En République démocratique du Congo (RDC), les perspectives sur le cobalt suscitent beaucoup d’enthousiasmes et de promesses de développement parmi les dirigeants. Depuis 2017, en effet, le pays assiste à l’explosion, sur le marché mondial, des cours de ce minerai « critique » dont 66% des réserves mondiales logent sous les sols du Katanga, plus au sud. Ressource d’autant plus importante qu’elle est aujourd’hui au cœur des technologies de la transition énergétique. Seulement, certains discours se révèlent « trop optimistes », constatent des analystes à Lubumbashi.
Début novembre, alors que le parlement révisait la loi minière congolaise, le porte-parole du gouvernement, le ministre Lambert Mende, dénonçait « une avalanche de pressions extérieures » sur le processus électoral congolais, en panne depuis 2016. Une résultante, selon lui, de la « convoitise » que suscitent les ressources naturelles stratégiques. « Après le caoutchouc, déclarait-il dans une conférence de presse à Kinshasa, le cuivre et le coltan, respectivement, ce sont nos réserves de cobalt qui nous valent ces intrusions malveillantes ».
Explosion de l’exploitation du cobalt
A Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), tout comme à Kolwezi et à Lubumbashi dans le sud-est du pays, où le cobalt est exploité, fait rêver d’un nouveau décollage économique du pays. Les autorités espèrent percevoir plus de taxes sur ce minerai de plus en plus important. La tonne du cobalt, fin mars 2018, s’est négociée jusqu’à 94.800 USD, d’après le site Metal Radar.
En prévoyant de déclarer « minerais stratégique » des ressources minérales importantes du Congo, dans le code minier révisé et promulgué début mars, le parlement a renforcé l’engouement autour du cobalt. Sur le plan économique, cette classification induit l’accroissement de la valeur taxale ou fiscale, avec un taux d’imposition pour le cobalt, pouvant aller jusqu’à 10%. C’est au grand dam de 7 grandes sociétés minières qui ont demandé au président Kabila des ajustements, aussitôt la révision loi minière achevée.
Démarche congolaise « justifiée », d’après plusieurs activistes de la société civile œuvrant dans le secteur minier. Puisque les exportations de cobalt sont passées de 26.168 tonnes en 2007, au démarrage du boom minier katangais, à 148.000 tonnes en 2015, d’après la British Geological Survey.
Le cobalt, pour stocker de l’électricité
Pourtant, dans la durée, cette embellie du marché du cobalt pourrait ne pas tenir longtemps, de l’avis des analystes locaux, à Lubumbashi. Cela, à cause d’au moins trois facteurs majeurs : économiques, technologiques et stratégiques et environnementaux. « Le boom actuel est tiré par le fait que les gens réalisent que la fin du pétrole est proche, explique Jean-Paul Katond, docteur en électricité et enseignant à l’Université de Lubumbashi. Comme la fin du pétrole approche, la meilleure solution actuellement c’est de pouvoir conserver l’énergie. Conserver de l’énergie au travers des batteries qui vont utiliser le cobalt ».
Déjà, des recherches portent sur d’autres moyens de stockage d’énergie, en plus du cobalt. « Il y a des chercheurs qui sont en train de développer des alternatives, explique Arthur Kaniki, géologue et professeur à l’Université de Lubumbashi. Aussi bien en termes de métaux, ou en termes de technologies. A mon avis, on doit faire attention », prévient-il. Le géologue, explique en effet, qu’avant le pétrole, le monde s’est détourné d’autres technologies : la pierre taillée, le charbon trop controversé aujourd’hui à cause de son empreinte carbone très élevée.
S’il a amélioré sa valeur marchande et environnementale, c’est surtout parce que le cobalt, reste à ce jour le meilleur métal facilitant de stocker l’électricité. La Banque mondiale, par exemple, vient de lancer un projet de 4 milliards de dollars en appui à la recherche scientifique pour trouver les moyens moins chers de pouvoir réaliser ce stockage, et faciliter l’accès des masses à de l’énergie verte. Ce qui, pour le Congo qui classe « minerai stratégique » le cobalt, pourrait assister à la chute du cobalt.
