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De mi-Octobre à fin Novembre 2020, aucun nouveau cas de Covid19 n’a été enregistré au sein de la Socapalm, pourtant la gravité de la maladie au sein de cette filiale du groupe Socfin a été évoquée pour justifier le renvoi à 2021 de ce contrôle dans les sites de Mbongo et Mbambou.

Cameroun/Village Mbongo, 22 Novembre 2020. De retour du match de football dominical localement appelée « deux zéro », une vingtaine de jeunes fait des commentaires dans une salle du camp V5, où résident des travailleurs de la Société Camerounaise de Palmeraies (Socapalm). Eclats de voix et fous rires animent leurs discussions mais aucun d’eux n’arbore de masque de protection contre Coronavirus. « Nous avons appris à travers les médias que les cas de Covdi19 sont en baisse. C’est la raison pour laquelle vous ne voyez personne avec le masque », explique un jeune.

Situés dans la région la région du Littoral, Socapalm de Mbongo et Socapalm Mbambou sont candidats à la certification de la Table Ronde sur l’Huile de Palme Durable (RSPO), comme plusieurs filiales du groupe Socfin. La Socapalm a commis le cabinet SCS Global Services pour y réaliser les audits RSPO. En fin Octobre 2020, le cabinet a évoqué la gravité de Coronavirus au sein de la Socapalm, pour justifier le report des audits RSPO qui devaient se dérouler en Novembre 2020 à Mbambou et Mbongo.

D’après les notifications du cabinet d’audit, datés du 01er Octobre 2020 et publiés sur le site de la RSPO, les prestataires devaient réaliser les audits RSPO respectivement du 02 au 06 Novembre 2020 pour les sites de Socapalm Mbongo et du 09 au 13 Novembre 2020 pour Socapalm Mbambou.

Des plaques indiquant la présence de zones Haute Valeur de Conservation (HCV) aux abords des plantations de palmier à huile de Socapalm-Mbongo. Crédit Photo: Madeleine Ngeunga

Trois semaines après cette notification, le programme est modifié. Dans un mail envoyé « aux parties prenantes » le 22 Octobre 2020, le cabinet d’audit indique que « SCS Global Services (SCS) a reçu des informations selon lesquelles il existe une grave épidémie de COVID-19 à la SOCAPALM. Les audits de la SOCAPALM- Mbongo et de la SOCAPALM Mbambou ont été reportés. Bien qu’aucune nouvelle date n’ait encore été fixée, les audits auront lieu”.

Pour Michel Linge, Coordonnateur local de la Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun (Synaparcam), « la société cache le nombre de cas positifs de Covid19 survenus dans la localité ». Sous anonymat, certains employés nous ont confié que quelques travailleurs de Socapalm Mbongo et Mbambou ont été mis en quarantaine et ont repris le service après être guéri. De sources introduites, deux travailleurs de Socapalm Mbongo ont été testés positifs et un cas positif a été confirmé à la Socapalm Mbambou.

Omerta

Selon le géant du palmier à huile, 41 cas positifs de Covid19 ont été enregistrés au sein de l’entreprise sur 5 mille 197 employés directs et indirects testés entre Mars et fin Novembre 2020. « Parmi les 41 cas positifs, 17 cas sont issus des départements de l’administration tous sites confondus, les autres cas appartiennent à d’autres départements: industriels, agronomiques, maintenance, garage ».

Mais, l’entreprise refuse de communiquer le nombre de cas enregistré à Socapalm Mbongo et Mbambou. « Non, pour des raisons de respect du secret médical, il ne nous est pas possible de vous donner la ventilation du nombre de cas par site », nous rétorque la Socapalm. « Tous ces cas ont fait l’objet d’une identification, d’un enregistrement et d’un suivi par les autorités sanitaires desquelles dépendent les plantations », signale l’entreprise.

A la chefferie du village Mbongo, tout visiteur foit faire un arrêt pour se laver les mains au niveau du kit de prévention de la COVID19 reçu des autorités administratives. Crédit photo: Madeleine Ngeunga

Avec la décentralisation de la riposte de la Covid19 au Cameroun, les Centres Médicaux d’Arrondissements (CMA) sont compétents pour effectuer des tests de dépistage. Le CMA de Dizanguè est le seul centre agréé pour effectuer des tests de Covid19 dans la commune de Dizanguè où se trouvent Mbongo et Mbambou. Les résultats sont ensuite centralisés au niveau du district de santé d’Edéa qui coiffe les six communes du département de la Sanaga Maritime.

