A Kasulo, un bruyant quartier de Kolwezi, dans l’ancien Katanga, s’est installée une carrière minière artisanale. Depuis septembre 2017, une société minière s’y est installée. Raison pour laquelle les autorités de la province du Lualaba en délocalisent des habitants. Depuis, les inquiétudes montent.
597 maisons doivent libérer un périmètre d’environ 1 kilomètre carré. Depuis 2014, de nombreux creuseurs, jeunes en majorité, y ont établi une carrière artisanale. Ils exploitent un important (non évalué) filon de cobalt. Cette année-là, mi- 2014, il était découvert au hasard des creusements, pour la construction de fosses septiques, expliquent plusieurs sources.
Une délocalisation en douceur de Kasulo à Samukinda
Le gouvernement de la province du Lualaba que dirige Richard Muyej, ancien ministre de l’intérieur (2012-2014), a choisi une délocalisation en douceur et concertée. Il a nommé une commission mixte composée du gouvernement, de la société civile et de l’entreprise minière Congo Dongfang Mining (CDM), la société chinoise acquéreuse de la mine de Kasulo. Fin septembre, 480 responsables des maisons identifiées ont reçu leur indemnisation, signant leur délocalisation irrévocable. « Le processus est respecté », explique Schadrac Mukad, coordonnateur de l’ONG Ligue nationale paysanne des droits de l’homme (Linapedho), qui suit les discussions.
Les habitants qui le souhaitent perçoivent jusqu’à 10.000 USD pour libérer le site. Ils se chargent alors de bâtir leurs maisons ailleurs. D’après une dépêche de l’Agence congolaise de presse, le ministre des mines du Lualaba avait promis en avril 2017, des indemnités allant à 150% de valeurs des maisons bâties sur ce site. Les autres, par ailleurs, attendent d’occuper des logements sociaux en cours de construction à Samukinda, à 7 km du centre-ville de Kolwezi, en périphérie, dans le territoire de Lubudi.
Par ailleurs, les personnes qui avaient leurs champs à Samukinda, 332 au total, reçoivent les indemnités en espèces, entre 4.000 et 6.000 USD expliquent des sources à Kolwezi. Une commission, dont des agronomes font partie, évalue ces terrains et ce qu’ils contiennent, avant les paiements. Des maisons sont en cours de construction, sous le financement de CDM qui indemnise aussi bien ici qu’à Kasulo.
Une mine de cobalt en pleine cité; à Kasulo, l’Etat est débordé
Les carrières minières au cœur des cités habitées, le phénomène n’est pas nouveau dans la région cuprifère du Katanga, au sud-est de la République démocratique du Congo. A Kawama, carrière minière artisanale près de Kolwezi, où à Kawama (même nom, arrière abandonnée), près de Lubumbashi, les creusements ont lieu parfois près des habitations. Pareil à Musoshi, à Kasumbalesa, près de la frontière zambienne.
Avant juin 2014, date qui correspond à l’établissement d’une carrière à ciel ouvert à Kasulo, à Kolwezi, les propriétaires des parcelles ont commencé des creusements dans leurs salons ou chambres. Des tunnels souterrains serpentaient la zone, si bien que des maisons se sont écroulées, d’autres dangereusement fissurées, obligeant les occupants à déménager. D’autres ont alors laissé entrer des creuseurs, sous leur contrôle, avec accord de partage des butins, en termes de pourcentages entre creuseurs, maitres des parcelles et ceux qui financent l’exploitation en apportant argent et matériaux divers.
Plusieurs initiatives des autorités locales visant à faire cesser ces creusements dangereux, à commencer par la maire de Kolwezi, jusqu’au ministre de l’intérieur Richard Muyej (2015), ont échoué. Kasulo n’a donc jamais été affectée comme zone d’exploitation artisanale, comme le prévoit l’article 21 du code minier. Celui-ci prévoit, en effet, un périmètre défini par le gouvernement et ses services dont le cadastre minier. Au dernier décompte, la commission de délocalisation a identifié 7000 creuseurs, indique Radio Okapi.
A lire aussi : L’incroyable destin de Kasulo
Les mines de la pauvreté dans le Katanga
Une exploitation devenue incontrôlable. Et, sans contrôle, le terrain était alors propice aux violations de droits humains, comme le révèle le rapport « Voilà pourquoi on meurt » de l’ONG Amnesty International. Il rapporte des atteintes parfois graves, qui « alimentent le commerce mondial du cobalt. » L’ONG a, aussi, signalé la présence des enfants, travaillant « ouvertement à la surface des mines. »
L’arbitraire intervient parfois dans la chaine même de production artisanale de cobalt. Partie économiquement faible, et faisant face à des accords souvent verbaux, les creuseurs s’en sont parfois trouvés exploités, dupés. C’est sans compter des trucages des balances aux comptoirs des acheteurs chinois ou des intermédiaires congolais appelés négociants. Les minerais obtenus sont vendus avec ou sans intervention des coopératives minières, établies comme structures d’encadrements des creuseurs au quotidien.
