Un goût d’inachevé pour de nombreux acteurs de la société civiles et des membres d’organisations internationales à la fin de la 18ème Réunion des parties au Partenariat des forêts du Bassin du Congo (PFBC). Le 28 Novembre 2018 à Bruxelles, au terme de deux jours de travaux, les pays et organisations membres du PFBC avaient adopté une 18ème déclaration visant à améliorer la gouvernance des ressources naturelles du Bassin du Congo. Le document de deux pages sert désormais de boussole pour la gestion durable du second massif forestier du monde et met l’accent sur quatre aspects prioritaires à savoir la conservation et la gestion durable des ressources fauniques, la lutte contre le changement climatique, la contribution du secteur privé et des institutions de recherche à la gestion durable des forêts du Bassin du Congo.

18ème Réunion des Parties du Partenariat pour les Forêts du bassin du Congo

Un constat pour des acteurs de la société civile, les recommandations ne sont pas assez concrètes. « C’est une déclaration de plus, mais pas une déclaration pour l’action. Les expressions « On considère, on constate, on s’engage nous le démontrent bien », déplore Ghislain Foumou, acteur de la société civile du Bassin du Congo. D’après ce militant pour la protection des forêts, au PFBC, il manque une réelle feuille de route avec des actions concrètes qu’on devrait mettre en œuvre pour changer le visage de la gestion des forêts. Pour Paolo Perruti du Centre pour la Recherche Forestière Internationale (CIFOR), cette déclaration représente un outil de travail pour des acteurs de terrain. « On dit toujours qu’il n’y a pas de volonté politique. Une déclaration permet aux acteurs de terrain d’avoir des arguments pour sensibiliser les communautés. Maintenant le problème c’est la mise en œuvre des recommandations contenues dans des déclarations », affirme Paolo Perruti.

Couvrant près de deux cent 40 millions d’hectares de forêts, le Bassin du Congo abrite environ cinquante millions de personnes et d’importantes ressources naturelles. D’après des experts du PFBC ce potentiel « constitue un vecteur de croissance et de création de richesse pour les peuples d’Afrique Centrale ». De nombreuses études ont prouvé que les ressources forestières de cette région sont capitales pour atténuer les effets du changement climatique dans le monde. Pour l’instant le Bassin du Congo reste la région ayant la plus faible déforestation par rapport aux deux autres bassins forestiers que sont l’Amazonie et l’Asie. Mais, une gestion durable des ressources s’impose. Car, des estimations du WWF montrent qu’environ 12millions d’hectares de forêts pourraient avoir disparu dans les forêts du Bassin du Congo entre 2010 et 2030. « Cette déforestation renforcera non seulement le dérèglement climatique sur la planète mais affectera la survie de la biodiversité », rappelle le ministre Belge par ailleurs facilitateur du PFBC, François Xavier De Donnea.

Couvrant près de deux cent 40 millions d’hectares de forêts, le Bassin du Congo abrite environ cinquante millions de personnes et d’importantes ressources naturelles.

Les différents acteurs connaissent ces enjeux, mais l’action tarde, reconnaît le Facilitateur du PFBC « Aujourd’hui, les stratégies à adopter et les mesures à prendre pour sauver ce patrimoine unique de l’humanité sont bien connues. Nous savons ce qu’il faut faire, mais nous sommes loin de le faire suffisamment et bien » Malgré les multiples dénonciations, le commerce illicite des ressources du Bassin du Congo par exemple reste d’actualité. Le cas du Port d’Angers par lequel des ressources forestières illicites en provenance du Bassin du Congo arrivent sur le sol Européen l’illustre bien. Interrogé sur la question, François Xavier souligne la complexité du problème et affirme sans plus de détails, que des mesures visant à lutter contre ce fléau sont en cours de mise en œuvre en Belgique.

Au sein de l’organisation du secteur privé Tropical Forest Trust, Erith Ngatchou travaille au quotidien avec des entreprises forestières en activité dans le Bassin du Congo. Pour lui l’Etat devrait se positionner par rapport à ces questions urgentes et faire partie de la table des discussions. « Un point clé du PFBC c’est l’appropriation du combat par les Etats du Bassin du Congo. Des concessions agro industrielles sont fortement contestées, des opérateurs forestiers attaqués pour des questions d’illégalité. Ces scandales remettent en cause le processus légal au niveau de l’Etat. Mais on ne voit pas suffisamment les Etats prendre parole sur ces questions d’actualité ». Les Etats de la région doivent jouer leur rôle, les partenaires internationaux aussi. « Il faut une grande ambition politique des chefs d’Etat et des gouvernements des pays membres de la CEAC mais aussi la volonté politique renforcée de leurs partenaires techniques et financiers pour les aider à sauver leurs forêts », ajoute François Xavier De Donnea.

Du côté des Etats du Bassin du Congo, on accuse le déficit de financements. « On a du mal à faire converger les financements vers nos pays», déplore Rosalie Matondo, ministre de l’économie forestière du Congo. Pour la ministre Congolaise, le financement joue un rôle central dans la gestion durable des ressources. « Nous ne cessons de lancer l’appel vers la communauté internationale. Nous souhaitons que les instruments sur les financements innovants mis en place au niveau international convergent également vers les pays du Bassin du Congo. Nous sommes tous conscients que les écosystèmes forestiers du Bassin du Congo doivent être gérés durablement. Pour cette gestion durable nous avons besoin de moyens financiers et les partenaires sont conscients qu’ils doivent nous accompagner »

Pour Ghislain, il temps d’aller au-delà des déclarations. « Il faut dire : on acte. Produire une feuille de route contenant des actions concrètes et des échéances bien déterminées visant à changer le visage de la gestion des forêts du Bassin du Congo. Le plus important n’est pas de dire on s’engage mais on devrait dire surtout pour quelle période on s’engage et jusqu’à quand on va atteindre quels résultats», argue-t-il. La superposition des usages sur les mêmes espaces constitue une véritable entrave à la préservation des forêts du Bassin du Congo aujourd’hui. L’agriculture, le minier, les forêts et les aires protégées se chevauchent sur les mêmes espaces. S’engager à résoudre ce problème par des actions concrètes renvoie à dire « Pour chaque pays, on pense que les pays du Bassin du Congo doivent clarifier le régime de chaque forêt et directement les respecter. On le fera en un an ou deux ans », suggère Ghislain.

Des questions centrales préoccupent les pays de la région. La ministre Congolaise en a répertorié quelques-unes « Comment augmenter la participation du secteur à l’économie nationale ? Comment faire participer les populations à la gestion ? Comment les aires protégées et la conservation peuvent –elles apporter de l’économie dans nos pays ? Comment fournir les produits de nos forêts légalement à nos populations ? ». Pour toutes ces préoccupations, Ghislain Fomou invite les Etats à booster le potentiel local. « Des initiatives visant à changer la manière de gérer les forêts existent. Il faut qu’elles soient répertoriées et identifiées comme bonnes pratiques. Il faut qu’on s’engage à soutenir ces initiatives et le dire de façon claire».

Après 18 années d’expérience, le Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo se trouve aujourd’hui au cœur d’un défi mondial : la durabilité. Les différentes parties prenantes doivent pousser la réflexion plus loin et mener des actions concrètes visant aussi à concilier des enjeux environnementaux, sociaux et économiques.

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