Il y a bien du pétrole sous le plus vieux parc naturel d’Afrique. Les résultats de l’étude sismique réalisée par la société britannique Soco sont « positifs », selon le ministre congolais des Hydrocarbures, qui n’a pas donné davantage de précisions. Cela fait longtemps déjà que les spécialistes s’en doutaient, mais cette confirmation ravive chez certains la crainte d’une possible exploitation de ce pétrole qui mettrait en péril cette réserve naturelle exceptionnelle d’environ 800 000 hectares, classée au Patrimoine mondial par l’Unesco.
C’est désormais officiel. Il y a bien du pétrole dans le sous-sol du parc des Virunga. Mais à ce stade rien n’indique que ce pétrole présente les caractéristiques nécessaires pour être exploité. Pour en avoir le cœur net, seule solution : réaliser des forages, une pratique interdite par les règlements de l’Unesco.
Mélanie Gouby est journaliste indépendante. Elle a participé à un documentaire sur le sujet. « L’Unesco a bien précisé que si le gouvernement veut aller plus loin et forer, il faudra complètement déclasser le parc, qui perdra son statut de Patrimoine mondial de l’humanité,explique-t-elle. Ça veut dire, pour le gouvernement congolais, qu’ils sont face à un choix très important, parce que même si on fore, il n’y aura pas forcément de pétrole exploitable. Donc, il y a un énorme risque que si le gouvernement décide d’aller plus loi, il perde tout en fait : le pétrole qui n’existe peut-être en qualité et en quantité suffisante pour être exploité, et en même temps le parc des Virunga. »
Sous pression internationale, la RDC a suspendu le permis d’exploration qu’elle avait accordé à l’entreprise Soco. Mais les défenseurs des droits de l’homme ne sont pas rassurés pour autant. Ils craignent que le gouvernement ne cède ce permis à une autre entreprise, quitte à sacrifier les Virunga au nom du développement économique. Or le parc abrite en effet plusieurs espèces animales menacées, parmi lesquelles le gorille des montagnes, et offre une diversité de paysages exceptionnelle.
Interrogé par RFI, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, assure qu’aucune décision n’a été prise concernant l’exploitation de ce pétrole qui, selon lui, n’est pas forcément incompatible avec les règlements de l’Unesco.
« Nous allons examiner les choses et voir si on peut autoriser la phase d’exploitation dans l’intérêt des populations de notre pays et compte tenu de nos engagements internationaux de protection de la nature. Le gouvernement va prendre une décision très rapidement ».
Et à ceux qui disent qui disent que s’il y a forage, le parc va perdre sa classification, le porte-parole du gouvernement congolais répond : « L’Unesco ne nous a jamais interdit d’utiliser nos richesses. L’Unesco nous demande simplement de tenir compte de la nécessité de protéger la nature. S’il existe une technologie qui nous permet, tout en exploitant une richesse placée sur notre territoire de rencontrer cette préoccupation, de conserver le statut de patrimoine de l‘Humanité, nous ne en priverons pas. Pas question de nous dire qu’il y a telle ou telle interdiction. Il n’est pas question que je vous donne déjà une position définitive et ce n’est pas l’Unesco qui gère ce pays ».
Le parc des Virunga risque de perdre son statut
Le comité de protection a déjà demandé plusieurs fois, à la RDC, d’annuler les permis d’explorer. Il ne peut pas être fait état d’exception. Joint par RFI, Edmond Moukala, Chef de l’Unité Afrique du Centre du Patrimoine mondial de l’Unesco, estime qu’il y a, selon lui, un risque que les Virunga perdent leur statut si les compagnies pétrolières ne font pas marche arrière.
« La position du comité exprime clairement l’incompatibilité de l’exploration et de l’exploitation pétrolière sur ce bien du patrimoine mondial. Par conséquent, s’il y a exploration ou exploitation, cela enfreint à cette incompatibilité et donc il y aura une décision du comité qui ira sûrement dans ce sens », a déclaré Edmond Moukala. Au sujet d’éventuelles technologies utilisées, il souligne qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de fenêtre d’exploration.
« La position, c’est qu’ils se sont engagés à respecter les zones protégées officiellement, c’est-à-dire ne pas prospecter ni exploiter les sites du patrimoine mondial. Par conséquent, nous comprenons, par là, qu’aucune compagnie n’aille à l’encontre des dix principes qu’elles mêmes ont adopté pour rassurer ainsi le développement durable et les performances sur la matière de l’exploitation minière. Ce sont donc des positions internationales qui ont été émises et que tout le monde est appelé à en suivre les normes, en fait », a précisé le Chef de l’Unité Afrique du Centre du Patrimoine mondial de l’Unesco.
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