acteurs présents à la 17ème Réunion des Parties  du  Partenariat  des forêts du Bassin du Congo à Douala, du […]

Dans la 2ème plus grande forêt du monde, le marché domestique du bois se développe dans l’informel et sa croissance rime parfois avec illégalité et faible rentabilité pour les Etats. Une situation largement condamnée par les acteurs présents à la 17ème Réunion des Parties  du  Partenariat  des forêts du Bassin du Congo à Douala, du 24 au 27 Octobre 2017. Au terme du Stream 1 portant sur la gouvernance forestière et l’aménagement du territoire, les avis des différents acteurs convergent vers le même point : il faut réglementer le marché domestique du bois qui ravitaille une grande partie des populations nationales et sous régionales.

Transport de bois scié en RDC. Les communautés locales sont les principales bénéficiaires de l’exploitation forestière et du sciage de bois artisanaux dans le pays, à hauteur de 50 millions de dollars par an. Photo: Pitchou Tscimpanga/CIFOR

Transport de bois scié en RDC. Les communautés locales sont les principales bénéficiaires de l’exploitation forestière et du sciage de bois artisanaux dans le pays, à hauteur de 50 millions de dollars par an. Photo: Pitchou Tscimpanga/CIFOR

En effet, le Centre de Recherche Forestière Internationale (CIFOR) signale une forte croissance du marché domestique du bois dans le Bassin du Congo. Au Cameroun, des données montrent que la consommation locale de sciage est supérieure au volume de bois exporté vers l’Europe, l’Asie et l’Amérique. « La consommation nationale de sciage avoisine un million de mètre cube au Cameroun par an, alors que le volume exporté tourne autour de 6 cent mille m3 de sciage», rapporte le Coordonnateur régional Afrique centrale du Centre de recherche forestière internationale, Richard Eba’a Atyi. Forte consommation nationale, mais aussi, important flux frontalier. Chaque année, le Cameroun exporte vers le Tchad au moins 2cent mille m3 de sciage. Cela fait du Tchad le plus gros importateur du sciage au Cameroun, devant la Chine et l’Union Européenne.

Le constat est valable presque pour tous les pays de la sous-région. La République Démocratique du Congo sort vers l’est du pays, au moins 120 mille m3 de bois par an. « Au minimum, pays par pays, le tiers des volumes de bois prélevés couvre le marché domestique du Bois et cela peut être beaucoup plus », relève Emmanuel Heuse, membre de l’équipe de facilitation de l’Union Européenne du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC).

Pourtant, reconnaît l’expert des questions politiques Emmanuel Heuse, le marché domestique du bois a longtemps été remis au second rang. « Nous, partenaires internationaux affirmons très souvent, il y a du bois qui va à l’extérieur, oubliant la demande locale. Oui, il y a du bois qui va à l’extérieur, mais les pays eux-mêmes consomment du bois ». Seul problème, ici, l’informel règne en maître.

L’informel, un refuge

Des données du Cifor publiées en 2011 le démontrent: 75% du bois intérieur est produit illégalement dans les pays du Bassin du Congo. Pamphile NTANGA est le Secrétaire Général Adjoint de la Fédération camerounaise des associations et des professionnels de la seconde transformation du bois (FECAPROBOIS). Le caractère légal du bois quant à lui tient compte de plusieurs aspects, selon le rapport intitulé « Les forêts du Bassin du Congo : Etat des Forêts ». Il s’agit entre autres : du droit d’accès à la ressource, des réglementations liées au foncier, de la gestion forestière, la fiscalité, du droit au travail, du transport, de la transformation des produits forestiers. Des conditions que peinent à remplir les petits producteurs. Pamphile NTANGA est le Secrétaire Général Adjoint de la Fédération camerounaise des associations et des professionnels de la seconde transformation du bois (FECAPROBOIS).

Parmi les nombreuses pesanteurs auxquelles sont confrontés ces entrepreneurs, Pamphile Ntanga insiste sur les difficultés d’approvisionnement : « L’accès régulier et sûr à un bois légal, sec, de qualité, en quantité suffisante  et à un prix compétitif est le principal défi du secteur de la 2ème  et 3ème transformation du bois au Cameroun. Les entreprises travaillent en flux tendu, sans stock. L’achat du bois se fait à la commande du produit, financé par l’avance de paiement du client », explique-t-il.

