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Face à la persistance du trafic de Kévazingo, le Gabon a annoncé la suspension «à titre conservatoire» de l’exploitation de cette essence naturelle. Une mesure qui devrait cependant s’accompagner d’un suivi rigoureux sur le terrain.    

C’est un message fort adressé aux trafiquants de l’exploitation de Kévazingo au Gabon. Dans un communiqué publié le 30 novembre 2015, Mme Flore Mistoul Yame, le ministre de la Protection de l’Environnement et des Ressources naturelles a annoncé la prise de l’arrêté n°347/MPERNFM/CAB du 24 novembre 2015 portant suspension à titre conservatoire de l’exploitation de Kévazingo, conformément à l’article 67 du Code forestier. «Tout acte antérieur, contraire aux dispositions dudit arrêté, est nul et sans effet», a déclaré Mme Mistoul Yame.

Une décision consécutive aux nombreuses sollicitations des usagers ainsi qu’aux rapports d’activité, qui l’ont amenée à réaliser l’ampleur de l’exploitation forestière illégale, mais surtout un acharnement sur le kévazingo. «Ces pratiques, contraires aux principes de gestion durable, se sont amplifiées avec la prolifération des autorisations de récupération de bois dits abandonnés, avec l’implication des agents des Eaux et forêts, des opérateurs économiques véreux ainsi que des communautés villageoises», a-t-elle déploré, réaffirmant sa détermination à lutter contre l’exploitation forestière illégale et le braconnage.

«Sur la base d’une convention tripartite, nous procédons actuellement à la mise en place et l’opérationnalisation des brigades mobiles de contrôle multidisciplinaires sur toute l’étendue du territoire national», a annoncé la ministre Flore Mistoul Yame. Début novembre dernier, le ministère en charge des Forêts a été éclaboussé par l’arrestation d’une trentaine de personnes, dont deux cadres administratifs impliqués dans le trafic de Kévazingo dans la province de l’Ogooué-Ivindo. S’agissant de ces interpellations, Flore Mistoul Yame a dit laisser la justice poursuivre son enquête et tout mettre en œuvre pour assurer la continuité du service public. Une réaction du gouvernement largement commentée et saluée sur le plan local notamment, par l’ONG Conservation Justice.

Cette dernière félicite notamment les autorités judiciaires et ministère en charge des Forêts pour leur engagement dans cette lutte. «Après des opérations initiées à Makokou (situé dans la province d’Ogooué-Ivindo, NDLR) par le procureur de la République, le récent tribunal spécial national a initié des arrestations de hauts cadres de l’administration des Eaux et Forêts à Libreville», a lancé un responsable de l’organisation. De même, a-t-il poursuivi, «madame le ministre et monsieur le ministre délégué du ministère de la Protection de l’Environnement et des Ressources naturelles ont lancé des initiatives courageuses et louables telles que la suspension de l’exploitation du Kévazingo, le renforcement du dispositif de contrôle et de surveillance et une tolérance zéro contre les complicités éventuelles au sein de l’administration».

«Cette initiative est fort louable et la décision n’est pas mauvaise en ce sens ou l’espèce qu’est le Kévazingo pourra se reproduire et repeuplé nos forêts, son extinction était déjà proche mais avec cette décision a titre conservatoire tout reviendra dans l’ordre», a déclaré un membre de la société civile. Car, a affirmé ce dernier, c’en était trop !

Pour rappel, le Kévazingo est une des essences célèbres du Gabon (et du Cameroun), tout comme l’Okoumé, mais contrairement à celui-ci, qui est peu cher en raison de son abondance, le «Keva» est rare et met des années à arriver à maturité. De couleur rouge, noire ou marron, ce bois est particulièrement prisé par les Asiatiques, notamment les japonais et les chinois, ces derniers étant les principaux acteurs de son trafic. Très dur et dense, il est utilisé pour fabriquer des meubles chics (chaises, tables) ou encore des cloches en bois et est apprécié pour ses veines apparentes, qui font de jolis dessins, souligne un connaisseur.

Son prix? Parfois, astronomique par rapport aux autres essences. Pour du Kévazingo de gros diamètre vendu en un seul bloc, le mètre cube peut atteindre 1 à 2 millions de francs CFA à Libreville. La moyenne se situe entre 180 000 et 400 000 francs CFA le mètre cube. Cette forte demande a fait exploser l’exploitation illégale dont s’inquiétait déjà à l’époque Conservation Justice. De sources concordantes, l’ensemble du trafic se chiffre en millions d’euros, soit un gros manque à gagner pour l’Etat gabonais. Un trafic d’autant plus conforté que le Kévazingo à l’état non transformé est très prisé à l’extérieur.

Dans tous les cas, cette décision du gouvernement est salutaire. Toutefois, préviennent certains observateurs, les autorités compétentes devront redoubler de vigilance car cette décision va certainement faire exploser le prix de l’essence forestière et par conséquent, intensifier le trafic. Vigilance qui passe nécessairement, entre autres, par le renforcement urgent de l’arsenal juridique autour de cette question…et partant celle du braconnage.

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