Pour arracher les forêts des Baka à Mbalam, ils ont d’abord usé de chantage, puis de fourberie. Qui sont -ils ? Enquête.
André Ekanga, 67 ans, est inquiet! Il a beau être chef, cette autorité locale, à la tête du village Se’eh, voit, impuissant, sa communauté, les Baka, dépossédée de ses forêts. Cela fait plusieurs millénaires que ce peuple autochtone du Sud-Est du Cameroun est installé sur ces terres, recouvertes de forêt dense tropicale, selon l’histoire.
Bientôt, comme le montre l’investigation menée par InfoCongo, des engins lourds seront déployés dans ces forêts que les Baka ont protégé de génération en génération. Les engins raseront tout, dans un périmètre de 50 kilomètres carrés! Ces peuples autochtones, gardiens de la forêt, et qui y ont toujours vécu, seront payés à 2.000 francs cfa par essence. Et ce sera tout !
Ce chef Baka sait qu’il y a « un projet de fer dans la zone ». Il sait aussi qu’« ils sont en train de mettre le goudron qui va arriver jusqu’au site ». Plus grand chose. La dernière fois qu’une autorité nationale est passée ici, c’était pour l’inauguration du projet. Mais juste le temps pour André d’enfiler son pantalon, le Ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement Technique (MINMIDT) par intérim, était déjà reparti.
Nous sommes à 600 kilomètres de Yaoundé, la capitale du Cameroun. Pour venir rencontrer les populations d’ici, l’équipe d’InfoCongo a dû voyager plus de 8 heures en voiture, traverser environ 15 check points tout au long du trajet jusqu’à ces derniers villages camerounais frontaliers à la République du Congo.
A Assoumdele, village voisin à Se’eh, même peuple Baka, même psychose. « Ils ont dit qu’ils vont casser les cailloux là et qu’on ne doit pas être à côté. On a peur qu’on nous demande de partir d’ici », se confie, ému, Antoine Mbombé. Les territoires qu’occupent comme lui, plusieurs autres familles Baka, se retrouvent aujourd’hui dans la zone d’emprise du projet dit du Fer Mbalam-Nabeba.
Que sait-on du projet du Fer Mbalam-Nabeba ?
C’est une histoire aussi vieille que le pouvoir de Paul Biya, Chef de l’Etat du Cameroun. Dans les années 80, une équipe de recherche envoyée au Cameroun par l’Organisation des Nations Unies (ONU) annonce la découverte d’un énorme gisement de fer dans le Sud-Est du pays. Le même gisement se poursuit au-delà des frontières du Cameroun, jusqu’au Congo voisin, dans sa partie Nord-Ouest.
Le potentiel du gisement, estimé à 2.5 milliards de tonnes, ne sera évalué qu’une vingtaine d’annéesplus tard, par la société australienne Sundance Resources. En août 2022, le Chef de l’Etat Camerounais a attribué le permis d’exploitation du gisement de fer de Mbalam à la société Cameroon Mining Company Sarl (CMC).
D’après le ministère camerounais des Mines, de l’industrie et du développement technologique (Minmidt), cette géante exploitation du gisement de fer doit « positionner le Cameroun et le Congo comme le 5eme pôle producteur de fer de la planète ». Il devrait aussi créer plus de 20 mille emplois directs, avec une exploitation de plus de 15 millions de tonnes de minerais de fer par an.
Cependant, cette phase d’exploitation va modifier le cadre de vie des communautés autochtones Baka, qui avait déjà été pertubé par le zonage du massif forestier Ngoyla-Mintom. Depuis des millénaires, des Baka circulaient librement dans ces 900 mille hectares de forêt, soit deux fois la taille du Cap Vert, l’un des pays d’Afrique ayant la plus petite superficie. Mais en 2010, le gouvernement camerounais a décidé d’aménager cette parcelle de forêt longtemps restée intacte. Le projet de zonage, nom officiel donné à cette opération, s’appuyait sur les politiques de sauvegarde de la Banque mondiale et les principes de WWF relatifs aux peuples autochtones. Par conséquent, il devait garantir le droit à la propriété coutumière pour les populations autochtones et locales et respecter le principe du consentement libre, informé et préalable des communautés impactées.
