Les données préliminaires d’une étude en cours dirigée par Rainforest Foundation UK (RFUK) indiquent que les aires protégées du Bassin du Congo ne contribuent peut-être pas à l’amélioration des moyens de subsistance et encore moins à la biodiversité comme on aurait pu s’y attendre.
» D’après notre expérience, les aires protégées détruisent les moyens de subsistance de la population locale « , dit Simon Counsell, Directeur Exécutif de RFUK.
Sur un échantillon de 34 aires protégées analysées dans l’étude, RFUK a trouvé ce qui suit:
- Un total de 25 aires protégées ont connu des déplacements et/ou des transferts des communautés locales et indigènes (en plus de 6 aires potentiels pour lesquels il n’existe aucune donnée)
- 9 concessions pétrolières existent à l’intérieur des aires protégées et 3 concessions additionnelles situées juste à leur frontière
- 25 aires protégées comprenant des concessions forestières et 3 concessions forestières qui empiètent une réserve
- 12 aires protégées connaissent des conflits entre les communautés locales et les responsables des parcs (en plus de 8 aires protégées pour lesquelles il n’existe aucune donnée)
- 19 comprennent en leur sein des concessions minières et en plus de 17 concessions additionnelles situées dans leur frontière
L’impact réel des aires protégées sur les communautés locales et la conservation est une question encore en discussion pour les acteurs de la conservation dans la région d’Afrique Centrale. Des preuves provenant de différentes sources ont orienté les discussions dans différentes directions depuis des années.
Mais récemment, il se dégage un semblant de consensus pour changer de direction en matière de gouvernance, de gestion et de financement. Au beau milieu de ce quiproquo, l’accent est mis sur l’engagement des communautés locales dans les décisions concernant leurs droits coutumiers fonciers.
« Le modèle de conservation des aires protégées en pratique dans presque la totalité du Bassin du Congo conduit à la marginalisation de la population », soutient Simon Counsell du RFUK. Citant la Réserve de Tumba Lediima en République Démocratique du Congo (RDC), le Directeur Exécutif du RFUK indique que les efforts fournis par les écogardes pour réprimer les activités traditionnelles de subsistance ont abouti à de multiples cas d’abus des droits humains.
« La forêt du Bassin du Congo n’est pas ‘une zone sauvage et inhabitée’, sa majeure partie est occupée depuis bien longtemps et est actuellement revendiquée en vertu des systèmes traditionnels de propriété foncière ».
« Travailler avec les communautés locales peut être ‘bénéfiques pour toutes les parties prenantes’, dans la mesure où ils possèdent une meilleure connaissance de la forêt et sont en mesure de la protéger efficacement contre les intrus et les braconniers à condition de leur fournir les motivations adéquates (dont la sécurité renforcée de leurs terres). D’un autre côté, les harcèlements ou les expulsions par les écogardes peuvent être à la base des animosités à long terme et retourner les potentiels alliés de la conservation contre elle « , conclut M. Counsell.
En juin 2015, les principales parties prenantes impliquées dans la gestion des aires protégées en Afrique Centrale se sont réunies à Yaoundé lors de la 5ème organisation des Journées Portes Ouvertes où elles ont largement discuté des solutions durables de gestion et de financement des parcs en Afrique Centrale. Cet événement s’est tenu en marge de la conférence sur le Partenariat de la Forêt du Bassin du Congo (PFBC), une initiative des principales parties prenantes gérant le Bassin du Congo.
Il s’est dégagé que la participation de la communauté locale dans la gestion des aires protégées demeure une question non résolue.
Malgré quelques succès enregistrés, le rapport final des discussions conclut que les communautés locales se sentent toujours largement marginalisées quant à la gestion quotidienne de ces aires. Les parties, qui comprennent les gouvernements, la société civile et le secteur privé, ont réclamé plus de clarté sur les rôles et les responsabilités des différents acteurs dans le processus de gestion.
Quantité versus Qualité
D’un point de vue quantitatif, la bonne nouvelle est que les aires protégées du Bassin du Congo ont en fait connu une augmentation globale de son étendue dans les zones aires formellement désignées comme parcs protégés. Toutefois, cette augmentation ne s’est pas nécessairement traduite par une conservation améliorée de la biodiversité et de la protection des moyens de subsistance des populations comme on l’aurait souhaité.
Les recherches de la RFUK montrent que la plupart des aires protégées de la région semble plutôt tolérer ou s’adapter à des activités plus destructives telles que l’exploitation forestière et minière industrielle à leurs frontières. » Ce qui a des répercussions visibles sur la faune de la région. Tout semble indiquer que le modèle de fonctionnement actuel des aires protégées est voué à l’échec « , a martelé M. Counsell.
