Selon ce leader de la société civile, les libertés fondamentales en République du Congo ont été restreintes en réponse à Covid-19, entravant la bataille pour faire en sorte que les abondantes ressources naturelles du pays profitent à la population.

Début avril 2020, deux jours après que  l’ancien président Jacques Joachim Yombi-Opango ait succombé au Covid-19 en France, un état d’urgence a été imposé à la République du Congo afin d’enrayer la propagation du virus.

Six mois plus tard, et avec le nombre d’infections toujours en augmentation constante, les fractures mises en évidence par la maladie dans notre société sont frappantes.

En effet, Covid-19 a mis en lumière la fragilité de notre économie et de notre système  de santé, et mis en évidence la faiblesse d’un système politique en proie à la corruption, à la mauvaise gouvernance et à l’irresponsabilité.

Elle a également été utilisée comme prétexte pour limiter les libertés et les droits, et avec le pays désormais engagé sur le processus d’une élection présidentielle en mars 2021, la pandémie risque d’être utilisée comme prétexte pour régler des comptes politiques.

Liberté restreinte

Une conséquence majeure de la pandémie dans le monde a été les restrictions aux libertés des peuples qu’elle impose: le Centre pour les droits politiques et civils a documenté comment presque tous les pays du monde ont pris des mesures qui limitent les droits civils et politiques: donner la priorité à «la santé plutôt qu’à la liberté» comme l’a dit le Premier ministre thaïlandais Prayuth Chan-ocha.

En République du Congo, où l’espace civique est déjà restreint, les conséquences sont flagrantes.

Les mesures prises pour lutter contre le virus ont eu pour effet d’intensifier les violations des droits humains, et beaucoup de personnes ont été soumises à des arrestations arbitraires et à des mauvais traitements inhumains et dégradants, comme notamment avoir été fouettées, voire exécutées par la police ou la gendarmerie pour  viol des mesures anti-Covid 19. Les journalistes qui parlent du virus ont été intimidés ou mis à l’écart pour avoir fait leur travail.

Des manifestations pacifiques ont également été interdites: le 23 juillet, par exemple, une manifestation planifiée d’organisations de la société civile soutenant l’appel à un traitement médical de l’opposant politique emprisonné, Jean-Marie Michel Mokoko, a été interdite par le préfet de Brazzaville.

Résistance

Pour ceux d’entre nous qui ont passé leur vie professionnelle à faire campagne pour une plus grande participation du public aux processus politiques, l’histoire de ces derniers mois n’est que trop familière.

Pendant des années, j’ai été victime de harcèlement, d’arrestations arbitraires et d’intimidation pour avoir dénoncé la corruption et la mauvaise utilisation des revenus pétroliers. En 2017 et 2018, le siège de mon organisation a été saccagé et nos ordinateurs confisqués par des pseudo voleurs, sans que les plaintes introduites en recours n’aient donné une quelconque suite. Cette situation n’affecte pas seulement notre capacité à faire notre travail, mais nos familles, qui sont souvent traumatisées par les menaces qui pèsent sur leurs proches.

Mais mes collègues et moi sommes loin d’être seuls dans ce domaine.

Dans le cadre de Publiez ce que vous payez (PCQVP) – le mouvement mondial œuvrant pour la transparence dans les secteurs pétrolier, gazier et minier – mon histoire est similaire à celle  de nombreux autres qui sont aussi confrontés à des pressions de la part des autorités de leurs pays.

Un creuseur sortant de son puits des mines au Quartier Kasulo à Kolwezi

Trou noir

En  pratique, les limites en matière de déplacements et autres restrictions  au cours des six derniers mois ont réduit notre capacité à témoigner et à recueillir les témoignages et les preuves des communautés éloignées, ce qui est essentiel pour améliorer la gestion des ressources naturelles en République du Congo. Dans une société où l’électricité est un luxe et Internet, cher et parfois difficile d’accès, travailler à domicile est un défi.

L’idée même de rendre la gestion des ressources naturelles responsable et transparente contribuerait ipso facto à démocratiser le pouvoir politique. Les conflits qui ont frappé notre pays ces dernières décennies ont pris leurs racines  dans le désir de contrôler les ressources naturelles.

L’économie congolaise est soutenue à 90% par l’industrie extractive, et nous payons désormais le prix de nos erreurs, de notre manque de vision, car nous avons négligé de battre le fer pendant qu’il était chaud et n’avons pas investi la richesse issue de notre pétrole – ou de nos autres ressources minérales et forêts tropicales abondantes – dans nos établissements de santé ou d’autres services sociaux de base.

Au lieu de cela, pendant des années, l’argent du pétrole a disparu dans un trou noir de corruption, ou a disparu à cause de la mauvaise gouvernance et des pratiques commerciales abusives des sociétés étrangères.

Les sociétés dans lesquelles la bonne gouvernance, la responsabilité et la transparence fleurissent, et où les citoyens ont leur mot à dire dans les décisions qui affectent leur vie, sont plus résilientes face aux crises sanitaires et économiques.

C’est une leçon que, comme le montre la répression actuelle des libertés civiles, mon pays doit adopter  de toute urgence.

 

  • Ceci est un article d’opinion. L’auteur Christian Mounzeo est le coordonnateur national de PCQVP en République du Congo et l’un des principaux militants anti-corruption de son pays

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