A 24 ans, étudiant en quatrième doctorat de médecine à l’Université Catholique du Graben à Butembo (UCG/Butembo), Katembo Mikombi est apiculteur depuis 10 ans. C’est à 14 qu’il a eu de l’intérêt pour l’élevage des abeilles. Il nous parle de la création et de l’entretien d’un rucher tout en invitant ainsi les jeunes à s’investir dans cette activité pour leur propre indépendance financière.
Tout couvert des pieds à la tête, Simon Katembo Mikombi et Fabrice Kyamuhotire , un ami qui l’aide de temps en temps, se sont enfermés dans une combinaison conçue pour les apiculteurs : des bottes bien lourdes, un pantalon en cuir enfoncé dans les bottes, une jaquette en cuir, un casque sur la tête avec une sorte de tamis ou treillis sur le visage pour permettre de voir, respirer et dont la grille est assez distancée de la figure pour que les abeilles ne puissent pas piquer la figure. « Sous ce costume, il fait une chaleur de plomb. », confie Fabrice, qui enfume la ruche pour diminuer la rudesse des abeilles.
Avec l’enfumoir, Jules commence à enfumer le trou d’envol de la ruche puis en fait le tour. Simon ouvre le couvercle. Une fois la ruche ouverte, les abeilles les recouvrent entièrement mais leurs tenues les protège. Alors que Jules semble paniquer, Simon est tout calme et entretient son rucher tout seul. C’est seulement le jour de la récolte qu’il demande de l’aide à n’importe quel ami. Un ami à qui il remet, à la fin de la journée, une quantité de miel selon la récolte.
Avec le lève-cadre, Simon tapote les cadres (lattes, barrettes,…). « Il y a un son particulier pour sentir si laquelle des lattes ou cadres porte le plus de miel. Le son est je ne sais comment le dire, mat», explique l’apiculteur. Cadre après cadre, il retire les rayons de miel qu’il met dans un récipient en plastique avec couvercle. On ne récolte que le miel ayant couvert les trois quarts du rayon à défaut, mais il faut récolter le rayon gorgé de miel à 100%, nous chuchote-t-il.
Après une ruche, ils passent à une autre. La récolte finie, ils transportent les sceaux dans la maison la plus proche. Plus ils se rapprochent de la maison, les abeilles les abandonnent. Ils se débarrassent de leurs tenues et se rendent en ville à motos surchargées, trois sceaux remplis par moto.
“Je me suis investi dans l’apiculture depuis 2007, se souvient Katembo Mikombi, en 2006, j’ai été intrigué par les conférences de l’ONG Katsetse sur la protection de l’environnement par les êtres de la nature. L’année suivante, un prêtre a organisé une formation en apiculture de deux semaines au petit séminaire de Musyenene, une cité située à une trentaine de km de la ville de Butembo, moyennant seulement 12.5$. Le logement et la restauration y compris. Presque gratuit. C’est après cette formation que j’aie commencé l’apiculture.”
L’installation du rucher…
La condition nécessaire est d’avoir un terrain assez vaste et distancé d’une agglomération. Calculé en hectare, un peu à l’écart des habitations d’une distance d’au moins 100 mètres de rayon. Il doit y avoir des arbres dans la concession pour servir d’ombrage. Et une diversité des plantes mellifères. Avec, surtout, une rivière dans les parages. Car les abeilles consomment beaucoup d’eaux.
« Moi je possède 4 hectares. Mais il y aussi d’autres hectares libres autour de mon terrain. On est vraiment à l’écart des habitations. On peut marcher sur quelques dizaines de kilomètres sans trouver deux maisons qui se suivent, à part ces maisonnettes que nous construisons généralement dans les champs pour s’abriter et garder la récolte un temps avant l’évacuation », précise-t-il avant de signaler que pour les plantes mellifères, il y a des arbres eucalyptus, les avocatiers, les blackwaters. En période agricole, il y a les maïs, les haricots, les grevilla et plusieurs autres fleurs sauvages dont il ne connait les noms. Le terrain de Simon est traversé par un ruisseau.
« Au début, il faut installer la boite de capture à une petite distance d’une source d’eau, une rivière, à 5 ou 10 mètres. L’histoire est simple. Après avoir puisé l’eau, l’abeille butineuse trouve une boite et va informer la reine de la colonie après essaimage. Après quelques missions d’inspections des abeilles ouvrières, la reine, qui s’avoue vaincue, quitte son hôte inhabituelle pour la domestication de la ruche découverte. Cette colonisation commence dans la boite de capture et finit dans une ruche définitivement choisie où s’installe la reine», raconte Simon. nous renseigne-t-il.
Ensuite, il faut faire passer les abeilles de la boite de capture vers la ruche. « La ruche de type « Lagrande » mesure 75 cm de longueur et 50 de largeur. La boite de capture a 50 cm de longueur et 25 de largeur. On couvre la ruche avec plus ou moins 23 lattes ou cadres de 3 cm de largeur et 50 de longueur », martèle Katembo Mikombi en signalant que les mesures peuvent varier d’une ruche à une autre selon le type.
