Réduite il y a encore quelques années à la consommation familiale, cette céréale se démarque de plus en plus comme une forte opportunité économique pour les producteurs. D’après les environnementalistes, cette plante joue aussi un rôle majeur dans la préservation de la biodiversité.
A l’origine de cet intérêt pour la production du sorgho, les besoins de plus en plus élevés d’une société brassicole basée à Douala, qui incorpore le sorgho dans la fabrication de ses boissons. D’après Thomas Ngué Bissa, le Coordonnateur national du Projet d’investissement et de développement des marchés agricoles (Pidma) qui promeut l’intensification de cette culture : « la cadence est si forte que nos spécialistes prévoient un doublement de la production dans 2 ans, passant de 1 million à 2 millions de tonnes en 2020 » indique t-il.
Djougui, un village de la Commune de Figuil, situé à une soixantaine de kilomètres de Maroua, est l’un des bassins de production de cette céréale. Dawaye Haman, un agriculteur du coin renseigne : « C’est une plante qui est très adaptée à notre climat, et qui se vend facilement une fois produite car la filière est bien huilée. La disponibilité des semences améliorées mises au point par la recherche nous permet d’avoir des rendements de 4 tonnes de graines à l’hectare. Le sorgho est devenue incontournable pour quiconque veut réaliser de bonnes affaires ».
2000 tonnes de sorgho à 392 millions de F CFA
L’habitat s’est amélioré à Djougui, les producteurs affirment envoyer leurs enfants à l’école et les soigner plus aisément grâce aux gains issus de la culture du sorgho. Certains ont même acheté des motocyclettes pour faciliter leurs déplacements.
Pour Mariam Haman Adama, directrice du Conseil régional des organisations paysannes de la région septentrionale du Cameroun (Cropsec), une coopérative basée à Maroua et qui a signé un partenariat avec la société brassicole : « le sorgho est une chaîne de valeur qui nous permet d’avoir environ 4000 emplois permanents dans notre coopérative », confie-t-elle. Pour accroître sa production de sorgho, le Cropsec a instauré une discipline qui va du choix de la variété jusqu’à la récolte en respectant les normes définies par l’acheteur. Entre mars 2016 et janvier 2017, le Cropsec a vendu 2000 tonnes de sorgho à son partenaire brassicole pour une valeur de 392 millions de FCFA.
L’embellie des prix a également contribué à susciter un réel engouement des producteurs. Le sac de 100 kg de sorgho est passé de 14 000 F CFA à 19 000 F CFA pendant les périodes de récolte. D’après des statistiques du Pidma, près de 300 organisations paysannes sont à pied d’œuvre dans la production du sorgho à l’Extrême-Nord.
Réussir la lutte contre le striga et les moisissures
Mais tout n’est pas rose dans la production du sorgho. La faute tout d’abord à une mauvaise herbe très tenace appelée “striga”. C’est une plante parasite qui constitue un danger important pour la réussite de cette culture. Farikou Ahmadou, producteur à Mokong dans le département du Mayo-Tsanaga près de la ville de Mokolo témoigne : « le striga s’attache aux racines des tiges de sorgho et prélève toutes les substances nutritives, allant jusqu’à empêcher la production des épis. Cette plante adventice peut vous faire perdre toute votre production si vous ne l’éradiquez pas le plus tôt possible. Pour y faire face, j’arrache les plants de striga avant leur floraison et je les brûle. Je choisis aussi de cultiver les variétés de sorgho résistantes au striga comme la S-35 ou la CS-54», affirme t-il.
L’autre équation à résoudre par les producteurs concerne la lutte contre les moisissures qui contaminent les graines et les rendent impropres à la consommation humaine et animale. Pour Saliou Oumarou, lui aussi producteur à Mokong : « il est nécessaire de respecter les bonnes pratiques agricoles au champ. C’est-à-dire, éviter les blessures, les attaques d’insectes, la récolte de grain trop humide lors de la production. Après les récoltes, veiller au bon séchage des épis et faire un tri avant de procéder à l’engrenage et à la mise en sac. Pendant la conservation, stocker les denrées alimentaires dans des endroits secs, et surtout limiter les contacts des aliments avec les animaux domestiques », explique-t-il.
Une aubaine pour l’environnement
L’essor de la culture du sorgho à l’Extrême-Nord est également apprécié et encouragé par ceux qui sont soucieux de la préservation de l’environnement. Pour le Dr Olina Bessala Jean Paul, chercheur à l’Institut de Recherche Agricole pour le Développement (Irad) de Maroua, le sorgho est la céréale qui répond le mieux aux contraintes environnementales du septentrion : « la saison pluvieuse est de plus en plus courte à l’Extrême-Nord et il est question pour les agriculteurs d’adopter les cultures à cycle court. Le sorgho propose justement des variétés de 85 à 90 jours comme la S-35 ou la Zouaye qui donnent entière satisfaction aux producteurs », soutient-il.
L’essor de la culture du sorgho à l’Extrême-Nord est également apprécié et encouragé par ceux qui sont soucieux de la préservation de l’environnement
Des propos auxquels adhèrent Sérafin Tapondjou, un ancien cadre de l’Ong Enviro-Protect également basée à Maroua : « Les besoins en eau du sorgho sont très modérés, c’est une plante qui résiste bien à la sécheresse et qui peut se contenter de seulement 400 mm de précipitations par an. Il a un système racinaire performant qui valorise bien l’eau disponible dans le sol. Le sorgho est également peu gourmand en engrais, comparé à une autre céréale comme le maïs qui en consomme pratiquement le double sur une même surface. C’est une graminée qui s’adapte bien aux sols pauvres », précise t-il.
La culture du sorgho fait donc renaître de l’espoir dans cette partie du pays, régulièrement en proie à des calamités et catastrophes de toutes sortes.
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