Petit village de pêcheurs situé à une cinquantaine de kilomètres de Kribi, Ebodje s’illustre depuis plus d’une vingtaine d’années comme un véritable oasis pour ces animaux aquatiques et une attraction pour les touristes.
En cette fin du mois de Mai 2021, les tortues marines ou leurs œufs sont invisibles sur la plage. Mais la maison de la tortue appelée ici « Maison de Ndiva », son musée contenant des carapaces de tortues et des fresques murales de cet animal marin nous rappellent ce qu’il représente pour cette localité. Sa Majesté Ndjonkou Njongo, chef du village Ebodje occupé dans sa grande majorité par l’ethnie Yassa, affirme : ‘’ Il y a une certaine alliance, une certaine union entre les tortues marines et les populations d’Ebodje. Dieu a fait le rapprochement de deux êtres, c’est-à-dire les Yassas qui sont une minorité au Cameroun, et la tortue marine. Aujourd’hui, ce sont les Yassas qui protègent cette espèce en voie de disparition.’’ déclare-t-il.
L’initiative de conservation a débuté en 1998 grâce à des recherches d’une fondation néerlandaise. D’après des études menées par celle-ci sur tout le littoral atlantique du Cameroun, il ressortait que la plus forte concentration des pontes de tortues marines se faisait sur la plage d’Ebodje. Elle a constaté que la plus forte menace en termes de prédation terrestre se trouvait également dans cette localité. D’où le choix de ce village comme site pilote au Cameroun du projet de protection des tortues marines.
D’après Denis Gnanaloba Mondjeli, le Coordonnateur de l’Ong « Tubé Awu » qui assure la continuité de ce projet, « Il y a 5 espèces qui viennent ici, sur les 7 espèces qui existent au monde. Sur les 5, il y en a 2 qui viennent pondre régulièrement sur nos cotes : ce sont la tortue luth qui peut atteindre jusqu’à 600 kg et la tortue olivâtre. Les 3 autres y viennent sporadiquement. Les 3 autres espèces sont La tortue verte, la tortue imbriquée et la tortue caouanne. Cette dernière est en voie de disparition. Depuis que nous menons nos activités, nous n’avons pu la voir que trois fois » explique t-il.
Un système de compensation pour les pêcheurs d’Ebodje
Il y a une nette différence entre la tortue marine et la tortue terrestre. La tortue marine est plus volumineuse et ne rentre pas son corps dans sa carapace, contrairement à la tortue terrestre. Les populations d’Ebodje sont impliquées dans la conservation des tortues grâce à une forte sensibilisation.
Au lieu de consommer les tortues marines, elles ont appris à rentabiliser la protection de cet espèce. Une structure d’écotourisme appelée « Ebotour » a été mise en place et profite à la communauté. La tortue a été identifiée comme potentiel touristique phare. Il y a des ballades ou des excursions des touristes qui sont faites en forêt ou en mer avec pour guides des jeunes gens du village et cela leur fait gagner de l’argent. Plusieurs villageois disposent d’une chambre de passage dans leur maison et les mettent à profit quand la maison d’accueil est saturée.
Des actions de parrainage sont aussi organisées pour des tortues qui, de façon accidentelle, se font prendre dans les filets. Elles endommagent parfois les filets du pêcheur. Un système de compensation a été mis en place. Denis Gnanaloba Mondjeli explique : « le projet met le pêcheur en contact avec un touriste volontaire, qui donne de l’argent en fonction de la taille de l’espèce, qui va revenir au pêcheur. Cela lui permettra de réparer la partie du filet endommagé par la tortue.
Le touriste en retour bénéficie d’un certificat de parrainage qui lui sert de souvenir pour avoir contribué à la préservation de cette espèce. » Indique-t-il. L’équipe de l’Ong « Tubé Awu » profite de l’occasion pour baguer cette tortue, ce qui permet un meilleur suivi de l’animal. Ebodje enregistre environ 200 touristes chaque année. La période de ponte des tortues est la plus prisée. Elle va d’Octobre à Avril avec un pic en Novembre et Décembre.
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Le réchauffement climatique comme nouvelle menace
« C’est un phénomène naturel qui attire les tortues marines à Ebodje. C’est inexplicable. La tortue marine se reproduit généralement là où elle est née. Donc celles qui viennent ici sont nées ici. C’est pour cela que lorsque nous relâchons les bébés tortues, nous ne les remettons pas directement dans l’eau. Nous les laissons d’abord marcher sur la plage, et cela leur permet de reconnaitre l’endroit où elles sont nées, et aussi de cicatriser leur cordon ombilical qui est au bas de leur carapace » affirme Denis Gnamaloba Mondjeli,
Le fait que les tortues soit obligatoirement relâchées dans la mer qui est leur milieu naturel, et qu’il n’y ait pas la possibilité de les suivre en mer fait qu’il y’ait un fort taux de mortalité. Elles deviennent les proies des poissons. Sur 100 bébés tortues, seule une parvient généralement à atteindre la maturité.
L’âge de la maturité pour que la femelle commence à pondre est de 45 ans. Mais l’accouplement se fait à 25 ans. Il faut un intervalle de 20 ans pour qu’elle commence à venir pondre. En 20 ans, elle peut ne plus avoir besoin des rapports avec des mâles. Elle conserve les spermatozoïdes pendant 20 ans. Et lorsqu’elle a atteint la maturité sexuelle a 45 ans, elle se féconde seule. Et quand elle l’a fait, elle revient sur les plages pour se reproduire. Elle creuse un puits de ponte qui a environ 50 cm de profondeur pour les olivâtres, et 1 mètre pour les luths. Elle enfouit des œufs qu’elle va couver, puis repars. Et la nature reste faire le reste.
La température agit sur l’éclosion et détermine notamment le sexe des futurs bébés tortues. Si la température est au dessus de 30 degrés, on enregistrera des naissances de femelles, si elle est en dessous de 30 degrés, ce seront des mâles. Lorsqu’il des variations de températures, il y a autant de naissance de males que de femelles. Mais, avec le réchauffement climatique, on assiste à davantage de naissances de femelles. C’est une nouvelle menace à la survie des tortues marines, si cette tendance perdure et si rien n’est fait au niveau scientifique.
Très édifiant! Justin directeur de deboutrdc.net