Au moins 50 personnes tuées en 2017 dans l’exploitation minière artisanale.
Arrondissement de Ngoura, à l’Est du Cameroun. Un début d’année 2018 dans l’émoi pour les habitants de la localité de Ngoengoe. Ils ont perdu neuf membres de la communauté dans la nuit du 30 Décembre 2017, tous morts dans le trou d’un site minier abandonné. De sources officielles, ces personnes ont été surprises par un éboulement, alors qu’elles cherchaient de l’or dans le trou abandonné par lasociété Chinoise d’exploitation minière LU et Lang.
De pareils décès, l’arrondissement de Ngoura situé dans le département du Lom Et Djerem en a connu au total 17 pour la seule année 2017. Et une mission de l’Ong Foder dans le département, entre le 25 et le 29 Janvier 2018, a permis de recenser 7 nouveaux corps. Et Ngoura n’est pas seul dans cette situation à l’Est du Cameroun.
Regroupant environ 802 mille âmes, sur plus de 23 millions d’habitants que compte le Cameroun, l’Est fait partie des régions les moins peuplées du pays. Pourtant, presque chaque mois de grands trous béants non refermés par des sociétés minières déciment des populations. Selon l’Ong Forêts et Développement Rural (FODER), ces trous miniers ont tués 43 personnes en 10 mois dans deux départements de l’Est Cameroun. Le Lom Et Djerem, département le plus peuplé de la région, avec une population estimée à plus de 275 mille âmes par le Bureau Central des Recensements et des Etudes de Population (BUCREP), enregistre 23 morts en 10 mois, dont 17 décès dans l’arrondissement de Ngoura et 6 à Bétaré Oya. Peuplée de plus de 180 mille habitants, le département de la Kadey quant à lui a perdu 20 personnes dans ces trous miniers notamment dans l’arrondissement de Batouri.
Mourir pour de l’or
La ruée vers l’or représente l’un des facteurs des nombreux décès. « L’abandon des trous par les entreprises minières et leur exploitation par les populations riveraines représentent les deux principales causes de ces accidents mortels », déclare Justin Landry Chekoua, Chef du Projet Mines Environnement, Santé et Société (ProMESS) à FODER. Selon l’Institut National de la Statistique du Cameroun, dans cette vaste région forestière très enclavée, 30% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et le taux de scolarité au primaire s’élève à 84%. Dans un tel contexte, les populations se tournent vers les activités artisanales et informelles pour leur survie.
Les trous miniers non réhabilités se présentent donc comme une aubaine, aux dires du préfet du département du Lom Et Djerem. « Les populations se réjouissent même parfois de voir ces trous miniers abandonnés. Car dès que l’exploitant tourne le dos, les orpailleurs se ruent vers les trous béants.», affirme Yves Bertrand Awounfack Alienou. Une réaction justifiée par le fait que, « ces trous ouverts sont l’opportunité d’accéder plus facilement à la ressource, difficile d’accès lorsque les populations doivent creuser elles-mêmes avec leurs outils rudimentaires. Or, les excavations laissées par les exploitants, qui utilisent des engins, sont plus facilement accessibles bien que pas sécurisées », note Justin Chekoua, Chef du projet ProMESS à FODER.
L’exploitation artisanale sur ces sites comporte en réalité de nombreux risques, car les populations ne prennent aucune mesure de sécurité pour y travailler. Dans la quasi-totalité de ces sites miniers non réhabilités, hommes, femmes et enfants de la localité sont à l’œuvre sans équipement de protection individuelle, ni mesure de sécurisation du site.
Comme matériel de travail, ils détiennent des pioches, cuvettes, seaux, tapis, grande caisse et pompe à eau. Les plus robustes descendent au fond des trous béants pour y ramasser de la boue. D’autres lavent la boue pleine de gravier, pour y extraire de l’or. Et, « lorsque surviennent des éboulements de terrain, des décès s’enregistrent presque toujours. Mais, ces décès ne les découragent pas, car pour plusieurs membres de la communauté, un accident est tout simplement la volonté de Dieu», regrette le Chef du Projet ProMESS.
Il faut cependant noter que « les trous abandonnés sont souvent aussi localisés sur le chemin des activités des communautés (champs, rivières, pâturage, écoles…). Ce qui augmente le risque d’accidents lors des passages quotidiens », précise Justin Chekoua.
