Le bassin du Congo a perdu plus de 600 mille hectares de forêts primaires en 2020, soit une augmentation de 9% par rapport à l’année 2019, selon les récentes données de l’Université de Maryland disponibles sur Global Forest Watch.

Ces vingt dernières années, l’année 2020  été la 3ème année la plus difficile pour les forêts tropicales du monde, d’après des nouvelles données de l’Université de Maryland publiées ce 31 Mars 2021 par Global Forest Watch. Les restrictions des déplacements dues à la pandémie COVID19 n’ont pas ralenti la destruction des forêts tropicales. Bien au contraire, les données de GFW montrent que les pertes de forêts primaires ont augmenté de 12% par rapport à 2019.

Au total, plus de 12 millions d’hectares de forêts ont été détruites dans le monde en 2020. Le quart de ces pertes de couvert forestier est survenu dans les forêts primaires, zones de haute importance pour la protection de la biodiversité et le stockage du carbone. Plus de 4 millions d’hectares de forêts primaires ont été détruites en 2020, c’est une superficie équitante à celle des Pays Bas, écrivent Mikaela Weisse et Elizabeth Goldman du World Resources Institute.

Les pertes de forêts primaires sont aussi en augmentation dans le bassin du Congo, qui d‘après des études, représente pourtant une source majeure de précipitation dans la région Sahélienne. La République Démocratique du Congo, le Cameroun, la République du Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et la Centrafrique totalisent plus de 600 mille hectares de forêts primaires rasées en 2020, soit une augmentation de 9% par rapport à 2019. La République Démocratique du Congo et le Cameroun figurent dans le top 10 des pays ayant enregistré les plus grandes pertes de forêt primaire le monde en 2020.

Fortes pressions sur les forêts camerounaises

La destruction des forêts s’est accélérée au Cameroun en 2020. Au moment où la pandémie COVID-19 entrainait des restrictions de déplacements et un ralentissement des activités économiques à l’échelle mondiale, les forêts camerounaises subissaient la furie des tronçonneuses et autres activités agricoles humaines. Le Cameroun a perdu plus de 100 mille hectares de ses forêts primaires en 2020, c’est presque le double de la superficie de forêts primaires détruites en 2019.  Il occupe le 7ème rang du top 10 des pays ayant enregistré les plus grandes superficies de forêts primaires détruites en 2020.

Selon les données de Global Forest Watch, la plupart des pertes de forêts est associée à l’agriculture dans la région du Sud du pays. Plus de 60% de ces pertes ont été enregistrées dans les régions du Centre et de l’Est, principales régions forestières du pays. Dans la région du Sud qui détient de vastes superficies de forêts convoitées par les agro-industries, la carte interactive de Global Forest Watch montre de nouvelles zones de pertes des forêts primaires, notamment le département de l’Océan.

La société Camvert compte exploiter 60 mille hectares de forêts, pour son projet agro-industriel de palmier à huile à proximité du parc National de Campo Man, site inscrit au patrimoine Mondial de l’Unesco Campo. Couvrant les arrondissements de Campo et Nyeté, la parcelle convoitée était jadis réservée à l’exploitation forestière. Mais, le premier ministre camerounais l’a déclassé en Novembre 2019, pour la « pour la production agricole ». Cette nouvelle plantation agro-industrielle de palmier à huile abrite 7 communautés de peuples autochtones Bagyeli qui tirent l’essentiel de leurs ressources des forêts, une vingtaine de villages de peuples Bantou.

Malgré les vives contestations de la société civile après le déclassement de cette forêt, Camvert a démarré ses activités mi-2020, grâce à une autorisation du Ministre des domaines du cadastre et des affaires foncières obtenue en Avril 2020, en pleine pandémie, et donnant à l’entreprise le quitus d’exploiter 2500 hectares. Greenpeace Afrique et d’autres organisations de la société civile accusent l’entreprise Camvert, d’avoir déjà « rasé au moins 1500 hectares de forêts en violation de la législation camerounaise ». En Octobre 2020, l’organisation autochtone BACUDA a déposé  une plainte au Comité pour l’Elimination de toute forme de discrimination Raciale (CERD) au nom des peuples autochtones Bagyeli pour s’opposer au projet Camvert dans leurs forêts.

Perte de forêts primaires au Cameroun entre 2002 et 2020. Source: Global Forest Watch/World Resources Institute

En RDC, l’expansion agricole détruit les forêts primaires

La République démocratique du Congo a perdu 490 mille hectares de forêts primaires, ce qui équivaut à 534 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone (C02) en 2020. La RDC détient la 2ème plus grande superficie de forêt primaire détruite en 2020, après le Brésil et ça fait quatre ans que la RDC occupe cette position. Malgré la pandémie COVID-19, les données montrent une augmentation des pertes de forêts primaires en RDC en 2020, par rapport à l’année 2019.

L’agriculture de subsistance reste l’un des facteurs les plus dominants de cette destruction des forêts, selon des experts du World Resource Institute. « Comme les récentes années, la majorité des pertes demeurent liées à l’expansion de l’agriculture de subsistance et à l’utilisation du bois comme source d’énergie », expliquent Mikaela Weisse et Elizabeth Goldman. De plus en plus, des chercheurs essaient de comprendre quels sont les moteurs de la déforestation dans le bassin du Congo, dont la RDC détient environ 60% de la superficie forestière.

Une récente étude montre qu’entre 2000 et 2015, « l’agriculture de subsistance a été le principal moteur du défrichement des forêts ». Publiée en Janvier 2020 dans la revue Land, l’étude souligne que ces pertes de forêts surviennent souvent à proximité des activités agro-industrielles et d’extraction de ressources à grande échelle. Selon les estimations de l’équipe de chercheurs, « 12% des pertes de forêt liées à l’expansion de l’agriculture de subsistance se situaient à moins de 5 kilomètres des mines, de l’exploitation forestière ou des plantations ».

Ces projets entrainent un flux important de personnes et pour survivre, « les populations de travailleurs attirées par ces zones créent des communautés qui dépendent de la culture itinérante et des produits forestiers non ligneux (PFNL) pour la nourriture, l’énergie et les matériaux de construction », indique Giuseppe Molinaro, l’auteur principal et expert en analyses géo spatiales.

Toutes les récentes études insistent sur la nécessité d’approfondir les recherches sur les forêts du bassin du Congo. Pour les experts de WRI, le gouvernement Congolais et toutes les parties prenantes sur le plan local comme international doivent multiplier les actions permettant de mieux identifier les moteurs de la déforestation en RDC et trouver des solutions efficaces pour réduire les pertes du couvert forestier.

A côté de ces géants du bassin du Congo, la Centrafrique enregistre aussi  une augmentation des pertes de forêt, avec plus de 14 mille hectares de forêts détruites en 2020. Le Congo et le Gabon enregistrent de légères baisses. La Guinée Equatoriale a perdu 1900 hectares de forêts primaires en 2020, c’est la première fois en dix 10 ans, que le pays connaît une diminution aussi considérable de sa superficie de forêts primaires détruites.

 

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