Le perroquet gris du Congo crie de nouveau à l’aide. L’exploitation illicite, qui a longtemps caractérisé cet oiseau, semble de nouveau refaire surface.
Il y a un an et demi, rien que pour le cas concret de la RDC, l’espèce est passée de la permission d’exploiter en fonction d’un quota requis à l’interdiction totale d’exploitation. La CITES (Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées d’Extinction), avec ses États membres, ont pris cette décision, dans le but de venir au secours de l’espèce.
Alors qu’on pensait le JACO ou perroquet gris, au bout de ses peines, cette décision censée lui venir en aide jusqu’à nouvel ordre, ne semble pas avoir changé grand-chose sur le marché. Sa commercialisation, qui normalement, devait être dans un stade d’arrêt total, semble se poursuivre inlassablement dans la capitale Kinshasa. Si, en plein centre-ville, on peut remarquer des vendeurs qui exercent leurs activités sans posséder un seul document d’exploitation à titre commercial, un peu plus à l’ouest de la ville, les captures ainsi que les ventes aux exportateurs se poursuivent sans arrêt.
Au centre de l’exploitation illégale du JACO, tous les regards semblent tourner vers les exploitants. Tous les pointent du doigt, car à la question de savoir le comment et le pourquoi de ce trafic pourtant interdit, une seule réponse sur les lèvres, « ce sont les exploitants ».
C’est d’ailleurs l’une des affirmations du Directeur général de l’Institut Congolais de la Conservation de la Nature (ICCN) le Docteur COSMA WILUNGULA, « ce sont les abus de nos amis exploitants qui usent du trafic et de la fraude . Le quota annuel de 5 000 perroquets avant le passage à l’annexe une de la CITES signifiant l’interdiction formelle d’exploitation n’a pas été respecté à cause des abus des exploitants », confie-t-il.
A la base de l’interdiction, nombreux constats de fraude et de trafic illicite pointant du doigt non seulement les exploitants, mais aussi l’organe de gestion de la CITES de la RDC, la Direction de a Conservation de la Nature (la DCN). Cléo MASHINI, Président du Réseau mondial de surveillance du commerce international des espèces de faune et de flore, TRAFFIC, nous parle des faits évidents qui le démontrent. ‘’ les différents Etats parties font périodiquement des rapports et rien qu’en faisant la compilation de ces rapports, on se réalise qu’ils ont déclaré avoir reçu sur leur territoire un nombre x des perroquets qui va au-delà du quota de la RDC rien qu’a compulser les différents rapports, on peut faire ce constat là sans qu’’il ne sois nécessaire de faire des investigations’’ a-t-il expliqué.
La RDC et la CITES, de la signature à la réserve
La CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) est un accord international permettant aux Etats l’ayant ratifié de réglementer juridiquement le commerce des espèces animales et végétales menacées d’extinction. Elle fut signée le 3 mars 1973 par 21 pays et est entrée en vigueur le 1er juillet 1975 et comprend aujourd’hui plus de 183 pays membres dont la RDC qui y a adhéré le 20 juillet 1976, dans le but de préserver ses espèces.
Lorsqu’une espèce est listée sur l’annexe trois de la CITES, cela veut dire qu’un pays membre a, de sa propre initiative, demandé de réguler le commerce afin de les protéger. Leur commercialisation nécessite dans ce cas une autorisation. L’annexe deux par contre place les espèces en danger dont la surexploitation et un commerce déréglé pourraient gravement entraîner leur disparition. Leur exploitation doit se faire selon un quota annuel requis. Et l’annexe une, dans laquelle se retrouve présentement le perroquet gris, et celle qui ne donne aucune possibilité d’exploitation. Ici, le quota est à zéro.
Ainsi, suite à la décision de la CITES de lister le perroquet gris sur cette dernière annexe, la RDC a tenté d’agir pour empêcher l’exécution de l’interdiction de son exploitation, en émettant une réserve telle que le lui concède la Convention.
