Il y a quelques années, le gouvernement congolais avait accordé à la multinationale britannique SOCO l’autorisation d’exploitation du pétrole sur le bloc V, qui empiète sur le parc national des Virunga. Depuis, les communautés locales et ONGs œuvrant dans le domaine environnemental ont contesté cette mesure et la compagnie pétrolière avait suspendu en 2015 ses activités d’exploration. Malgré-cela, le gouvernement congolais n’avait pas annulé le permis d’exploitation du pétrole. Pour les communautés locales la menace demeure.
« Nous sommes désormais conscients des dangers liés à l’exploitation du pétrole et nous ne cèderons pas même face à l’argent ou aux menaces », avoue clairement Judith Sekanabo, épouse de pêcheur vivant à Vitshumbi, enclave de pêche située au bord du lac Edouard, à l’est de la RDC. Présidente de l’association à but non lucratif Union des femmes épouses des pêcheurs pour le développement intègre du paysan (UFEPDIP en sigle), Judith Sekanabo s’était, dès le départ, opposé au projet d’exploitation du pétrole au niveau du Bloc V couvrant une partie du parc des Virunga et des territoires voisins.
Pour elle, s’il arrive qu’on exploite du pétrole, la terre, l’écosystème du lac Edouard et des moyens de subsistance des milliers de familles dans la région pourraient être menacés par d’éventuelles contaminations. Elle s’était ainsi rendu à Moanda (Ndlr: ville sur la côte Atlantique de la RDC où est exploité le pétrole) il y a quelques années pour palper du doigt la réalité: « j’ai été tristement surprise de constater que la pauvreté sévit à Moanda, la terre et l’eau sont déjà polluées contrairement à ce qu’on nous disait oh avec le pétrole on deviendra riche oh…» hurle-t-elle, au milieu d’une centaine de villageois, riverains du parc des Virunga.
Judith Sekanabo témoigne ainsi des graves conséquences liées à la production du pétrole. Elle pointe du doigt notamment la menace que cours le paysage Virunga déjà cadastré et reconnu aujourd’hui comme le Bloc pétrolier V: « du moment où notre gouvernement a besoin d’accroitre ses recettes, il peut facilement octroyé le permis d’exploitation à une autre société pétrolière et même si Soco International a décidé de se retirer, il peut nous revenir sous une autre forme », prévient Judith qui, du reste signale à ses pairs (ruraux) de rester vigilant parce que selon elle, des chantages continuent.
Le pétrole, cauchemar des riverains du parc des Virunga
Pour Michael Batakunda, les allégations des communautés locales sont vraiment fondées. Ce chercheur et analyste socio-économique soutient que la menace du pétrole persiste puisqu’à tout moment SOCO international pourrait revenir métamorphosée: « la menace du pétrole plane du fait que le permis d’exploitation du pétrole au niveau du bloc V n’a pas encore été annulé et que la firme britannique détient encore des résultats des tests sismiques qu’il avait réalisé au niveau du lac Edouard en 2015 d’où une autre entreprise peut s’en servir » déduit-il, encourageant les organisations locales à poursuivre des sensibilisations pour conscientiser les communautés locales sur le danger lié à l’exploitation du pétrole.
Il renchérit: « la mise en valeur des services écosystémiques dans le paysage Virunga lèverait plus du double des revenus que générerait l’exploitation des ressources pétrolières ». Il précise que la problématique de l’exploitation du pétrole dans le bloc V du paysage Virunga tend à exacerber les questions de déforestation, de dégradation et d’accaparement des terres, fragilisant ainsi les moyens d’existence des communautés locales ainsi que la valeur des biens publics internationaux.
« Pas besoin de salir notre environnement avec le pétrole qui ne dure que très peu de temps, depuis bien d’années ici, nous vivons que de nos terres arables et de notre lac Edouard…nous ne voulons pas léguer un monde cassé aux générations futures » affirme un sexagénaire joint à Kayna agglomération voisine du parc des Virunga où s’étend le bloc pétrolier V. Monsieur Paluku dont il est question, a suivi avec intérêt un film didactique qui retrace la vie difficile dans le delta du Niger où l’entreprise pétrolière Shell est accusée de plusieurs maux vis-à-vis des communautés locales.
Ce feuilleton d’environ 15 minutes a été réalisé avec quelques leaders locaux, membres d’organisations de défense de l’environnement qui ont fait le déplacement dans le Delta du Niger. De retour chez eux, ils ont décidé de partager les acquis de leur voyage d’échange: « nous avons vu comment le pétrole pollue le sol et l’eau sans rien profiter au communautés locales, la vie des gens de Bodo au Niger nous a suffisamment prouvé que les entreprises pétrolières sont des monstres qu’il ne faut pas accueillir chez nous…elles ne tiennent pas compte des intérêts des locaux ni d’impacts environnementaux ou sociaux liés à l’exploitation du pétrole » se désole Bantu Lukambo, coordonnateur de l’asbl IDPE (innovation pour le développement et la protection de l’environnement).
A lui d’ajouter: « la RDC fait partie de la convention du Patrimoine mondial de l’UNESCO laquelle convention interdit aux Etats membres toute activité autre que celle de conservation dans et en périphérie des biens publics mondiaux comme le PNVi » souligne Bantu, rappelant que les communautés locales vivant dans le paysage Virunga détiennent un accès exclusif et sécurisé aux services écosystémiques suite à l’abondance des ressources, ce qui leur permet une garantie de subsistance.
Enfin, Le paysage Virunga est partage les frontières de trois Etats limitrophes dont la République Démocratique du Congo, l’Ouganda et le Rwanda. Il est entièrement situé dans le rift Albertin, riche en hydrocarbures, particulièrement convoité par des Multinationales.
Sur le même sujet
-
Virunga: Source d’insécurité selon les populations riveraines
-
Parc des Virunga : Controverse autour de l’exploitation du pétrole
-
RDC: l’électricité réduit la pression sur le parc des Virunga
-
Il aurait donné sa vie contre celle de Virunga
-
Parc des Virunga : les autorités appelées à stopper toute activité pétrolière
Related posts
-
RDC: l’électricité réduit la pression sur le parc des Virunga
-
A Kinshasa, plus aucun objet en ivoire vendu au marché d’art
-
Selon WWF-RDC, le pays risque de perdre ses espèces protégées