Tribune : Les voix des communautés forestières d’Afrique doivent être entendues dans la lutte contre le changement climatique

Sorry, this entry is only available in Français. La forêt tropicale du Congo est un réservoir de carbone extrêmement important, mais les personnes qui y vivent sont souvent exclues des discussions sur leur gestion. Les communautés forestières ressentent déjà les effets meurtriers du changement climatique et peuvent contribuer à le stopper – mais les efforts […]

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La forêt tropicale du Congo est un réservoir de carbone extrêmement important, mais les personnes qui y vivent sont souvent exclues des discussions sur leur gestion.

Les communautés forestières ressentent déjà les effets meurtriers du changement climatique et peuvent contribuer à le stopper – mais les efforts pour les inclure dans les solutions climatiques sont dérisoires.

Alors que nous sommes tous menacés par le changement climatique, l’Afrique est particulièrement vulnérable.

Un rapport évalue les liens entre les forêts, l'eau, les personnes et le changement climatique. Par Scidev

Un rapport évalue les liens entre les forêts, l’eau, les personnes et le changement climatique. Par Scidev

Les sécheresses, les inondations et les autres phénomènes météorologiques extrêmes varient d’une région africaine à une autre, mais des facteurs non climatiques – tels que la pauvreté, la faim et les maladies – exacerbent l’impact du changement climatique sur notre continent.

A cela s’ajoute le fait que les voix africaines sont largement absentes dans le débat sur le climat Mondial, ce qui est troublant.  Il a récemment été révélé, par exemple, que moins d’un auteur sur 10 du rapport historique du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) d’octobre sur les impacts des augmentations de température de 1,5 ° C, était d’origine africaine.

Pourtant, si les scientifiques africains ne sont pas bien entendus, les Africains se retrouvant en première ligne dans la lutte contre le réchauffement climatique demeurent encore plus silencieux.

Le Bassin du congo

Cette injustice est aggravée par le fait que, dans de nombreux cas, ils sont la clé de l’atténuation du changement climatique. C’est particulièrement le cas des communautés marginalisées et dépossédées ainsi que des peuples autochtones avec lesquels nous travaillons.

Ils vivent et survivent dans la forêt tropicale du Congo, qui s’étend sur 500 millions d’acres à travers le Cameroun, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo et la République du Congo. On estime qu’elle contient 25 à 30 milliards de tonnes de carbone, ce qui équivaut à environ quatre ans d’émissions anthropiques de CO₂ de la planète au taux actuel. En tant que tel, il aide à maintenir la vie sur terre.

Cette semaine, experts internationaux, scientifiques, ONG et autres se réuniront pour débattre de l’avenir de la forêt pluviale du Congo lors de la réunion annuelle du Partenariat pour la forêt et le bassin du Congo (PFBC) à Bruxelles. Nombre d’entre eux vont faire passer un message qui a pris de l’importance ces dernières semaines: le climat du monde dépend des forêts – et elles devraient être au premier plan des stratégies climatiques internationales.

En octobre, 40 scientifiques éminents ont publié une déclaration affirmant que la protection et la restauration des forêts pourraient permettre d’atteindre 18% des réductions d’émissions nécessaires d’ici 2030. Deux semaines plus tard, un rapport scientifique publié par une coalition d’ONG décrivait le rôle énorme – et souvent négligé –  de la restauration des écosystèmes forestiers naturels qui pourrait aider l’humanité à éviter une catastrophe climatique.

Les communautés forestières doivent faire partie intégrante de ces efforts.

De nombreuses preuves montrent que le renforcement et la reconnaissance des droits fonciers des peuples des forêts peuvent entraîner une réduction considérable des émissions de carbone, avec des taux de déforestation considérablement réduits dans les forêts habitées par les populations autochtones et locales.

Pourtant, cela n’est pas reflété dans les contributions déterminées par les pays du Bassin du Congo, qui sont les engagements pris par chaque pays de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de s’adapter au changement climatique. Ces CDN sont au cœur de l’accord de Paris sur le climat. Cependant, les efforts proposés par les pays du Bassin du Congo pour mobiliser les communautés forestières du Bassin du Congo dans la lutte contre le changement climatique ont jusqu’à présent été négligeables.

Cela s’explique en partie par le fait que les États du bassin du Congo n’ont pas créé de moyens adéquats d’implication des communautés. De plus, les voix des communautés sont souvent représentées par des ONG, qui essaient de jouer le rôle de porte-parole – ne laissant aucune place aux groupes véritablement marginalisés pour s’exprimer.

Une voie à suivre

Alors de quelle manière la forêt tropicale du Congo peut-elle jouer un rôle plus important dans les CDN des pays concernés? Voici trois suggestions:

Premièrement, mettre en œuvre les CDN au niveau du paysage, une idée qui a été discutée lors du Sommet sur le climat d’Abidjan auquel ont participé des délégués de 27 pays africains au début de cette année. Dans le cadre de cette proposition novatrice, les communautés locales et les peuples autochtones bénéficieraient d’un soutien et d’une coordination accrus sur les plans climatologiques et la prise de décisions, y compris la promotion d’initiatives communautaires telles que la foresterie communautaire.

Deuxièmement, si l’on veut que les forêts soient gérées de manière durable et que les droits des communautés soient respectés, il faut s’attaquer aux problèmes plus élargies de la corruption et à la faiblesse des institutions de l’État. Les bonnes initiatives n’aboutiront à rien si les lois ne sont pas appliquées, les sanctions n’existent pas ou les institutions sont trop faibles pour les faire respecter.

Enfin, l’Union européenne (UE) doit aider les pays du bassin du Congo à mettre en œuvre ces politiques. L’UE représente un énorme marché pour le bois d’œuvre et les produits forestiers à risque pour les forêts de la région et a donc la responsabilité d’aider à réduire les émissions et d’aider les pays vulnérables à adopter des stratégies de réduction des émissions de carbone. Trois pays du bassin du Congo ont déjà signé des accords commerciaux de bois d’oeuvre avec l’Union européenne (APV), qui pourraient être utilisés pour intensifier la diplomatie climatique.

Sur le papier, au moins, la proposition faite la semaine dernière par le Premier ministre finlandais Juha Sipilä de créer un fonds forestier UE-Afrique doté de milliards d’euros pour le boisement, la sylviculture et la gestion et la protection des forêts suggère que l’UE est disposée à agir. Pour que le plan réussisse, les communautés forestières doivent être au cœur des processus décisionnels.

Le bassin du Congo abrite le deuxième plus grand réservoir de carbone de la végétation au monde, après l’Amazonie. Protéger et restaurer les forêts qui retiennent ce carbone est une étape essentielle pour éviter les pires ravages du changement climatique, préserver la biodiversité et renforcer les moyens de subsistance des populations locales. Cependant, cela ne peut être fait que si les locaux sont eux-mêmes aux commandes.

Alors que la communauté mondiale du climat traduit les accords de Paris en actes, les voix africaines doivent être entendues.

Cette tribune a été originalement publiée sur Climate Home News. Lire l’original ici

Laurence Wete Soh est coordinatrice de programme chez Forêts et Développement Rural, une ONG basée à Yaoundé au Cameroun, qui se concentre sur l’amélioration de la gouvernance dans le pays.

Trésor Nzila est secrétaire exécutif du groupe de défense des droits de l’homme (OCDH), basé en République du Congo, qui défend les droits des communautés contre les entreprises forestières et les groupes miniers et pétroliers. En 2015, l’OCDH a remporté conjointement le prestigieux Prix des droits de l’homme de la République française.

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