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La Plateforme des Peuples Autochtones des Forêts du Cameroun donne sa position suite au rapport “Intégrer les Droits de L’homme dans la Conservation de la Nature : de l’intention a l’action”, Commissionné par le WWF. 

Le Cameroun est signataire de plusieurs conventions internationales qui visent le respect des droits de l’homme, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; la Déclaration universelle des droits de l’Homme et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Selon ces différents instruments juridiques, les droits des peuples autochtones de forêts doivent être reconnus et respectés.

Par contre dans la pratique, ces droits ne sont pas toujours respectés au Cameroun.

La publication du rapport du Groupe d’experts sur les allégations de violations des droits de l’homme dans le cadre du travail de conservation du WWF, remet à la surface toutes les indignations et violations des droits humains subies par les populations autochtones dans la cadre de la gestion des aires protégées de manière générale.

La gestion des aires protégées sous l’égide du WWF aura été difficile pour nous. Les communautés autochtones des forêts, se retrouvent exclues de leurs terres. Les parcs nationaux et les réserves de faunes ont été établies sur nos terres traditionnelles. Les relations entre le WWF et les communautés autochtones ont longtemps été entachées d’irrégularités et de violations de nos droits humains et coutumiers.

A la lecture du rapport de WWF sur la prise en compte des droits des peuples autochtones dans la conservation, plusieurs points de reproche à WWF sont à relever :

  1. De la réparation des violations orchestrées par le WWF

La plateforme des peuples autochtones des forêts « Gbabandi », condamne de prime à bord toutes les violations multiformes qu’ont subi les communautés autochtones dans le cadre de la gestion de la conservation par le WWF. Les souvenirs demeurent présents dans les mémoires des communautés victimes et les abus continuent à ce jour.

Il est observé qu’à la suite des allégations porté contre WWF relatives aux violations commises sur les communautés autochtones, des recommandations de réparation ont été formulées. Mais dans la pratique, aucune des victimes autochtones qu’elle soit individuelle ou collective présumées n’a obtenu de réparation adéquate ou de dédommagement pour les violations des droits humains subies. En outre, le Groupe d’experts recruté pour mener une enquête parallèle aux allégations contre WWF a conclu que certains des mécanismes de réparation mis en place par le WWF en réponse aux allégations d’abus étaient inadéquats. Malgré l’existence d’un mécanisme de plaintes au sein du Parc de Lobéké, il est à noter que celui-ci n’est pas encore connu de toutes les communautés et présente encore des faiblesses sur le plan opérationnel.

  1. Les impacts sur la vie culturelle des communautés Baka et Bagyéli relevant de l’exclusion des espaces classés en aires protégées

Nous, peuples autochtones, subissons de plus en plus des violations considérables de nos droits humains en raison de la création des aires protégées sur nos terres ancestrales. L’occupation de nos terres coutumières et ancestrales est un facteur considérable de fragilisation de nos vies traditionnelles en lien avec nos terres. Les violences physiques que nous subissons par les écogardes financés par le WWF, présage un futur où la survie de nos cultures et de nos peuples demeure inquiétant. Nous constatons déjà que les communautés Baka vivant autour des aires protégées telles que, le parc national de Lobéké et la réserve de faune de Ngoyla, ont peur d’entrer en forêt, à cause des violences passées et présentes. Et la transmission intergénérationnelle de nos connaissances est en train de se perdre. Il est temps de repenser ce modèle de conservation exclusive qui ne profite de manière pragmatique ni aux générations autochtones présentes, ni à celles du futur.

  1. Notre position en tant que peuples autochtones des forêts relatif au rapport de WWF :

Ayant pris connaissance du rapport publié par WWF sur l’intégration des droits des communautés dans la conservation ;

Vu l’importance de la protection de la nature en faveur des générations actuelles et futures ;

Constatant la volonté du WWF à partir de « l’intention à l’action » pour l’intégration des droits des peuples autochtones dans la conservation ;

Reconnaissant les différents engagements pris par WWF dans son rapport ;

Conscients des enjeux liés à la conservation ;

Nous, Peuples Autochtones des forêts restons ouverts à tout dialogue pour une meilleure prise en compte de nos droits dans la gestion des aires protégées.