Seulement, la société civile déplore qu’il ait plutôt accentué le « manque continu de reconnaissance et de protection de leurs droits ». Suite à ce zonage, les Baka perdent le droit d’accès à la parcelle de forêt qui est désormais une aire protégée dénommée réserve de faune de Ngoyla. « Ils refusent qu’on coupe le bois, et qu’on aille même chercher du miel en brousse pour nous nourrir », se plaint André, un leader communautaire Baka rencontré à Se’eh, qui doit nourrir au moins 10 personnes, dont sa femme, ses enfants et ses petits enfants.
Comme mesure de compensation, l’Etat crée la Forêt Communautaire Djoko (FC Djoko). « La plupart des communautés locales autour de la réserve ont bénéficié des forêts communautaires. La forêt Djoko est particulière parce qu’elle est spécifiquement créée pour les Baka », précise Macnight Ngwesse, représentant au Cameroun de l’organisation Forest People Program (FPP). Avec la FC Djoko, les communautés qui ne pouvaient plus faire la chasse dans la réserve de Ngoyla, obtenaient ainsi un espace précieux pour l’alimentation, la pharmacopée et la sauvegarde de leur culture. D’après le chercheur Philippe Mbevo, qui a supervisé plusieurs travaux académiques sur la foresterie communautaire au Cameroun, la FC Djoko rend « un grand service à la fois social et économique à cette communauté autochtone». « En permettant aux Baka de gérer cette forêt communautaire, c’était également assurer sa pérennité. Car, ces derniers ont une bonne perception de l’utilité de la forêt dans leur vie. C’est aussi assurer une exploitation durable et rentable pour cette communauté », commente l’expert.
Et maintenant la forêt communautaire Djoko va disparaître
Selon la convention provisoire relative à l’exploitation de cette forêt signée en 2018, la FC Djoko était censée revenir de plein droit aux communautés Baka des villages Se’eh et Assoumdele, tous situés dans l’arrondissement de Ngoyla. « Depuis sa création, elle était sous une convention provisoire. C’est ce qui se fait après création d’une forêt communautaire. Il y a de cela 4 ans, nous avons eu un financement et avons recruté une ONG pour qu’elle aide les communautés de Seh et Assoumdele à faire un plan de gestion simple de la forêt », explique Mcknight Ngwesse de l’ONG FPP.
Le dossier devant aboutir à la signature d’une convention définitive n’a jamais été validé, selon les vérifications d’InfoCongo. « L’année dernière, Papel (une organisation de la société civile camerounaise, spécialisée sur le plaidoyer pour le respect des droits des communautés locales et autochtones, Ndlr) nous a fait comprendre que la commission qui se réunit pour le faire avait validé le plan de gestion. Il était question que le ministre le signe. Mais, cela n’a pas été fait », ajoute Macnight. De cette mission réalisée par l’organisation Papel, il est ressorti que « les populations ne voulaient plus que la forêt soit exploitée pour le bois mais voulaient plutôt avoir une FC à but de conservation pour y pratiquer leurs rites ancestraux », souligne Macnight.
Aujourd’hui, l’enquête réalisée par InfoCongo montre que les Baka vont perdre la forêt communautaire Djoko, car il faut extraire le fer qu’abrite son sous-sol. « Au cours d’une réunion organisée à Ntam l’année dernière, les membres du gouvernement nous ont dit que tout le bois qui se trouve dans la forêt Djoko sera coupé, vu qu’il se trouve sur le site de fer et que l’endroit va être rasé », affirme Parfait Etom Zambo, secrétaire de la communauté Baka. Choqués par cette décision de détruire la forêt communautaire « nous nous sommes opposés à cela, parce que la forêt nous est utile », se souvient le patriarche André Ekanga, qui était le guide et pisteur durant la phase d’exploration du fer dans son village Se’eh.
« On a résisté pendant longtemps…Si vous n’acceptez pas vous allez perdre »
Parfait Etom Zambo, est le secrétaire des communautés Baka. Lorsque l’équipe d’InfoCongo le rencontre à Assoumdele, son village de résidence, c’est un homme dépité qui se présente aux reporters, rongé par l’impuissance. « On a résisté pendant longtemps. Ils nous ont fait comprendre que si vous n’acceptez pas vous allez perdre », se souvient-il. « Il vaut mieux accepter qu’on enlève tout le bois dans votre forêt. Lorsqu’ils viendront avec le projet de chemin de fer, si vous n’enlevez pas tout votre bois, les engins vont dégager toute la forêt et vous n’aurez rien », poursuit Parfait.