Dans un tel contexte, les ruptures de stock dans les circuits informels provoquent un blocage des commandes et des fabrications dans les entreprises. A cela s’ajoutent les questions financières. « Des petits producteurs éprouvent des difficultés d’accès aux financements bancaires adéquats à cause des coûts élevés des intérêts et des crédits, des exigences en termes de garantie et des différés de remboursement extrêmement courts », déclare-t-il.

Les conditions de travail n’échappent pas à cette précarité, signale le Secrétaire Général de FECAPROBOIS. « Les entrepreneurs de ce secteur utilisent en majorité des machines de seconde main importées d’Europe, où elles ont été mises hors services en raison du non-respect des normes de sécurité ». Une fois réceptionnés, ces équipements freinent le déploiement des opérateurs du marché domestique du bois. La vétusté de la machine, associée au manque de technicité des employés locaux et l’absence de pièces de rechange augmentent le lot des préoccupations des petits producteurs déjà confrontés aux difficultés administratives.

Pour ces petits producteurs, le secteur informel représente le seul moyen d’échapper à la réglementation, qui disent-ils « ne cadre pas avec les réalités de terrain ». Sur le terrain, on le voit bien. «Les relations avec l’administration sont de loin les problèmes qui sont souvent cités dans les enquêtes avec les petits exploitants artisanaux et informels.

Ceux-ci tombent très vite dans l’illégalité, car les règlements qui les concernent ne sont pas pertinents par rapport à leur réalité de travail quotidien », argue Richard Eba’a Atyi,  Coordonnateur régional Afrique centrale du Cifor. Le Sous-Directeur de la Promotion du bois au Ministère des forêts et de la faune fait le même constat. Le Marché Intérieur du Bois (MIB) voit le jour en 2010 pour approvisionner le marché local en bois légal, au meilleur ration « qualité-prix ».

Coordonnateur régional Afrique centrale du CIFOR

Coordonnateur régional Afrique centrale du CIFOR. Photo Madeleine Ngeunga/InfoCongo

Seulement, «La réglementation forestière relative à l’accès à la ressource est jugée inadaptée pour les petits exploitants artisanaux qui approvisionnent habituellement le MIB », affirme Hortense Motalindja. De plus, le MIB peine à satisfaire la forte demande nationale. Selon le ministère des forêts, en 2016, la quantité de bois légal mis sur le MIB était d’environ 422 millions de m3 pour une demande estimée à 800 millions de m3 de bois.

Le prix de la légalité

Sur le plan international, cette situation crée du tort aux pays comme le Cameroun ou la République Démocratique du Congo (RDC), signataires de l’Accord de Partenariat Volontaire FLEGT  (APV – FLEGT) avec l’Union Européenne.  Hortense Motalindja, sous-directeur  de la Promotion du Bois au ministère des Forêts et de la faune du Cameroun le reconnait. « A travers la signature de l’APV-FLET,  le Cameroun s’est engagé à faire la  promotion et la commercialisation du bois légal et des produits forestiers sur le territoire national et à l’extérieur ». Et c’est bien mentionné à l’article 9.3 de l’APV-Flegt. «Le Cameroun vérifie la légalité des bois exportés ainsi que des bois  vendus sur les marchés intérieurs». Que faire donc pour valoriser le marché domestique?

Des acteurs du domaine sont unanimes. Il faut trouver des mécanismes pour faire migrer ces petits producteurs de l’informel vers le secteur formel. Cela passe par des mesures fiscales incitatives, mais aussi l’instauration des politiques de marchés publics. « Pour le moment, les gouvernements tout comme les partenaires publics internationaux effectuent des travaux d’infrastructure. Ils s’approvisionnent sur ces filières domestiques sans poser de condition quant à la qualité du Bois acheté. Par conséquent, ils entretiennent l’illégalité. Nous disons non», plaide Emmanuel Heuse, expert des questions politiques de l’équipe de facilitation de l’Union Européenne pour le PFBC.

Il est important de fixer des conditions pour ces gros clients qui n’ont pas de soucis financiers. Ils doivent continuer à acheter du bois sur des filières domestiques, mais, payer plus pour avoir du légal. C’est ce que nous appelons des politiques du marché public », ajoute-t-il. D’après le Coordonnateur régional Afrique centrale du CIFOR, le Cameroun et les pays de la sous-région devraient établir des politiques de commande publique compatibles avec la gestion durable et la légalité.

Pour l’heure, le texte d’orientation de cette politique des marchés publics doit être élaboré courant 2018. Les Parties du Partenariat des Forêts du Bassin du Congo attendent ledit document pour amorcer une nouvelle étape vers la réglementation du marché domestique du bois en Afrique Centrale.

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