RDC : la pollution minière à Lubumbashi en pleine lumière

Sorry, this entry is only available in Français. “Dans cette rivière, les poissons ont disparu depuis des lustres, tués par les acides et les rejets des mines”, dit Héritier Maloba en regardant les eaux troubles de la Katapula qui se déversent à ses pieds, en République Démocratique du Congo. Cet affluent du fleuve Congo est […]

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“Dans cette rivière, les poissons ont disparu depuis des lustres, tués par les acides et les rejets des mines”, dit Héritier Maloba en regardant les eaux troubles de la Katapula qui se déversent à ses pieds, en République Démocratique du Congo.

Cet affluent du fleuve Congo est l’un des principaux cours d’eau qui arrosent Lubumbashi, la deuxième ville du pays, où la pollution engendrée par des années d’exploitation minière se fait clairement sentir.

Pour M. Maloba, chômeur de 30 ans, les parties de pêche de son enfance ne sont plus qu’un vague souvenir.

mines

Lubumbashi est l’ex-capitale de l’ancienne province du Katanga, dont les fabuleuses ressources en cuivre ont commencé à être exploitées dès la première moitié du XXe siècle, lors de la colonisation belge.

Totalement exsangue après des années d’incurie gouvernementale sous le régime du dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997) et la deuxième guerre du Congo (1998-2003), l’industrie minière congolaise a progressivement remonté la pente à partir de la fin de ce conflit dévastateur.

De 2010 à 2014, elle a tiré la forte croissance économique enregistrée par la RDC, jusqu’à hisser le Congo au rang de cinquième producteur mondial de cuivre et premier de cobalt, au prix d’une dégradation notable de l’environnement.

« La pollution minière au Katanga (sud-est) est une réalité indéniable », déclare à l’AFP le député Bavon N’Sa Mputu Elima, qui fut ministre de l’Environnement de 2012 à 2014.

Le toxicologue Célestin Banza, professeur à l’Université de Lubumbashi, dresse une longue liste de maladies dues selon lui à la pollution minière : troubles métaboliques et respiratoires, sensations de brûlure aux yeux et à la gorge, tumeurs diverses, malformations congénitales, stérilité…

« Résistance » des entreprises

La population en témoigne. « On a la sensation de suffoquer en respirant », déclare ainsi Viviane Kibwe, mère de quatre enfants.

À Lubumbashi, agglomération de plus de deux millions d’habitants, les sites d’exploitation miniers jouxtent quartiers d’habitations, champs ou écoles.

Selon le Centre Carter, fondation de l’ancien président américain Jimmy Carter qui se bat en RDC pour que l’exploitation minière ne se fasse pas au détriment des droits de l’Homme, « l’ambiguïté » et « plusieurs faiblesses » du Code minier congolais de 2002 en matière de gestion durable des rejets ont favorisé les atteintes à l’environnement.

M. Mputu Elima se souvient de « la résistance » opposée par les entreprises minières à l’avènement du Code de l’environnement de 2009, qui leur impose des obligations renforcées de respect de l’environnement. Il déplore par ailleurs « le manque d’expertise » au sein de l’administration congolaise pour faire respecter ces obligations aux sociétés.

Du côté des entreprises, on assure que la question environnementale est érigée « en règle d’éthique » par les sociétés minières, et qu’avant de se lancer dans une quelconque exploitation, « une étude approuvée de l’impact environnemental est un préalable », selon les mots d’Eric Monga, président de la Fédération des entreprises du Congo de l’ex-Katanga.

Reste que, régulièrement à Lubumbashi, l’atmosphère est chargée de poussière ou de particules.

Dans une enquête sur la pollution de deux quartiers de Lubumbashi menées avec des experts belges et publiée en 2012 par le Centre Carter, le Pr Banza relevait que les concentrations de cobalt, de cuivre, de plomb, voire d’uranium dans les urines, en particulier celles des enfants, « dépassent largement les valeurs de référence admises par l’organisation mondiale de la santé » (OMS).

La mine de Shinkolobwe – d’où a été extrait l’uranium ayant servi à la fabrication de la bombe atomique larguée sur Hiroshima – se trouve à un peu plus de 150 km au nord-ouest de Lubumbashi. Pendant des années, des milliers de personnes y ont travaillé sans la moindre protection.

Oiseaux « disparus »

Le rapport du Pr. Banza, notait aussi une présence anormalement élevée d’uranium dans les eaux stagnantes de divers puits de mines des deux quartiers lushois étudiés.

Interrogé par l’AFP, le Pr Banza a déclaré qu’il s’apprêtait à publier un nouveau rapport de santé publique montrant que le sud de l’ancienne province du Katanga (où se concentre l’activité minière) est beaucoup plus touché par les maladies respiratoires que le nord, principalement agricole.

Le Dr Jean-Marie Kazadi, directeur des services de santé publique pour le Lualaba et le Haut-Katanga (les deux provinces méridionales issues du récent démembrement du Katanga), confirme ces observations.

« Avec mes collègues, nous avons enregistré une recrudescence […] des maladies respiratoires, en particulier auprès des enfants et des femmes », dit-il.

La pollution ne date pas d’hier. A Kipushi, à une trentaine de kilomètres au sud de Lubumbashi, la savane arborée s’efface au profit d’une bande désertique de 3 km2 à l’endroit où se déversaient les rejets acides d’une ancienne exploitation de la société minière publique congolaise (Gécamines).

« Depuis plus de trente ans, plus rien n’a poussé sur cet espace », témoigne Mwalimu Kasongo, enseignant retraité de 76 ans, aux yeux larmoyants, comme la majorité des riverains rencontrés.

L’ex-ministre N’Sa Mputu regrette que certaines espèces d’oiseaux aient « disparu des voisinages ».

Le Pr Banza, lui, déplore que, n’étant pas légalement confrontées aux preuves des conséquences de leurs activités, les sociétés minières « admettent difficilement » leur responsabilité dans la dégradation de l’environnement.

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