Toutefois, nous adressons ces recommandations au WWF :

  • Qu’une lettre publique d’excuses adressée aux communautés autochtones soit initiée par le WWF en 2021 pour réparation du préjudice moral commis aux communautés autochtones des forêts du Cameroun ;
  • Qu’une procédure effective et immédiate de restitution des terres coutumières des peuples autochtones ayant été arbitrairement intégrées dans les espaces d’aires protégées soit déclenchée sous la diligence de WWF;
  • Qu’il y-ait une amélioration dans les pratiques de conservation actuelles excluant et nuisant au bien-être des peuples autochtones ;
  • Que les politiques de conservation mettent l’humain au centre de la gestion participative des aires protégées ;
  • Qu’un nouveau paradigme de la gestion des ressources naturelles dans la conservation intègre effectivement la valorisation nos connaissances traditionnelles et les produits forestiers non ligneux ;
  • Que notre identité de gardien de la forêt soit considérée à sa juste valeur et que notre rôle dans la conservation contribue à la pérennisation de nos savoirs ;
  • Qu’une enquête approfondie et indépendante sur les abus de droits de l’homme dans toutes les aires protégées ou le WWF opère au Cameroun, soit menée en vue de la réparation des préjudices commis aux communautés ;
  • Que le poste de « Indigenous Peoples Officer » crée au sein du WWF soit occupé par un autochtone ;
  • Que les PACL soient formellement recrutés au sein du WWF ;
  • Qu’il y-ait un cadre fonctionnel et accessible (gratuit) de règlement de conflits entre WWF/MINFOF et les peuples autochtones pour toutes les aires protégées ou le WWF a opéré ou opère actuellement ;
  • Que WWF contribue à faire appel aux décisions des tribunaux ayant condamné les peuples autochtones à des peines inéquitables dans les périphériques des aires protégées ;
  • Que le WWF organise un dialogue entre le MINFOF et les PACL vivant autour des aires protégées ;
  • Que le WWF organise la tenue d’une rencontre entre WWF-Cameroun et les leaders autochtones ;
  • Que WWF et le MINFOF (conservateur du parc national de Lobéké) publient et partagent avec les communautés et associations autochtones le code de conduite régissant les rapports entre agents de la conservation et communautés à appliquer autour du parc national de Parc national de Lobéké ;
  • Qu’une mission de consultation et de divulgation du rapport de WWF soit effectuée auprès des communautés autochtones par le biais de la plateforme « Gbabandi » ;
  • Qu’il y-ait une effectivité et une célérité dans la mise en œuvre des activités compensatoires relatives aux restrictions d’accès en forêts ;
  • Qu’il y-ait un comité de suivi des engagements pris par le WWF dans son rapport ;
  • Que la notion d’« accès libre » soit effective dans et autour des aires protégées ;
  • Que les délais de révision des plans d’aménagement autour des aires protégées soient respectés et que les avis des PACL soient pris en compte ;
  • Que le consentement libre informé et préalable (CLIP) soit un principe inviolable dans tous les projets de conservation impliquant les PACL

ABONG-MBANG, le 29 Décembre 2020                

LES MEMBRES DE LA PLATEFORME DES PEUPLES AUTOCHTONES DES FORETS « Gbabandi »

 Signataires:

ABAGUENI

ABWONI

ADEBAKA

ADEPA

ARBO

ASBAK

ASBABUK

ASBANGO

CADDAP

OKANI

 

 

  • Ceci est une note de position. Les points de vue qui y sont exprimés sont ceux des auteurs et non d’InfoCongo.

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