“Relâcher en mer une tortue et recevoir en retour de l’argent pour réparer son filet pour un pêcheur, ce, devant un public constitué de touristes ayant payé un pécule pour financer un projet communautaire” : telles sont, entre autres, les différentes démarches de protection des tortues marines au Congo Brazzaville. Ce qui a comme conséquence que ces animaux sont de moins en moins victimes des braconniers et des pêcheurs grâce à un changement positif de comportement par les populations de la côte atlantique.
Depuis une dizaine d’années, celles-ci s’impliquent activement dans la protection de ces espèces animales fragiles et exposées aux diverses actions négatives de l’homme (pêche illégale, braconnage, industrialisation…). Les pêcheurs, les habitants de la ville de Pointe-Noire située sur la côte atlantique du pays, ainsi que ceux des villages situés près du littoral sont sensibilisés à la protection de la biodiversité et surtout participent à protéger les tortues marines, espèces menacées de disparition dans le monde.
Protéger la biodiversité par la participation des populations riveraines
Les pêcheurs relâchent dans l’océan les tortues qu’ils capturent accidentellement dans leurs filets, les populations évitent de commercialiser les carapaces et de consommer de la viande de tortue, une activité touristique est née autour de ces animaux, laquelle permet un tant soit peu de financer quelques projets communautaires… C’est ce qu’on constate dans les villages comme la Pointe-Indienne, Nkoti-Fouta et Bellelo. Cet engagement écologique et cette prise de conscience communautaire résultent des actions d’éducation et de sensibilisation de RENATURA, une ONG association-congolaise spécialisée dans la protection de la biodiversité et plus spécifiquement des tortues marines. Renatura couvre 110 kms sur les 170 kilomètres de la côte congolaise. Les 60km autres sont couverts par WCS. Les eaux marines du Congo, chaque année d’octobre à fin mars abritent 5 espèces de tortues sur les 7 répertoriées dans le monde, à savoir : tortues luths, tortues vertes, tortues imbriquées, tortues olivâtres et tortues caouannes. C’est dire que le littoral congolais constitue un repère important autant pour les tortues qui viennent nidifier sur les plages que pour celles qui sont en migration et qui cherchent à s’alimenter. Par le passé, personne ne s’occupait de leur sort. On en consommait les œufs et la chair si ce n’étaient pas celle-ci et les carapaces qui étaient commercialisées par les riverains sans scrupules. Mais les choses ont changé dans les bourgades au bord de l’océan. Comme en témoigne ce propos de Robert Taty, ancien pêcheur, cité par Syfia : «Nous n’en vendrons plus. Nous n’en consommerons plus. Moi qui en étais friand, j’éprouve maintenant du dégoût à l’idée d’en manger“.
L’homme, responsable de l’extinction des tortues marines
Les tortues marines sont en danger principalement du fait de la méconnaissance de leur situation. Les cinq espèces répertoriées au Congo sont menacées ou en danger d’extinction mais peu de gens au sein de la population congolaise savent cela. C’est pourquoi les pratiques doivent être changées, afin qu’il reste encore des tortues dans le monde dans les prochaines décennies. La pression de l’homme, que ce soit pour récupérer la chair de tortues, les œufs ou encore utiliser les carapaces pour des rites médicaux comme cela se fait dans d’autres pays du Golfe de Guinée, par exemple, est en partie responsable de l’état actuel des populations de tortues. Les activités industrielles également, en modifiant considérablement les écosystèmes et l’environnement de cette espèce vulnérable.
Toutefois, il sera difficile pour Rénatura de maintenir le cap sans financements. Jusque-là elle a pu mener ces actions grâce aux financements qu’elle obtient mais dont elle reste dépendante. Sans cela, l’ONG ne peut survivre et mener ses activités. Un autre point de blocage pourrait être d’ordre politique. Bien que les actions de Rénatura aient été suivies par l’Etat congolais, qui a classé en 2011 les tortues marines comme espèce intégralement protégée par la loi. Ce qui n’empêche pas EVA CHAUVET , Chargée des finances et de l’administration de lancer un message simple et vrai : «Les tortues marines en sont un exemple frappant au vu de leur situation critique. Cependant, ce message ne s’adresse pas uniquement aux Congolais ou aux potentiels braconniers, il est également destiné aux industriels, et de manière générale, à tous ceux qui au Congo sont amenés à utiliser les ressources du pays. La préservation de la biodiversité doit être l’enjeu de chacun d’entre nous ».
Les plages congolaises, repères des tortues marines
Pour pérenniser la nidification, la migration et la consommation des tortues sur les plages congolaises, Renatura mène multiples actions telles que des patrouilles de surveillance des plages, hormis le parc de Conkouati-Douli, afin de lutter contre le braconnage des œufs et des tortues ; la libération des captures accidentelles de tortues dans les filets des pêcheurs traditionnels en partenariat avec les communautés locales ; un programme d’éducation et de sensibilisation à l’environnement dans les écoles de Pointe Noire et auprès du grand public à travers les médias (comme l’émission Natur’info sur Radio MUCODEC) et la tenue des évènements comme le Festival de la biodiversité à Pointe-Noire. En plus, Rénatura participe, avec le Ministère de la pêche, à un programme d’accompagnement pour lutter contre la pêche illégale à travers des patrouilles de surveillance en mer. L’ONG participe également à des études d’impact environnemental et assure un travail régulier de plaidoyer écologique au sein de la société civile congolaise.
De la protection à l’éco-tourisme
Des observateurs indépendants apprécient positivement l’action de Renatura avec les communautés locales. John Ndinga Ngoma, journaliste, constate : « Sur la base des témoignages recueillis aussi bien auprès des riverains qu’à la direction départementale de la pêche, il y a une baisse significative de la déprédation des tortues marines sur notre littoral depuis l’arrivée de Renatura en 2005. En outre, ce qui est intéressant, c’est l’implication des riverains à cette entreprise. Renatura pratique le tourisme communautaire. Ce dernier consiste à libérer les tortues accidentellement capturées devant des touristes à raison de 10.000 francs Cfa. Dans cette somme, 6.000 francs Cfa sont consacrés à la réparation des filets endommagés suite à la capture accidentelle des tortues. Les 4.000 francs Cfa restants sont versés dans une caisse. L’argent collecté sert à exécuter des projets d’intérêt commun (forage, école, dispensaire…) ».
L’une des clés de réussite de la protection des tortues marines se trouve dans la façon dont Rénatura collabore avec les populations locales des villages concernés qui consiste à « faire participer les membres de la communauté dans les actions de protection des tortues ». Ce que Eva Chauvet, Chargée de mission d’éducation à l’environnement et communication dans cette organisation explique : « Renatura a toujours cherché à travailler en lien avec les communautés locales, ainsi, les patrouilleurs sont proposés à l’association par les chefs de village au sein de leur population. Cette caisse est ensuite débloquée pour financer des projets d’intérêt collectif : achat de matériel pédagogique, réfection de bâtiments publics, etc. Cette coopération a permis de valoriser le patrimoine congolais à travers les actions de Rénatura. Même si la collaboration n’est jamais intégralement acquise, certaines communautés observent avec méfiance les activités de terrain, elle fonctionne tout de même globalement bien et efficacement. En bientôt 15 ans de travail, Rénatura a su s’implanter dans le paysage côtier du Congo ».
Bonjour
Je propose que l’ONG travaille avec plusieurs rédactions de journaux congolais afin de mettre en place un réseau national qui aiderait a relayer continuellement ou hebdomadairement ces bonnes informations relatives à la protection de ces espèces marines.