Maître Jean Claude TSHILUMBAYI, Professeur des relations internationales et du droit international public à l’Université de Kinshasa, nous explique le sens d’une réserve : « Un Etat qui émet une réserve à une Convention internationale soustrait la disposition visée des obligations synallagmatiques qui l’engage avec d’autres Etats. Cette disposition-là s’endort, et l’Etat n’est pas tenu de l’appliquer. Toutefois, les autres Etats parties doivent accepter la réserve parce que dans la coutume, il y a ce qu’on appelle l’objection persistante des Etats à la réserve, avec pour conséquence que malgré la réserve émise, d’autres parties pourraient manifester un refus ».
Mais si la RDC a émis une réserve en son temps, malheureusement aujourd’hui, elle tombe caduque. Les Etats membres à la Convention qui avaient soutenu la démarche de la RDC lors de l’émission de cette réserve, comme le veut la Convention, ne la soutiennent plus. Le DG de l’ICCN, informe que les Emirats arabes et l’Arabie saoudite, les deux pays qui ont soutenu la réserve de la RDC, viennent de désister. ‘’Pour eux, le commerce du perroquet gris de la RDC est anarchique. Il n’y a plus aucun pays qui puisse l’acheter. La réserve tombe caduque et dans ce cas, nous ne sommes pas en droit de soumettre une quelconque exploitation de perroquet gris à un trafic illégal », a- t- il déclaré.
Selon le document intitulé ‘’mise en œuvre de la CITES par les pays de l’espace COMIFAC’’, Commission des Forêts de l’Afrique Centrale, produit par le réseau de surveillance du commerce de la faune et de la flore sauvages, TRAFFIC avec l’autorisation du Secrétariat CITES en 2013, la RDC a adhéré à cette Convention le 20/07/1976 et la Convention y est entrée en vigueur le 18/10/1976. Cet engagement du pays a été motivé par la nécessité de préserver certaines espèces végétales et animales du danger d’extinction qui serait dû à leur surexploitation sous l’angle du commerce international. Ainsi, par cette adhésion suivie de la ratification de la Convention, la RDC s’engager à exercer le commerce international de ces espèces conformément à la ligne directrice de la convention.
Au milieu des exploitants
Considéré par tous comme le socle de l’exploitation illicite du Jaco, nous décidions de les approcher pour en savoir davantage.
Mercredi 16 août 2017, le ciel est nuageux en cette saison sèche, un début d’après-midi sans soleil à Kinshasa, la capitale de la RDC, le climat est plutôt frais. Il est exactement 13h13 quand nous arrivons chez les vendeurs des perroquets gris. Juste en face, une grande route asphaltée les sépare d’un mur d’une couleur blanche mais qui commençait à tendre au gris, et dont la longueur presque sans fin de part et d’autre était difficile à estimer, et la hauteur évaluée à près de 3 m nous empêchait de voir ce qu’il cachait.
C’est la clôture de l’Aérodrome de Ndolo. Coïncidence ou stratégie ? Nous nous sommes demandés. Non, ce n’est pas une coïncidence car l’Aérodrome de Ndolo est l’une des voies de sortie, mieux, un pont par lequel passe les animaux sauvages les plus recherchés, en provenance des forêts de l’ouest du pays, avant d’être exportés.
L’Aérodrome de Ndolo est l’une des voies de sortie des perroquets gris et un pont par lequel passe les animaux sauvages les plus recherchés, en provenance des forêts de l’ouest du pays, avant d’être exportés.
En approchant les vendeurs, rapidement, nous constatons que les perroquets gris ne sont pas les seuls animaux sauvages vendus, nous repérons vite un pangolin, deux tortues, une dinde, des singes et bien d’autres espèces. Seulement, on remarquait facilement que le plus grand espace était réservé au perroquet gris. Il y’en avait plus d’une dizaine. Ils constituent la base même du commerce. Réticents au départ, les vendeurs ont finalement accepté de nous renseigner sur leur commerce après des longues négociations.
« Nous achetons ces perroquets auprès des chasseurs qui proviennent des forêts à l’intérieur du pays, pour ensuite les revendre à nos clients à un prix allant de 50 à 100 dollars américains. Nos clients les achètent souvent pour des buts domestiques, comme animal de compagnie », explique, un des vendeurs, qui nous dit s’appeler Mayoka Nicodem, un homme âgé d’une cinquantaine d’années, de teint clair. Il nous avoue avoir plus de cinq ans dans ce commerce qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille.
