A l’estuaire du Wouri, la mangrove du Bois des Singes se meurt. Depuis plus de vingt ans, les ressources animales et végétales de cet écosystème marin, appartenant au Golfe de Guinée, subissent de fortes pressions liées à l’activité humaine. Malgré les dénonciations des militants écologiques, cette zone écologique fragile, aujourd’hui envahie par les habitants, sert de dépotoir de boues de vidange et parfois des eaux usées de près de 3 millions d’habitants. Des déchets liquides déversés sans traitement préalable.
Des filets d’eau noire coulent derrière des maisons d’habitation construites dans la mangrove au quartier Dindé, communément appelé « Bois des Singes ». Assise sur un banc en bois rangé sur sa véranda, la main droite soutenant la tête, dame Brigitte semble avoir perdu ses forces. « Avant quand on déversait, ça descendait tout droit. Maintenant, les déchets débordent le site et inondent les alentours de ma maison. Je ne sais quoi faire pour contrôler les va et viens de mes enfants comme ceux des voisins », déplore-t-elle.
Mère de cinq enfants, la cinquantenaire vit dans une maison construite en matériaux provisoire, limitrophe au site de déversement des déchets issus des différentes fosses septiques de Douala. C’est l’unique site public de dépotage des déchets liquides dans cette ville peuplée de plus de 2millions d’habitants. De jour comme de nuit, des vrombissements de camions retentissent dans les oreilles des 5 mille habitants installés de façon illégale dans cette « zone verte ». Une trentaine de camions d’une capacité comprise entre 5 et 16 m3 y effectuent des rotations régulières.
Difficile de circuler derrière la concession. Des odeurs qui s’y dégagent provoquent des nausées. Une atmosphère devenue presque normale pour Dame Brigitte et sa petite famille. Déjà cinq ans que ça dure. Et les membres de la famille s’adaptent avec de nouveaux comportements. « Chacun bouche ses narines. Même nos convives le font à chaque visite. D’autres arrivent, ils ne mangent même pas à cause des odeurs. Les habitants qui vivent plus bas déjeunent seulement avec les odeurs de Chikam». Le nom « Chikam » a en effet été attribué à l’entreprise de vidange par les populations, fatiguées d’humer des odeurs nauséabondes.
Comme cette demeure, des dizaines de maisons d’habitation entourent le lieu de vidange. Des parents pleurent surtout pour la santé de leurs enfants. A longueur de journée, ils s’amusent par petits groupes, près des filets d’eau noire. Chantal Ngah, mère de deux enfants est installée au bois des singes depuis trois ans. « Parfois, ils ont la diarrhée, les vomissements. Pourtant nous ne buvons pas l’eau du coin. Nous utilisons l’eau du puits uniquement pour les travaux ménagers. Mais, des mouches partent du site de dépotage pour se déposer régulièrement sur nos plats et autres ustensiles de cuisine. Et c’est un vrai danger pour nous ».
Une catastrophe écologique
Le projet Maîtrise de l’assainissement dans un écosystème urbain dans la zone côtière de Douala et les quartiers environnants populaires de Yaoundé, en abrégé « MAFADI », déplore une situation dramatique de l’évacuation des matières fécales à Douala. Les résultats dudit projet, publiés en 2012, relèvent que chaque mois, près de 7 500 tonnes de boues de vidange sont collectées et déversées dans cette zone écologique fragile.
Une grande partie de ces déchets transitent par un bac en béton aménagé dans le coin pour servir de lit filtrant. Des spécialistes d’écologie le définissent comme un équipement d’assainissement permettant de séparer la matière solide de la matière liquide. Avant d’être rejetée dans la nature, la matière liquide subit un traitement. La matière solide, quant à elle, sert d’engrais pour les plantes. Mais, s’insurgent ces défenseurs de l’environnement, le lit filtrant n’a jamais fonctionné et à cela s’ajoute l’accroissement démographique.
Douala était peuplée de 809 852 habitants en 1987. Elle frôle les 2 millions, selon les résultats du 3ème recensement général de la population du Cameroun publié en 2011. En quête de logement et dépourvus de moyens financiers, ces familles occupent progressivement la mangrove du bois des Singes, en violation de la réglementation.