Pourtant, à la sous-préfecture comme à la mairie de Dizanguè les autorités affirment n’avoir enregistré aucun cas de Covid19 dans leur arrondissement. Au niveau départemental, sur plus de 1500 tests de Covid19 réalisés dans le district de santé d’Edéa du début de la pandémie à fin Novembre 2020, on dénombre une vingtaine de cas positifs mais zéro cas positif au CMA de Dizanguè. « La plupart des cas testés positifs résident au centre-ville d’Edéa. Dans toutes les entreprises de notre ressort territorial, des employés font des tests régulièrement et les entreprises doivent remonter l’information sur des cas positifs enregistrés. Dans la commune de Dizanguè, il y a eu un seul cas suspect de Covid19 et il s’est avéré négatif », déclare le chef du district de santé d’Edéa.

Contradictions

Le report des audits est intervenu le 22 Octobre 2020, au prétexte d’une résurgence des cas de COVID19 au sein de la Socapalm. Interrogés sur la question, l’entreprise affirme que la situation est stable. « Toutes les informations qui nous sont remontées par nos médecins sur chaque plantation relatent l’absence de cas depuis plus d’un mois et demi », précise la Socapalm dans une interview qu’elle nous a accordé les 03 et 04 Décembre 2020. Ainsi, depuis mi-Octobre 2020, aucun nouveau cas n’a été testé positif à la COVID19 au sein de la Socapalm. Pourquoi avoir choisi le report des audits alors que la situation n’était pas alarmante ?

En réponse à la pandémie, « depuis Mars 2020, toutes les visites en provenance des pays européens ont été annulées et les déplacements sur les sites se limitent exclusivement à l’essentiel », indique la Socapalm. Il était pourtant possible de minimiser les risques en optant pour des audits à distance, comme le prévoit l’association RSPO.

A travers un communiqué publié en fin Août 2020, l’organisation a facilité le déroulement des audits en période de crise sanitaire en autorisant « les organismes de certification accrédités par la RSPO à effectuer des audits à distance avec la participation d’un ou plusieurs “facilitateurs d’audit” sur place ». Quoique le cabinet SCS Global Services ait un consultant basé au Cameroun, le cabinet a reporté les audits d’un commun accord avec la Socapalm.

Au village Mbongo, des ouvriers de Socapalm transportent des noix des plantations pour l’usine de transformation. Crédit Photo: Madeleine Ngeunga

D’après l’agro-industrie de palmier à huile, la certification RSPO est une priorité et elle travaille durement pour l’obtenir. Mais, « le programme d’audit RSPO nous est parvenu à une période où nous avions en effet enregistré quelques cas de Covid 19. La santé de nos travailleurs ainsi que de nos prestataires n’a pas de prix. Nous avons donc appliqué le principe de précaution en ce dossier et l’audit, avec le consentement du cabinet en charge, et compte tenu également de leur emploi du temps, a été tout simplement reporté au 1er trimestre 2021 », ajoute-t-elle.

De sources introduites, en début Novembre 2020, au moment devaient se dérouler les audits à Mbongo, l’entreprise formait ses travailleurs sur les précautions à prendre durant l’utilisation des produits chimiques dans les plantations.

A notre passage en fin Novembre 2020 à Mbongo, la vie avait repris son cours normal. « Tout le monde a eu peur de cette pandémie. Mais, il n’y a pas eu de cas ici chez nous. Nous avons consommé nos écorces indigènes et respecté les mesures d’hygiène », se réjouit Pierre Mbele, chef traditionnel de 3ème degré du village Mbongo, pointant du doigt un bidon à robinet plein d’eau et du savon, prévu pour le lavage des mains.

A Mbimbè où se trouve le site de la Socapalm Mbambou, en dehors des personnes assises dans les cargos de transport du personnel de la Socapalm ou devant le centre médical de l’entreprise, il est difficile de voir un habitant muni de masque. Le kit de lavage des mains reste installé à l’entrée de la chefferie bien que le chef n’ait pas eu connaissance de cas testé positif à la Covid19 dans sa communauté. « De Mars à fin Novembre 2020, nous n’avons eu aucun cas de Coronavirus ici chez nous à Mbimbè », dit Sa Majesté Jean Bosco Ngobe, chef traditionnel de 3ème degré du village Mbimbè.

Dès mi-Octobre 2020, le Cameroun est passé de neuvième à onzième pays africain ayant le plus grand nombre de cas confirmés. D’après le Rapport de Situation de Covid-19 au Cameroun Numéro 57 que nous avons pu obtenir, « avec 24 mille cas positifs au 25 Novembre 2020, il enregistrait le taux de guérison le plus élevé soit 95% ».

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