La messe était dite. Le bras de fer n’était plus tenable. Le rapport de forces était trop déséquilibré. « Nous nous sommes vus obligés d’accepter la signature d’un contrat avec un partenaire vietnamien pour la coupe de tout le bois dans la forêt », raconte le leader communautaire, résigné.
En effet, le permis minier Mbalam-Nabeba couvre entièrement la forêt communautaire des Baka, d’après des analyses d’images satellitaires réalisées par InfoCongo. « On a constaté qu’il y a beaucoup de bois qu’on ne peut pas détruire comme ça. Il faut que cela puisse profiter à l’Etat, mais aussi aux communautés », raconte Anicet Ebongue Zangoua, expert en aménagement forestier. Il avait été mandaté par Cameroon Mining Company, détenteur du permis d’exploitation, pour dresser un état des ressources forestières disponibles dans la zone du projet.
Ayant constaté que la FC Djoko renferme du bois précieux, l’idée est de récupérer le bois ayant atteint la maturité avec et pour le bénéfice des Baka. Mais, ils n’ont ni l’expertise ni les moyens pour le faire. L’expert sollicite l’appui de l’entreprise dénommée Ets Source Bio, qui accepte de financer la procédure d’obtention de l’autorisation d’enlèvement de bois de la FC Djoko auprès du ministère des forêts et de la faune. En contrepartie, Ets Source Bio doit exploiter cette forêt et verser une redevance aux communautés. Quelques mois plus tard, la requête administrative aboutit.
L’arrêté du ministre des forêts daté du 11 Septembre 2023, que InfoCongo a consulté, confirme que la FC Djoko sera rasée. Le document mentionne précisément que la forêt Djoko est « entièrement envahie par le permis d’exploitation de fer au profit de la compagnie Cameroon Mining Company Sarl ». L’autorisation spéciale concerne l’enlèvement des bois en grume dans la forêt communautaire sur une superficie de 5000 hectares. Les exploitants sont autorisés à couper 14 types d’essences, pour un volume d’environ 63 mille mètres cubes de bois
Duperie autour de l’exploitation du bois
Sur le terrain en Mai 2024, InfoCongo découvre que c’est une tout autre entreprise, Provinor Sarl, qui a entamé les opérations d’enlèvement du bois de la FC Djoko. Cependant, la façon dont elle a obtenu l’autorisation d’enlèvement est entachée d’irrégularités. Le même jour où le Minfof a donné son quitus pour l’enlèvement du bois, Daniel Dindo, président de la forêt communautaire Djoko, est embarqué dans une expédition sans réelle explication. « A Mbalam, dans ma maison, en pleine journée, le sous-préfet est venu m’arrêter. Il était avec sa voiture et une pick-up. Il m’a dit de monter. Je suis monté », explique Daniel Dindo, d’un air perplexe.
Il sera conduit à Ntam, près du poste frontalier, à environ de 30 kilomètres de son domicile. Né à Assoumdele il y a 52 ans, ce leader Baka ne sait ni lire ni écrire. Il nous a confié avoir été obligé de signer des documents dont il ignorait le contenu, sous la pression d’une autorité administrative. « Je suis arrivée à Ntam. Le sous-préfet m’a dit, vient signer ici. Il dit qu’il faut signer ici, signe ici, signe ici. Après j’ai dit au sous-préfet que j’ai déjà signé d’autres documents avec Anicet (l’entrepreneur ayant réalisé l’inventaire et la procédure administrative d’obtention de l’autorisation de l’enlèvement du bois, Ndlr). Le sous-préfet m’a dit qu’il ne faut pas craindre. Après cela, ils m’ont donné 50 mille francs », poursuit Daniel Dindo.
L’affaire ne s’arrête pas là. Un mois plus tard, une psychose secoue les villages Se’eh et Assoumidele. Le chef Baka, Daniel Dindo est introuvable et personne n’a de ses nouvelles. Il revient au village quelques jours plus tard, et confie avoir été transporté à Yaoundé, la capitale du pays, située à plus de 400 kilomètres de son village. « Sachant que je suis illettré, Mr Nyat et le sous-préfet m’ont amené seul à Yaoundé pour signer des documents. J’apprends plus tard que ce fût un autre contrat », raconte Daniel Dindo, d’un ton désabusé, face aux journalistes durant une conférence de presse à Yaoundé.