Autre constat, le site censé être provisoire connaît plus de vingt années d’existence aujourd’hui. « Le lit filtrant avait été réalisé à l’époque par le ministère de l’environnement et des forêts. C’était juste un aménagement sommaire, donc dépourvu de dispositif de traitement de ces boues de vidange. Malheureusement ce lit filtrant a été dépassé très vite compte tenu des quantités de boue de vidange qui étaient dépotées régulièrement », regrette le délégué régional du ministère de l’environnement et de la protection de la nature pour la région du Littoral, Sidi Baré.
Des années après l’installation du lit filtrant, le site est confié à la Communauté urbaine de Douala. La situation reste inchangée. Pourtant, depuis 2004, la Communauté urbaine de Douala (CUD) a constaté la détérioration du lit filtrant, aménagé pour réduire les impacts négatifs sur la mangrove. Des années après, plus précisément en 2010, face à la presse, le Chargé d’études environnemental à la CUD déclare que la construction d’une nouvelle décharge est envisagée à hauteur de 5 milliards de Francs Cfa.
En attendant, le dépotage sauvage se poursuit. « Le surplus de boues de vidange se retrouve directement dans l’environnement immédiat. Canotte NCAA Plus grave, le plan d’eau et la forêt de mangrove se trouvent en aval du site de déversement de ces boues non traitées », précise Sidi Baré. Des militants écologiques tirent la sonnette d’alarme. « C’est une véritable catastrophe écologique qui s’annonce dans cette zone. Avec tout qu’il y a comme filtration de ces boues-là dans les eaux à consommer, c’est regrettable », argue Didier Yimkoa.
Un déversement sauvage
La Communauté urbaine de Douala déverse ainsi en pleine mangrove et sans traitement préalable, l’ensemble des boues de vidange collectées dans la ville, déplore le Projet « MAFADI ». Cette mangrove de l’Estuaire du Wouri se voit « utilisée comme filtrant de ces déchets liquides grâce à ses propriétés bio-épuratrices », explique Eric TALLA, spécialiste en Sécurité, Santé et Environnement. Dans son étude portant sur la Vulnérabilité des populations vivant dans la mangrove en Afrique Subsaharienne : Cas des Bois de Singes, l’auteur note un taux de concentration élevé des bactéries dans ces boues de vidange.
Il précise que « les paramètres bactériologiques des boues de vidange déversées au Bois des Singes sont largement au-delà des normes de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en matière de rejet des boues de vidange ». En d’autres termes, comme l’ajoute Sidi Baré, les charges de ces boues de vidange, donc les différents éléments qui constituent cette boue de vidange, sont en dépassement inacceptable par rapport aux normes.
Dans une ville cosmopolite où plus de 90% des ménages disposent de latrines et de fosses septiques, la situation du bois des singes suscite de vives inquiétudes. Selon des experts, à Douala comme dans la plupart des pays du bassin du Congo, voire de l’Afrique Subsaharienne, les boues de vidanges issues de tels systèmes d’assainissement autonome ont une forte concentration en substances minérales, particulaires et organiques. Un tour près du point de dépotage du bois des Singes laisse à désirer.
Après chaque déversement, à l’aide de pèles ou râteau, bottes aux pieds, les mains parfois recouvertes de gangs, des agents d’entretien, essaient autant que possible de racler les déchets solides. Près du bac en béton servant de lit filtrant, des sachets de plastic, des préservatifs, des bouts de tissu et d’autres déchets non biodégradables forment un tas. « Des centaines de mètres cube de boues de vidange collectées des systèmes d’assainissement non raccordés au réseau d’égout sont déversées chaque jour sans traitement préalable dans la nature », déplore le projet « MAFADI ». Ce dépotage anarchique affecte de façon négative la mangrove et les populations riveraines.
Menaces sur la biodiversité
Le déversement des boues de vidange et toutes ces eaux usées, sans traitement préalable représente un réel danger pour les ressources fauniques et halieutiques de la mangrove. Comme tout produit étranger, « ces déchets s’attaquent à l’équilibre écosystémique du milieu en réduisant le cycle de vie des espèces fauniques », précise le spécialiste de l’écologie, Didier Yimkoa. Il cite pour l’illustrer des espèces fragiles notamment, des mammifères aquatiques comme les lamantins, qui ne supportent pas les odeurs. Ce gros mammifère marin herbivore, en voie de disparition, vit actuellement dans la réserve de faune Douala-Edea.
