En Afrique centrale, les marchés domestiques ouverts d’ivoire disparaissent principalement en raison des efforts d’application de la loi et de la concurrence avec les réseaux criminels souterrains. A leur place, un commerce international sophistiqué s’installe, à travers des réseaux criminels internationaux, notamment chinois, rapporte une étude de TRAFFIC, publiée le 6 septembre.
L’étude a été menée dans 5 pays d’Afrique Centrale : Cameroun, Centrafrique, Congo Brazzaville, République démocratique du Congo et Gabon en 2007-2009 puis 2014-2015. “Les réseaux criminels organisés, notamment de citoyens chinois, opèreraient dans la sous-région et deviendraient désormais des acteurs clés du commerce d’ivoire, favorisés par un haut niveau de corruption et une faible gouvernance“, selon l’étude.
Les enquêteurs du WWF “se sont fait passer pour des acheteurs sur les marchés et les ateliers d’ivoire” de cinq pays d’Afrique centrale. “On estime qu’environ 20.000 éléphants meurent chaque année en raison de leurs défenses en ivoire”, rappelle Stéphane Ringuet, membre du WWF et co-auteur du rapport
Le déclin du marché local de l’ivoire est notamment dû à la pression croissante des autorités qui mènent des opérations fréquentes d’application de la loi. Les enquêteurs de TRAFFIC ont enregistré moins de 1 kg de produits en ivoire exposés publiquement en 2014/2015 en RCA, au Congo, au Gabon et au Cameroun, contre environ 400 kg en 2007 et plus de 900 kg en 1999 parmi les quatre pays.
Le marché de l’ivoire à Kinshasa, en RDC, reste la seule exception, avec plus de 400 kg de produits en ivoire enregistrés en 2015. Cependant, la RDC s’est récemment engagée à renforcer l’application de la loi contre le marché illégal de l’ivoire à Kinshasa, une étape importante soutenue par TRAFFIC et le WWF.
L’étude révèle également une évolution des groupes d’acheteurs d’ivoire travaillé : les acheteurs chinois ont remplacé les expatriés et les touristes européens, qui étaient auparavant les principaux acheteurs. Les commerçants de l’Afrique de l’Ouest ont également été mentionnés comme des acheteurs secondaires, achetant de l’ivoire brut et travaillé pour approvisionner les marchés de l’Afrique de l’Ouest et internationaux.
Le nombre de pachydermes de savane a baissé de 30% entre 2007 et 2014, principalement en raison du braconnage, estimait fin août 2016 un recensement de l’organisation Great Elephant Census.
Au Gabon, les populations d’éléphants de forêt, plus petit que l’éléphant de savane, du parc de Minkébé dans le nord-est, à la frontière avec le Congo et le Cameroun, ont chuté de près de 80% en une décennie, selon une récente étude de l’Université de Duke en Caroline du Nord.
Dans le nord de la Centrafrique, pays en proie à un violent conflit et avec une faible présence du gouvernement au-delà de la capitale Bangui, plus aucun éléphant n’a été observé, selon le dernier recensement de l’ONG Widlife Conservation Society (WCS) révélé début juillet.
Aussi, l’étude souligne un manque de systèmes solides et transparents, nécessaires pour assurer une gestion efficace des stocks dans tous les pays cibles. À Kinshasa, en RDC, les chercheurs ont trouvé des défenses brutes et des pièces en ivoire travaillé dans des bureaux gouvernementaux non sécurisés – signalant un risque fort de fuite sur le marché local.
« De véritables efforts concertés sont nécessaires pour remédier au grave déclin des populations d’éléphants dans toute l’Afrique centrale : ce n’est plus seulement un problème de faune sauvage, mais une catastrophe écologique, fortement dictée par des organisations criminelles ultra-organisées. Les criminels impliqués dans le commerce international de l’ivoire exploitent régulièrement la faiblesse de la gouvernance de l’État ainsi que la collusion, la confusion et la corruption des autorités ». Sone Nkoke, chargé de projet faune sauvage de TRAFFIC en Afrique centrale, et auteur principal du rapport.
TRAFFIC est une organisation internationale le réseau de surveillance du commerce de la faune et de flore sauvages, dont la mission est de s’assurer que ces échanges ne sont pas une menace à la conservation de la nature. C’est un programme commun du World Wide Fund for Nature (WWF) et de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et travaille également en coopération étroite avec le Secrétariat de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
Fondé en 1976, le siège social du TRAFFIC se situe dans la ville de Cambridge, au Royaume-Uni et des bases régionales sont présentes dans les cinq continents.
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