Cette activité, qui semble être la seule source des revenus du vendeur, telle qu’il nous l’a présenté, est exercé par lui sans qu’il n’ait en sa possession un seul document, ou permis ni pour les perroquets gris, ni pour les autres animaux sauvages qu’il vendait, comme l’exige la loi.
« Nous n’avons pas encore des documents légaux pour la vente de nos perroquets. Les inspecteurs de l’environnement viennent souvent ici mais tellement que ces documents coûtent cher, environ 200$, nous n’avons pas encore réuni les moyens pour nous en procurer », avoue Mayoka Nicodème
Poursuivant ainsi l’entretien, nous lui posons la question de savoir s’il savait que l’exploitation des perroquets gris était interdite actuellement d’exportation. Comme réponse, le vendeur prétend que tous les perroquets que lui et ses associés rencontrés sur place vendent, ne sont que des perroquets achetés entre les mains des familles qui veulent s’en débarrasser.
Et à lui de nous confier, « les grands exploitants qui se procurent 50 voire plus de perroquets sont tous connus des structures environnementales. Ils ont des permis que le gouvernement lui-même leur a fournis ».
Au même instant, l’un des associés nous hurle exactement ceci : « madame ! C’est quel genre d’enquête que vous faites là ? Vous commencez à poser trop de question. Qu’est-ce que la question sur les documents vient faire là ? ».
Obligés d’interrompre l’entretien vu le malaise qu’il a produit, l’un des vendeurs nous renseigne discrètement sur l’identité d’un exploitant ou plutôt de celui qu’il a appelé le plus grand exploitant des perroquets gris de la ville.
Cette discussion a permis de constater qu’en plein milieu du deuxième semestre, les vendeurs de cette avenue qu’on appelle ‘’poids lourd’’, situé en face de l’Aérodrome de Ndolo ne possèdent aucun permis de commerce d’animaux sauvages, et cela, sous le regard approbateur des Inspecteurs environnementaux qui ne peuvent feindre d’ignorer cette réalité.
Ayant reçu les informations, sur celui que les vendeurs de Ndolo ont appelé ‘’ le plus grand exploitant des perroquets gris’’, nous avons décidé de nous y rendre illico. Nous sommes à présent dans le quartier beau vent, dans la commune de Lingwala. Comme nous l’avait indiqué le vendeur précédent, l’avenue dans laquelle vit le ‘’grand exploitant ‘’ est la même que celle d’un des grands chanteurs de la ville de Kinshasa. Bien que n’ayant pas l’adresse exacte, il ne nous a pas fallu plus d’une minute pour trouver le lieu.
Déjà, au coin de l’avenue, nous pouvions entendre de nos propres oreilles les jabotements des perroquets. Nous n’étions pas les seuls à les entendre, les passants, ainsi que les habitants de l’avenue en ont l’habitude, tel que nous livre le vendeur de crédit pour téléphone portable au coin qui nous a donné le nom exact de l’avenue, il s’agit de « l’avenue de la paix ».
Il est exactement 14h40 lorsque ces cris des perroquets nous amènent directement devant ce grand portail noir. Après quelques petits coups de porte, une jolie demoiselle nous ouvre le portail et nous lui demandions de rencontrer le responsable. Elle nous laisse entrer, et nous installe. Une fois installés, deux sentiments surgirent simultanément en nous, nous étions à la fois éblouis par ce qu’on entendait et préoccupés au sujet du pourquoi on l’attendait, là, maintenant, à cette période d’interdiction totale de l’exploitation du perroquet gris, il s’agit ici bien sûr des cris des perroquets, ces mêmes cris qui nous ont attirés jusque-là. Cette fois, on pouvait exactement voir d’où ils provenaient.
À peu près 5 mètres nous séparaient de ce qui ressemblait à une cage mesurant presque 2 mètres carrés et 1 mètre de hauteur. Couverte par une bâche. Sous cette bâche, on pouvait y entendre jaillir des jabotements des perroquets. Oui, c’est de là que sortaient ces cris. Tout autour, dans cette immense parcelle, on pouvait constater des loges quadrillées par des fils de fer. Comme celle qu’on retrouve dans des marchés pour oiseaux sauvages. Il était difficile pour nous de voir ce qu’il y’avait à l’intérieur, mais l’architecture nous faisait déjà penser à un abri pour oiseaux.