À ses côtés, deux de ses collègues chefs traditionnels, tous membres de l’association locale Djoko – Baka sont venus raconter leurs malheurs aux journalistes conviés dans le jardin arrière d’un restaurant de la capitale du pays. Les membres de la FC Djoko se sont plaint de cette duperie auprès du ministère des forêts, en Janvier 2024. Dans la dénonciation adressée au ministère dont InfoCongo a obtenu la copie, Daniel Dindo président du bureau exécutif de la forêt communautaire Djoko s’insurge d’avoir signé le contrat de sous-traitance avec Provinor Sarl, contre son gré. D’après les clauses de ce contrat d’une page dénoncé par les chefs Baka, qu’InfoCongo a consulté, « Monsieur Dindo cède à la société Provinor Sarl, l’exploitation et l’enlèvement de bois dans la forêt communautaire d’Assoumdele I, au compte de l’association Djoko-Baka et lui donne plein droit de gestion de ladite forêt ».
Les mêmes faits ont été dénoncés dans deux courriers signés par le Conseil d’Arrondissement des Chefs Traditionnels de Ngoyla (CARCAN), et relayés sur les réseaux sociaux en mars 2024. Dans cette missive, les leaders traditionnels réclament le départ du sous-préfet de Ngoyla, Guy Amba Amba, qui d’après eux serait à l’origine de la spoliation de leurs forêts. Plusieurs membres dudit conseil contactés par InfoCongo disent avoir été victime d’intimidation et ont peur de s’exprimer sur la question.
Interrogé par InfoCongo, le Sous-Préfet de Ngoyla crie à un complot visant à ternir son image. « Il ne s’agit ni plus ni moins d’une cabale ourdie contre ma personne par un ressortissant de Ngoyla actif sur les réseaux sociaux suite à ma rectitude et mon application stricte de la loi », dénonce Guy Amba Amba. D’après le sous-préfet de Ngoyla, la forêt de Djoko a mal à sa gestion car le nommé Freddy Madom aurait fait des décaissements dans le compte de l’entité laissant au dépourvu les communautés. Le sous-préfet brandit à InfoCongo « un contrat de collaboration et de facilitation » entre l’Association Djoko-Baka et Jean Claude Madom pour l’obtention de l’autorisation d’enlèvement de bois dans la FC Djoko. Mais ledit contrat n’est pas daté et Jean Claude Madom qui ne l’a pas signé, affirme qu’il s’agit d’un faux document.
En dehors du sous-préfet, les Baka dénoncent le rôle de trouble-fait Nyat, présenté comme commissaire de police. C’est lui, qui d’après eux aurait permis à Provinor d’obtenir le contrat de sous-traitance avec la FC Djoko. InfoCongo a contacté le nommé Nyat pour avoir sa version des faits, mais n’a obtenu aucune réponse. « La communauté a résilié le contrat, mais la société y est de force », soutient Anicet Ebonguè, l’expert en aménagement forestier mobilisé par l’entreprise minière pour discuter avec la communauté. Il pense que les communautés sont confrontées à une organisation puissante, de la base jusqu’au sommet de l’État.
Recidiviste
La société Provinor a promis de reverser à la communauté Baka 2000 Francs cfa, soit environ 3 dollars, par mètre cube de bois exploité. « Ils nous ont dit qu’ils prennent toute essence confondue à 2000 Fcfa le mètre cube. Nous leur avons dit que ça ne peut pas aller », témoigne Parfait Etom Zambo, le secrétaire de la forêt communautaire Djoko.
D’après la carte forestière du Cameroun, Provinor SARL, qui a un passé controversé, ne semble pas opérer dans la région de Ngoyla où se trouve la forêt communautaire Djoko, ni nulle part sur la carte du domaine forestier du Cameroun en 2023 et 2024. Provinor a été épinglée à deux reprises dans le sommier des infractions du ministère des Forêts et de la Faune.
L’entreprise a reçu une mise en demeure de la brigade nationale de contrôle du ministère des forêts en 2018, après avoir déjà vu son agrément suspendu en 2017 pour non-respect des clauses du cahier de charges et exploitation forestière non autorisée dans une forêt du domaine national. Ces sanctions faisaient suite à des infractions commises en 2014 et 2016. InfoCongo a contacté le ministère des forêts pour avoir une mise à jour du statut actuel de ces suspensions mais n’a pas obtenu de réponses.