Ces derniers ne peuvent travailler sans s’affilier à une d’elles, ni d’ailleurs vendre leurs minerais. A leur tour, par ailleurs, les coopératives assurent le pont avec l’Etat, à travers le SAESSCAM chargé lui, de conduire la mutation vers la petite mine. Ces tutelles nombreuses ne sont pas sans mécontenter les creuseurs qui se trouvent à protester. Les dernières protestations datent du 17 septembre 2017. Mais cette fois, c’était des candidats à la délocalisation qui ont contesté les indemnisations jugées « insuffisantes ».
Depuis l’effondrement de la parastatale exploitant cuivre et cobalt, la Générale des carrières et des mines (Gécamines), en début des années 90, de nouvelles sociétés minières privées sont nées. Les exploitants artisanaux sont aussi entrés dans les mines. Une exploitation, artisanale, que le Code minier voté en 2002, a définie comme facteur de progrès économique et d’emplois.
Cette loi comptait impulser la naissance d’une classe moyenne, par l’artisanat minier appelé à passer à la « petite mine ». Les creuseurs devaient alors abandonner bèches et barres de mines, pour une exploitation semi-mécanisée. « Tout cela est resté un discours », explique laconiquement Frédéric Malu, coordonnateur pour le Katanga, de l’ONG CENADEP (Centre National d’Appui au Développement et à la Participation Populaire), qui appuie notamment les creuseurs. A la place, en effet, explique Beaudouin Nkwambi de la société civile du Congo, « ce sont les coopératives et d’autres organisations derrière lesquelles se cachent parfois des dirigeants, qui se sont enrichis ».
Des préoccupations environnementales
La question la moins posée, alors qu’une carrière minière mécanisée s’installe en pleine citée habitée, c’est son impact environnemental. Kasulo est caractérisé par une surpopulation, les mines artisanales attirant de nombreuses activités économiques. Elle a pour conséquence directe, une promiscuité dangereuse, propice aux maladies. C’est la cause, d’après le manuscrit d’un rapport sur l’impact environnemental de l’exploitation artisanale que nous avons pu consulter, des « maladies vectorielles ».
Ce rapport note, en plus, « l’exposition des femmes et des enfants aux effets néfastes dus à l’exposition aux émanations radioactives et aux lavages des minerais. » Des lavages des minerais ont lieu, le plus souvent, au cœur d’une rivière qui prend sa source sur le quartier en amont, au rond-point Malu. Ce sont des femmes et des enfants qui s’en chargent, et ce, malgré de nombreuses campagnes du gouvernement du Lualaba visant à les déloger des carrières minières. Mais ils doivent survivre, ce qui les y ramène presque toujours, aussitôt expulsés.
« Nous envisageons que le gouvernement délocalise plus des gens encore pour éviter les risques. Ils disent qu’il n’y a pas de danger mais c’est faux, explique Schadrack Mukad de la Lianpedho. Ils vont passer à l’exploitation mécanisée, avec usage d’explosifs ou des produits chimiques toxiques. Il y a des risques majeurs réels : les fissures des maisons ou la poussière, par exemple. »
Le ministre des mines du Lualaba Jean-Marie Tshizainga ainsi que son collègue de l’environnement Kapend a Kapend n’ont pas accepté de commenter d’en dire plus à Info Congo, sur les mesures environnementales préventives prises.
Un minier à tenir à l’œil
Certes, la société chinoise CDM construit une clôture censée constituer une rupture entre le quartier habité et la mine. Mais rien ne garantit que le vent ne transporte pas souvent des matières toxiques chez les voisins, très proches de ce mur. Les 7 000 creuseurs identifiés retourneront dans la même carrière « pour l’exploitation en toute sécurité». «CDM aura le monopole d’achat des minerais à travers les coopératives minières», indique Radio Okapi.
Mais il restera, sans doute, une garantie majeure : que cette société plusieurs fois accusée de déverser des eaux usées de son usine de Lubumbashi, sur les hauteurs du quartier Kasapa, aura une gestion rigoureuse de ses rejets miniers en pleine cité surpeuplée de Kasulo.
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