Tout d’un coup, un monsieur, vêtu d’une combinaison comme celle que mettent les menuisiers ou encore les ferrailleurs surgit de nulle part, quelque seconde après, nous apercevons un autre monsieur, élancé de teint clair, vêtu d’un ensemble de veste bleu marine. C’est lui, «le grand exploitant ». Il nous voit et nous demande d’attendre quelques minutes avant de nous recevoir. Et pendant ce temps, il donne quelques instructions au monsieur en combinaison qui lui dit ‘’ j’ai fini de prendre les mesures patron’’ oui, il s’agissait là d’une commande de cage qui pourrait servir à placer les oiseaux.
Puis vint notre tour d’être reçus. Lorsque nous entrions dans son bureau, l’un de ses téléphones sonne. La sonnerie attire notre attention, il s’agit du cri de perroquet. Puis un autre téléphone pour la même sonnerie. Là, nous réalisions que nous avions vraiment affaire à une personne passionnée, accordant une place de choix à son métier d’exploitant.
Il semblerait que nous soyons dans le bureau de la société appelée BYART BIRDS import-export, une société d’exportation d’oiseau sauvage. Nous en avons eu la confirmation lorsque celui que jusque-là, nous avons nommé ‘’le grand exploitant’’ qui en réalité se nommerait Monsieur Martin Byart, nous a remis une carte de visite avec ces informations.
S’abstenant d’émettre tout commentaire au sujet de l’exploitation des perroquets gris, l’exploitant nous a tout de même dit que le lot qu’on entendait chanter chez lui, faisait partie de celui des 1600 perroquets dont les permis avaient déjà été délivrés avant l’interdiction. Chose curieuse puisque ce lot-là aurait déjà été importé depuis 2016 selon ce que dit le document d’examen de proposition d’amendement des annexes une et deux de la dix-septième session de la Conférence des Parties de la CITES qui a eu lieu à Johannesburg, en Afrique du Sud, du 24 septembre au 5 octobre 2016.
A la rencontre d’un des fournisseurs des exploitants
Quelques jours après, exactement le vendredi 8 septembre 2017, nous nous rendions à l’ouest de la capitale, dans la commune appelée Maluku où nous rencontrions un des plus grands fournisseurs de perroquets gris aux exploitants de Kinshasa, étant donné que Maluku est considéré comme l’un des grands dépôts des exploitants. C’est là qu’ils viennent se procurer en grande quantité les perroquets en provenance des forêts du nord et du sud-ouest du pays, au moyen des barges.
A la rencontre d’un des fournisseurs des exploitants
Quelques jours après, exactement le vendredi 8 septembre 2017, nous nous rendions à l’ouest de la capitale, dans la commune appelée Maluku où nous rencontrions un des plus grands fournisseurs de perroquets gris aux exploitants de Kinshasa, étant donné que Maluku est considéré comme l’un des grands dépôts des exploitants. C’est là qu’ils viennent se procurer en grande quantité les perroquets en provenance des forêts du nord et du sud-ouest du pays, au moyen des barges.
BOKULAKAYENDE BONGALA, un monsieur âgé d’environ 70 ans, commerçant des perroquets gris chef de localité Inkene, terre jaune à Maluku, livreur des perroquets gris aux exploitants de Kinshasa, nous révèle qu’en cette période d’interdiction, les demandes des perroquets par les exploitants, restent tout de même présentes bien que l’activité soit devenue timide.
« Aujourd’hui, le commerce du perroquet gris passe par des temps difficiles. Les exploitants ne possèdent aucun document leur permettant d’exercer. Mais malgré cela, les demandes sont quand même présentes. ‘’ Précise le livreur.
Les habitants du coin nous révèlent d’ailleurs que généralement, devant son domicile, à l’heure de la livraison, la quantité des perroquets est telle qu’ils sont parfois obligés de remplir les carrosseries des grands camions.
À l’hôtel où il a l’habitude de recevoir ses clients, on pouvait également remarquer une bonne quantité de maïs abimés. Il nous a avoué être le repas des perroquets pour le prochain lot.
Il explique ici, la chaîne d’exploitation de la capture, à l’exportation.