« Nous avons peur de tout perdre»
A Se’eh et Assoumdele, les Baka sont inquiets. Plus le bois est coupé de la forêt Djoko, mieux ils entrevoient la perte de leur patrimoine conservé depuis des millénaires. « Actuellement, la forêt communautaire Djoko est d’une grande importance pour nous. C’est là que se trouve notre lieu sacré », soutient le chef André, dont la concession est située à environ trois kilomètres de l’entrée de leur site sacré. Pour rallier le site, il faut traverser une petite source d’eau. Un décor pittoresque y accueille tout visiteur. Des feuilles d’arbres séchées recouvrent le sol. Des chaises fabriquées à l’aide de bambous solidement attachés par des lianes, forment un cercle autour d’un arbre haut de plus de 500 mètres.
Ce lieu de rites traditionnels Baka sera entièrement rasé, car il se trouve à l’intérieur de la FC Djoko. « Nous avons peur de tout perdre. Notre lieu sacré, nos terres, notre maison. C’est inimaginable pour nous », déplore Aba’a Irène, jeune fille Baka, mariée et maman d’un petit garçon.
Selon les données de la Banque mondiale, les peuples autochtones représentent 5% de la population mondiale et protègent 80% de la biodiversité mondiale. Dans le bassin du Congo, ils demeurent pourtant victimes de discriminations, notamment la non reconnaissance de leurs droits fonciers. Ces gardiens de la forêt sont parfois forcés de quitter leur habitat, ce qui renforce les risques de voir disparaître leur culture. Au Cameroun, ce n’est pas la première fois qu’un projet de développement vient bousculer la vie des peuples autochtones de forêt. C’était le cas par exemple au moment de la construction de l’oléoduc Tchad – Cameroun en 2010. « Tout au long de ce projet, le droit au consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones a été bafoué », révélait un consortium d’organisations de la société civile. Pour les Baka, avec l’exploitation de fer dans la zone de Ngoyla, c’est une triste histoire qui se répète, encore et encore.
A cause de ces bouleversements, de nombreux autochtones préfèrent quitter leurs terres natales pour des zones qui offrent plus d’opportunités pour la chasse, la cueillette ou la pêche. Une forte communauté Baka « vivant autour de la réserve de Faune de Ngoyla s’est déportée vers la République du Congo », déclare le secrétaire Parfait Etom Zambo. « Quand les baka constatent que leur milieu de vie est menacé et ne leur offre plus assez de nourriture, et autres choses pour leur survie, ils changent d’endroits. Il y a beaucoup de Baka du côté du Cameroun qui sont allés au Congo pour une meilleure vie », atteste le leader traditionnel André. Deux de ses sept enfants, aujourd’hui adultes, vivent désormais dans des villages voisins, au Congo.
Du Cameroun au Congo, des membres de cette communauté ayant choisi de migrer, à la recherche de nouvelles terres, ne sont toujours pas à l’abri de nouvelles situations fâcheuses. Le même gisement, objet du projet d’exploitation minière au Cameroun, se poursuit au Congo voisin, exactement dans les zones où plusieurs se sont réinstallés. Le site d’exploitation du fer côté congolais, dit de Nabeba, est situé dans le district de Souanké, lui-même faisant partie du département de la Sangha, nouvelle terre d’accueil de plusieurs Baka. Cette localité connaît une longue histoire d’extraction minière. Son sous-sol qui renferme l’or et le fer « fait l’objet d’un pillage systématique de la part des exploitants miniers avec destruction des forêts à la faveur d’une faillite de l’Etat congolais », dénonce un rapport de l’observatoire congolais des Droits de l’Homme (OCDH), une ONG locale, publié en août 2023.
« Cette exploitation anarchique du sous-sol de Souanké s’accompagne de violations des droits économiques, sociaux et culturels des communautés locales et des peuples autochtones », indique le rapport. Des propos que confirme à InfoCongo, Franck Chardin Tchibinda, ancien membre de l’OCDH et aujourd’hui Directeur exécutif de l’ONG congolaise Programme d’assistance juridique pour l’égalité en droit (PAJED). « Les populations avoisinantes ne sont pas suffisamment préparées pour faire face aux changements apportés par cette exploitation minière ».
Note: Cette enquête a été réalisée en collaboration avec l’organisation Center For Advanced Defense Studies C4ADS.
S’il est envisagé un déboisement total de cette forêt qui appartient aux Baka des communautés citées, qu’une compensation préalable soit mis sur pied. Il est aussi important de relever la récupération et l’ingérence nocive des chefs traditionnels Bantou voisins qui usent d’intimidation vis-à-vis des réels bénéficiaires de cette FC, divisent la communauté pour tirer profit du désordre et réclament des droits originels sur cette forêt.