Le sous-financement demeure à un point critique
A travers la région, plusieurs voix continuent de soutenir que le réseau actuel des aires protégées ne dispose pas de moyens suffisants pour répondre aux objectifs locaux, régionaux et internationaux de biodiversité. C’est la raison pour laquelle les gouvernements sont encouragés à créer beaucoup plus d’aires protégées qu’ils peuvent. Mais la réalité ici est que la création des parcs dans le Bassin du Congo ne correspond toujours pas à l’investissement financier proportionnée adaptée à une gestion effective et efficace.
Alors que certaines initiatives de partenariats public-privé disposent de ressources croissantes considérables pour la gestion des parcs, de manière globale, le financement demeure insuffisant pour réaliser les objectifs attendus. La rencontre des parties gestionnaires des parcs qui s’est tenue à Yaoundé en juin 2015 a également abordé et proposé des méthodes de financement durables et innovantes.
A titre d’exemple, un appel a été lancé pour créer des fonds fiduciaires pour les aires protégées qui serviront de source de financement complémentaire à ce que les Etats allouent jusque-là. Des suggestions supplémentaires concernent également la création des comités directeurs comprenant des Ambassadeurs intéressés à promouvoir les projets des aires protégées aux niveaux sous-régional et international, et en même temps, influencer les potentielles sources de financement telles que les compensations des activités minières et la construction des principaux barrages.
Il n’est pas certain que ces sources de financement proposées à la conférence de Yaoundé soient suffisantes pour venir à bout de défis complexes croissants que représente la gestion des aires protégées en Afrique Centrale. Alors que la plupart des acteurs voudraient voir les gouvernements locaux investir encore plus dans ces parcs, rivaliser avec les priorités économiques et plus particulièrement le besoin urgent de sortir les populations de l’extrême pauvreté, fait que cette démarche soit très difficile pour les pays de la région.
Implications de l’Objectif 2011 de Biodiversité d’Aichi
Dans le cadre des mesures prises pour stimuler les efforts local et international pour la conservation de la biodiversité, la communauté internationale a adopté les Objectifs de Biodiversité d’Aichi en 2011. Aichi est une ville située au Japon.
Les forêts du Bassin du Congo renferment le plus grand nombre des mammifères, des primates, d’oiseaux, d’amphibiens, de poissons et de machaons en Afrique. On y trouve plus de 1.000 espèces d’oiseaux. L’Hippopotamus amphibius, classé par l’UICN dans sa liste rouge, figurent parmi les espèces menacés en voie d’extinction.
L’Objectif 2011 indique que d’ici à 2020, au moins 17% des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10% des zones marines et côtières, y compris les zones qui sont particulièrement importantes pour la diversité biologique et les services fournis par les écosystèmes, sont conservées au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d’aires protégées gérées efficacement et équitablement et d’autres mesures de conservation effectives par zone, et intégrées dans l’ensemble du paysage terrestre et marin.
« Plutôt que de ne prendre en compte que les aires protégées isolées, les agences gouvernementales pourraient considérer des écosystèmes plus étendus ou encore une approche à l’échelle du paysage pour conserver la flore et la faune des forêts. Pour ce faire, il faudrait améliorer l’utilisation actuelle du sol, les allocations, les processus d’analyse et de planification. De nouveaux outils pratiques tels que l’Observatoire Mondiale des Forêts et le MappingForRights de la RFUK sont disponibles, pouvant ainsi aider à dresser une description plus précise montrant de quelle manière les forêts changent, où et comment les communautés locales revendiquent leurs droits fonciers, utilisent et protègent déjà les ressources forestières, et aussi à quel endroit les efforts ont besoin d’être intensifiés. »
En plus, la RFUK pense que les bailleurs de fonds internationaux qui investissent dans la conservation de la biodiversité dans le Bassin du Congo devraient poser comme condition pour accéder à leur financement la mise en place des programmes respectant l’esprit de l’accord d’Aichi.
‘’Les bailleurs de fonds internationaux peuvent et doivent s’assurer que les programmes de conservation qu’ils financent soient conformes à la philosophie et à l’esprit de l’Objectif 2011 d’Aichi’’.
Analyse pertinente. Des initiatives sont implémentées mais font face au problème de financement et des interminables procédures liées à la disponibilité des fonds. Toutefois, des efforts considérables doivent etre mobilisées afin de véritablement contribuer au bien etre communautaire exprimé selon les spécificités socioculturelles des bénéficiaires