« Nous avons d’abord des grimpeurs qui placent des colles végétales sur des gros arbres. Ces colles sont des pièges pour perroquets puisqu’au contact avec celles-ci, ils ne savent plus voler. Dès qu’ils les ont capturés, moi je les achète à 10 ou 20 dollars la pièce pour ensuite les revendre aux exploitants de Kinshasa qui généralement me font des commandes allant de 100 à 200 perroquets et eux généralement les vendent à l’étranger ».
BOKULAKAYENDE BONGALA, nous avoue tout de même qu’à ce jour, le marché a sensiblement ralenti vu que la majorité de ses clients, qui sont en majorité exportateurs, ne possèdent plus de documents légal pour l’exportation.
Cet entretien nous révèle donc que malgré la suspension d’exploitation du perroquet gris, les commandes par les exploitants eux, n’ont pas cessé. Mais pour quelle fin ?
Pour comprendre comment est-ce que les exploitants procèdent pour exporter les perroquets gris illicitement, Me Joe KASONGO coordonnateur de l’ONG de droit congolais Juristrale qui œuvre pour la promotion du droit de l’Environnement en Afrique nous parle d’une saisie de perroquets gris qui a eu lieu au niveau de l’Aéroport de Nd’jili.
‘’Dans le cadre d’un projet que nous avons réalisé conjointement avec le service de contrôle de l’aéroport l’organe de contrôle de l’Aéroport a procédé à la saisi de 11 cages des perroquets gris qui étaient déjà prêts à être expédiés en Irak, cargaison affrété en violation de la loi parce que nous n’avions pas de quota qui était déjà à zéro. Aussi la cargaison n’avait pas des documents appropriés pour effectuer cette exportation’’.
Si les exploitants persévèrent dans le trafic illégal, selon le coordonnateur de Juristrale, c’est parce qu’il y’a plusieurs services qui entrent en jeux. ‘’Le commerce illégale se fait tous les jours. C’est en complicité avec tous les services, même ceux en dehors de l’Aéroport. Il y’a les administrations, l’armée, etc. sans pouvoir indexer tel ou tel autre service.’’
Et à lui d’ajouter : ’’ ce commerce rapporte beaucoup. Et il est facile de pouvoir corrompre une personne qui travaille dans tel ou tel poste de contrôle avec une grosse somme d’argent pour faire passer aveuglement des cargaisons. Quand vous allez à l’Aéroport vous allez voir qu’il y a une porosité accrue. Vous remarquerez vous-mêmes qu’il n y a pas de contrôle’’.
Aucun inventaire ne détermine la population du perroquet gris en RDC
La question qui demeure c’est aussi celle de l’estimation de la population des perroquets gris actuellement disponible en RDC. A ce sujet, pas un seul inventaire n’a été fait depuis 1998. D’ailleurs, ceci est l’une des causes majeures ayant fait que tous les ans, le quota du perroquet gris baisse jusqu’à atteindre aujourd’hui zéro. Deux organes sont appelés à réguler le commerce international du perroquet gris en RDC, tel que nous précise le Docteur COSMA WILUNGULA, Directeur Générale de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature, ICCN.
« Notre mission d’autorité scientifique est d’arriver à déterminer le quota annuel des espèces au niveau national et nous collaborons avec l’organe de gestion qui est la Direction de la Conservation de la Nature, DCN dans ce sens que nous mettons à sa disposition le quota et elle établit les permis. Mais avant de les établir, elle est obligée de nous demander l’autorisation afin de savoir si l’espèce peut faire l’objet d’un commerce ».
Sur base de quoi la RDC a, depuis tout ce temps établi un quota annuel des perroquets, si logiquement, pour établir un quota, on est d’abord sensé connaitre la population exacte de l’espèce que l’on prétend protéger ? Ceci a été fait de façon forfaitaire. Puisque selon les exploitants de l’espèce en RDC, l’immensité des forêts est l’une des raisons qui sembleraient faire croire que le perroquet gris du Congo ne courrait aucun danger d’extinction.
‘’La RDC à ce jour ne court aucun danger sur l’exportation du perroquet gris à travers le monde sur base des données de l’ICCN. Seulement, la CITES a demandé aux autorités congolaises de pouvoir prouver cela. Cette démarche qu’avait demandé la CITES n’a jamais été fait jusqu’aujourd’hui’’. Nous a informés, maître Joe KASONGO, Coordonnateur de l’ONG Juristrale.