250 trous miniers à ciel ouvert
Des données pour la période 2016 – 2017 ne sont pas disponibles, mais les statistiques les plus récentes suscitent des interrogations. 250 trous ouverts et non réhabilités ont été répertoriés par l’équipe de FODER, pour la période 2014 – 2016. De vrais cimetières à ciel ouvert laissés par des entreprises d’exploitation artisanale mécanisée.
Les propriétaires de ces entreprises étant pour la majorité, de nationalité chinoise selon FODER. L’Ong déplore que de réelles sanctions administratives n’aient pas suivies après cette dénonciation. « Une seule entreprise a été suspendue par le ministre des Mines de l’Industrie et du Développement Technologique (MINMIDT) ». Il s’agit de Métalicon SA opérant à Batouri, frappée de six mois de sanction. La décision du MINMIDT est tombée en Septembre 2017, quelques jours après le décès d’un enfant de 12 ans noyé dans un trou minier abandonné par ladite entreprise. De plus, les nombreuses plaintes des riverains, relatives décès et destructions de biens causés par ladite entreprise auraient fait pression sur l’autorité administrative.
Des chantiers ont également été scellés. « Toutefois, quand bien même ces décisions sont prises, elles n’ont pas un réel impact sur le changement de comportement de ces entreprises », argue Justin Chekoua. Sur le terrain, des autorités administratives territoriales peinent à réprimer ces entreprises récalcitrantes. « Les entreprises détentrices de permis d’exploitation ont un cahier de charge. Celui-ci précise qui a la responsabilité de refermer les trous après l’exploitation. Lorsque nous les interpellons sur l’obligation de réhabiliter les trous après exploitation, ces entreprises nous nous rétorquent souvent qu’elles ont reversé de l’argent à l’état. Nous ne pouvons passer à la répression, car nos prérogatives ne nous autorisent pas à le faire », déclare le préfet du Lom Et Djerem. L’autorité administrative signale tout de même que des actions de sensibilisations sont souvent menées auprès des entreprises. L’objectif étant de les inciter à se respecter leurs engagements.
Réhabiliter le site, une obligation
A côté des problèmes d’insécurité, la non-réhabilitation des sites miniers affecte aussi le milieu naturel. Entre autre dégâts environnementaux, des spécialistes notent la perte de la qualité du sol, la création de lacs artificiels à haut risque pour les hommes et le bétail en cas de chute, la modification du relief du sol par les monticules de déblais, la modification du réseau hydrographique de la zone ce qui cause d’énormes problèmes d’approvisionnement en eau. Tous ces dégâts peuvent bel et bien être évités, grâce au respect de la réglementation en matière d’exploitation minière, qui prévoit la réhabilitation des sites après exploitation.
Selon la Loi cadre relative à la gestion de l’environnement de 1996 et le Code Minier de 2016, des entreprises d’exploitation artisanale doivent veiller à la protection de l’environnement. L’article 136 du Code Minier Camerounais le précise d’ailleurs « La restauration, la réhabilitation et la fermeture des sites miniers et des carrières incombent à chaque opérateur ». Ces clauses environnementales figurent en bonne place dans le Cahier de Charge des entreprises d’exploitation minière artisanale. Ainsi, avant le début des travaux, l’exploitant doit élaborer une Etude d’Impact Environnementale sommaire qui doit contenir les plans de gestion des déchets, d’intervention d’urgence, de réhabilitation et de fermeture.
De plus, lorsque ce dernier arrive en fin d’occupation du site, il doit remettre le terrain en état. De façon concrète, selon le Code Minier, il s’agit de « permettre aux anciens sites miniers de retrouver des conditions stables de sécurité, de production agro-syvlo-pastorale et d’aspect visuel proche de leur état d’origine ou propice à tout nouvel aménagement durable ».
Sensibiliser, mais sanctionner aussi
Bien que ces dispositions existent, l’application des textes réglementaires reste un défi dans le domaine de l’exploitation minière artisanale au Cameroun. Les populations doivent être éduquées sur les dangers liés à l’exploitation minière dans des sites non sécurisés, mais la justice devrait également sanctionner les entreprises récalcitrantes.
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Merci pour ces données. Merci de nous informer sur ces catastrophes que nous continuons de vivre en Afrique. Toutefois , vous invitez à sensibiliser…
Qui doit mener une telle sensibilisation? Comment la mener face des personnes prêtes à tout risquer pour survivre?