D’ailleurs, une partie de la localité dite « bois des singes » fait partie de cette réserve. En effet, de nombreuses espèces animales et végétales ont disparu du bois des Singes. Germain Sondzia, septuagénaire fait partie des premiers employés recrutés en 1988 pour l’entretien du lit filtrant. Adidas Zx 750 Uomo
Il se souvient des années de cohabitation avec les animaux de la mangrove. « A l’époque ce site n’était que forêt, juste avec le lit filtrant. Il y avait des singes, des varans, les biches et beaucoup d’autres animaux. Ils ont tous disparu».
Cette zone de mangrove s’est transformée en vaste étendue de terre boueuse encerclée par des maisons d’habitations. « Les arbres aussi ont disparu. Pourtant, les racines desdits arbres régulent la salinité de la mer. C’est très grave car cette pollution n’est pas maîtrisée. Cette zone est presque déséquilibrée », déclare le militant écologique. Selon Didier Yimkoa, les eaux venant des ménages ne sont pas sans danger, car les ménages utilisent des détergents et autres produits cosmétiques contenant des éléments chimiques.
L’arrivée des produits chimiques modifie la qualité de l’eau en cette zone écologique fragile. Et Didier Yimkoa craint qu’à la longue, la jacinthe d’eau recouvre les plans d’eau. Ce qui serait un vrai danger. Car, plusieurs études scientifiques démontrent que lorsque la jacinthe d’eau avec ses feuilles vertes couvre les plans d’eau, elle empêche à l’oxygène de faire fonctionner la biologie ou la physiologie des poissons. AIR MAX 2017
La survie des poissons serait donc menacée.
Normalement, affirme le spécialiste des questions environnementales, ces eaux devraient être traitées avant d’être rejetées dans la nature. Florida State Seminoles Sur le plan environnemental, le délégué régional du ministère de l’environnement note déjà de nombreuses conséquences. « On retrouve de l’eau, des boues de vidange et bien d’autres débris qui polluent le sol, la nappe phréatique, les plans d’eau. Ce dépotoir de boues de vidange a détruit la mangrove environnante et toute la biodiversité jadis présente dans cette aire protégée », lance avec amertume le délégué. Air Jordan 3 Donna Le patron de l’environnement dans la région du Littoral ajoute qu’il n’est pas indiqué de déverser des boues de vidanges dans la mangrove.
Il faut déplacer la décharge
Déguerpir les populations, déplacer la décharge et reconstituer la zone, voilà les principales urgences énoncées par des spécialistes des questions environnementales. Au Bois des Singes, les populations savent qu’elles occupent une zone interdite d’habitation. Under Armour CurryPas Cher Elles ont même quelques fois reçu des sommations et rien de plus. TUBULAR SHADOW KNIT
« Il faudrait que les autorités pensent à déplacer ces populations pour éviter des risques d’inondations. Lorsqu’on aura déplacé les populations, il faudra faire un audit de la zone sur les plans environnemental et écologique. Identifier le taux de pollution et faire la remise à l’état. Donc, reconstituer la mangrove à travers le reboisement », insiste le défenseur de l’environnement Didier Yimkoa. Jusqu’ici, du côté de la Communauté urbaine de Douala, difficile d’obtenir des informations liées au déplacement des populations encore moins de la décharge. Mais nos recherches nous ont permis d’identifier sur le site Internet de la Banque mondiale, la localisation d’une future station de traitement des boues de vidange à Douala.
La station doit être construite à Ngombè, dans le cinquième arrondissement de Douala. L’ouvrage s’inscrit dans le cadre du Projet « Assainissement Liquide au Cameroun » approuvé en 2011. Mis en œuvre à Douala et à l’Extrême – Nord du Cameroun, ce projet global est évalué à 30 millions de Dollars Américains. Le volet Assainissement urbain axé sur la capitale économique du Cameroun, prévoit entre autres, la construction des stations de traitement des boues de vidange à Douala. Suivant les prévisions officielles, deux ou trois stations d’épuration des boues, offrant une capacité de 300m3 par jour, seront construites à Douala. Les derniers rapports publiés en Décembre 2016 indiquent que d’autres financements sont envisagés pour la construction de cette station dont les études de faisabilité ont déjà été réalisées.
Comme quoi, des solutions existent pour mieux assainir la capitale économique du Cameroun. Pour Chief Fréderick Nguimé Ekolo, ingénieur général, polytechnicien des mines. Kanken No.2 « Il faudrait que les sociétés de vidange sanitaire travaillent en collaboration avec des communes pour construire des stations d’épuration ».
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