Face à cette incertitude, était-il prudent de continuer d’exploiter à l’aveuglette les perroquets gris, et cela, sans compter sur les pratiques frauduleuses des exploitants ?
La décision de la CITES, celle d’interdire tout commerce du JACO, serait donc un remède venu à point. Il faut tout de même préciser que, bien avant cette décision, qui aujourd’hui pousse à la fois les exploitants comme les autres acteurs œuvrant dans la conservation en RDC à crier à l’injustice, la RDC a assisté à de nombreuses réunions de la Convention CITES dans lesquelles il lui était demandé d’apporter l’inventaire de la population des perroquets gris du pays. Mais hélas, ceci n’a jamais été fait par le pays.
« Le secrétariat de la CITES nous a demandé de pouvoir mettre en place un inventaire pour déterminer la population du perroquet gris parce que si nous devions prétendre à un nouveau quota, il fallait faire un avis de commerce non préjudiciable pour prétendre à un quota supérieur et ensuite faire un plan de gestion de perroquet gris, ce qui nous aurait aidé à mettre en place une légalité réelle », nous précise le DG de l’ICCN.
Le document d’examen des propositions d’amendement des annexes une et deux de la CITES, informe que le dernier inventaire sur la population du perroquet gris en RDC, a été fait en 1998 et ce, seulement à l’Equateur sur base d’un comptage de perchoir.
Maître Joe KASONGO, nous explique la raison, ‘‘c’est dû au manque des moyens. La RDC est très vaste et l’étude demande des moyens importants. Le perroquet habite en forêt, le DG de l’ICCN a dit qu’il fallait engager des consultants pour pouvoir faire cela. Et l’ICCN est parmi les institutions de l’Etat qui ne perçoivent aucune subvention de l’Etat donc les fonds de l’ICCN proviennent à 90% de l’extérieur. Aucun bailleur n’a pour l’instant manifesté d’intérêt à pouvoir financer l’inventaire de la population des perroquets gris ou pour réaliser pareille étude’’.
Logiquement, lorsque le quota est forfaitaire, les permis le sont également.
De son côté, la CITES, a tiré la sonnette d’alarme sur la circulation des faux permis. Elle a voulu en savoir plus en envoyant une demande à l’organe de gestion, à savoir, la DCN, Direction de la Conservation de la Nature de la RDC, dans le but de vérifier la validité des permis. Les parties ont reçu des réponses jugées par elles, erronées et contradictoires. Bien plus encore, les copies d’un grand nombre des permis étaient invisibles dans les dossiers, telle que nous renseigne la CITES, lors de sa 17ème conférence des parties qui a eu lieu du 24 septembre au 5 octobre 2016 à Johannesburg en Afrique du Sud.
Voulant en savoir d’avantage, nous avons trouvé utile d’approcher la DCN qui, malheureusement, n’a pas pu répondre à nos questions, sous prétexte qu’il s’agissait là d’un dossier sensible.
L’avenir des perroquets gris et aussi de la faune congolaise en danger ?
Depuis 1975, 1, 3million d’exportation des spécimens. Selon la CITES, 40 à 60% des perroquets décèdent avant l’exportation. Le nombre réel des perroquets capturés dans la nature pour l’exportation internationale se situerait entre 2 et 3 millions si l’on comptabilise la mortalité avant l’exportation ainsi que le commerce non déclaré et illégal.
Aujourd’hui, on parle du trafic illégal du perroquet gris, de l’absence d’une étude scientifique déterminant la population de l’espèce. Mais demain, si rien n’est fait pour rectifier le tir, qu’arrivera-t-il donc aux autres espèces fauniques de la RDC ?
Quoiqu’il en soit, toutes les instances à tous les échelons (nationale et internationale) devraient, chacune, dans les limites de leurs compétences, agir en toute transparence, pour éviter un péril hélas certain, si rien n’est fait pour agir en temps utile et sauver cette espèce.
Car en effet, face à une espèce si menacée comme le perroquet gris, il n’y a plus grand risque que de rester immobile, ou d’être complaisant dans l’exercice de ses prérogatives.
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