Néanmoins, pour transférer les abeilles de la boite de capture vers la ruche Lagrande, il faut les disposer sous forme de L. « Il faut d’abord enfumer la boite de capture avant de soulever les rayons pour les déposer dans la ruche Lagrande. Sans oublier de vérifier la présence de la reine dans la ruche. Après quelques jours, il faudra placer la ruche dans sa place définitive, de préférence le soir », informe-t-il. Puis, on recommence la capture. D’une autre façon, la ruche Lagrande peut servir aussi de boite de capture qu’on appelle capture directe.
L’entretien du rucher et la production du miel
« L’apiculture n’est pas très exigeante. C’est pourquoi les jeunes peuvent s’y investir sans abandonner leurs études ou une autre activité permanente», renseigne Katembo. Après la mise en place du rucher (l’ensemble de ruches qui sont installées dans la concession d’un apiculteur), dans les meilleures conditions, il faut une inspection hebdomadaire ou mensuelle pour voir la réalisation des travaux nobles des abeilles dans la ruche tels que la fabrication des rayons à base de cire, l’hygiène interne, etc.
Etant étudiant dans une faculté qui n’accorde pas trop de répits, la médecine humaine, Simon consacre ses dimanches à l’apiculture et quelques semaines de vacances avant qu’il n’aille en stage. A cause de son apiculture, il ne va jamais passer son stage annuel de deux mois dans une autre ville car l’apiculture ne saurait souffrir un ou deux mois sans surveillance.
La production du miel dépend de la période de floraison des plantes mellifères avoisinant le rucher. Après quoi, on a qu’à entendre la récolte pendant 2 à 4 mois selon la saison. “Moi, généralement je prends un intervalle de 4 mois entre deux moissons”, dit-il. Néanmoins, les abeilles produisent à n’importe quelle période de l’année, surtout en Afrique où nous n’avons pas l’hiver. « Une ruche produit entre 1 et 15 litres. Pour mes 5 ruches, je produis entre 5 et 25 litres tous les quatre mois. », nous informe l’apiculteur.
Qualité et marché
« Je suis certain que je produis un miel de qualité vu la diversité des plantes mellifères disponibes dans la région. Pour vérifier la qualité de miel, il faut réaliser le test au refractomètre dont la teneur en humidité doit varier entre 16 et 19%. », dit Mikombi. Ce test s’effectue gratuitement à Musyenene dans le centre où il avait suivi la formation en 2007.
Sur le plan économique, localement un litre de miel revient à 10 $US. Néanmoins, la falsification du miel prend de l’ampleur. Certaines personnes ajoutent un peu d’eau et de sucre composé, le sucre de table (Saccharum officinarum) dans le miel pour augmenter la quantité et revendre à bas prix.
Néanmoins, quand on a un miel de qualité, on n’a pas de souci à se faire : « Quand un client se rend compte que j’ai un miel de qualité, il revient toujours. C’est le cas de certains malades qui l’utilisent en diététique, les diabétiques sur recommandation des médecins. Il y aussi quelques familles aisées qui remplacent le sucre de table dans leur alimentation par le miel, par prévention, lors qu’un membre de la famille est déjà atteint par le diabète. Et surtout que le miel ne putréfie jamais », rassure Simon. Le miel, on peut le garder aussi longtemps que l’on peut sans s’inquiéter de sa détérioration. La clientèle de Simon est diversifiée, certains clients fidèles prennent en crédit.
Socialement
Le miel est une source de revenu sure dans lequel il faut former et encourager la jeunesse et autres personnes d’âges différents pour être tant soit peu indépendant de leurs parents. Depuis 2007, Simon est presque indépendant financièrement de ses parents qui lui paient plus que les frais académiques. Tout le reste est à ses propres frais (habillement, frais de stages, frais de syllabi,..).
Simon est le cadet d’une fratrie de 4 frères et 5 Sœurs, il est l’unique qui reste à la maison avec les parents pour prendre soin d’eux dans leurs vieux jours. Tous les autres ayant fondé famille. Il réside au dans la commune Kimemi dans la ville de Butembo, au Nord Kivu de la R.D. Congo.
Simon a des jolis souvenirs avec son apiculture : « en 2007, je me suis acheté un téléphone siemens à une époque où il était réservé à une certaine classe sociale aisée. Quelques temps après, en premier graduat, je me suis acheté une moto comme moyen de déplacement. Aujourd’hui, étudiant en quatrième doctorats, je n’ai jamais eu de souci pour acheter mes supports de cours, réaliser mes travaux pratiques au laboratoire, j’ai un forfait internet mensuel pour mes recherches sur mon smartphone HTC. J’ai deux ordinateurs. Et je n’ai aucun problème avec mes loisirs du week-end “, s’exprime fièrement Katembo Mikombi.
Après le traitement du miel, avec les déchets, la cire qui reste après filtration du miel, mélangé ou pas avec le jus de fruits (mangue, goyave, ananas, maracuja,…), Simon prépare un vin, l’hydromel. Après une fermentation de deux à trois mois, il est prêt à la consommation. Il ne le vend jamais. Il l’offre à ses amis. Etant membres de certaines organisations des jeunes à caractères culturels, les réunions d’évaluation mensuelle bien arrosées se passent chez lui.