Et si on dépassait le cobalt ?
Autrement dit, pour la Banque mondiale, les technologies de la transition énergétique recourant aujourd’hui au cobalt, –le solaire, l’éolien, etc.–, coûtent très cher pour la majeure partie des populations, surtout dans les pays en développement. C’est en fait, en partie, tributaire du coût de production des matériaux de base, parmi lesquels le cobalt dont la production d’une tonne avoisinerait les 20.000 et 25.000 USD.
Qui plus est, constate le géologue Arthur Kaniki, parlant de la RDC, « nos stratégies actuelles [autour du cobalt, Ndlr], nous les prenons sans avoir les commandes de la situation. » Puisque la RDC ne contrôle pas les prix du minerai qu’il vend en plaques métalliques. Elle ne sait pas non plus en influencer la demande, les mines productrices de cobalt étant détenues en majorité par des sociétés étrangères, chinoises pour la plupart.
Bien plus, le Congo ne participe qu’à titre indirect à la production des technologies de la transition énergétique malgré le fait d’être grande productrice de la ressource dont elle détient, par ailleurs, les 3 quarts des réserves mondiales (3,4 millions des tonnes, selon la U.S. Geological survey, Mineral commodity Summaries de janvier 2017).
Un cobalt controversé, pour des technologies « vertes »
Des chercheurs, dans les pays développés, testent déjà des technologies alternatives à celles intégrant le cobalt. « La recherche tend à l’utilisation du nickel, du manganèse, du vanadium et du sodium, parmi les plus les pistes sérieuses, pour la conservation des énergies dans les batteries. Mais à ce jour, les meilleures performances des batteries sont détenues par les batteries au lithium qui utilisent els cobalt », explique le chercheur en énergies Jean-Paul Katond.
L’après le cobalt en RDC, ne se pose pourtant pas encore de façon à résoudre des urgences corrélatives à l’exploitation. Certes, le parlement a renforcé notamment la responsabilité sociétale des entreprises, pour les obliger à atténuer davantage l’impact environnemental de leur exploitation. Mais aussi, la loi contraint les miniers à plus de transparence, en termes de certification de la chaîne de production des minerais congolais.
Un processus à travers lequel le Congo s’est engagé à sortir femmes et enfants des carrières minières artisanales. Une présence plusieurs fois dénoncée par des organisations de la société civile dont Afrewatch, ou encore Amnesty International. Des efforts ont certes commencé, notamment dans le Lualaba où opèrent, d’après les chiffres officiels, 130.000 creuseurs artisanaux. Mais il reste encore à sécuriser ces personnes, qui généralement travaillent sous la terre sans la moindre protection.
Des sociétés comme Microsoft, Apple, Lenovo, etc., ont été interpellées sur la nécessité de s’assurer des sources « propres » des minerais qui entrent dans la fabrication d’ordinateurs et téléphones qu’ils produisent et vendent. La campagne internationale, qui a à un moment parlé de « cobalt de sang », puisque produit dans des conditions ne respectant pas les droits humains, s’est révélée capable de nuire à la valeur marchande du minerai.
Demain, le cobalt
Les projections les plus optimistes, dans la décennie à venir, annoncent encore une montée de la valeur du cobalt. « Les projections les plus optimistes misent sur le triplement de la demande des batteries au lithium d’ici à 2024 » explique Jean-Paul Katond. Cela indique, par la même occasion, que les réserves congolaises baisseront, on ignore encore quand précisément.
Ce sur quoi la 3e conférence minière de Kolwezi, en septembre 2018, a recommandé au gouvernement de créer une zone de transformation économique du cobalt, de sorte qu’il soit possible de raffiner au Congo le cobalt, et d’y construire des technologies des plus en vogue dans le monde. Mais cela semble, à considérer la situation économique et l’attribution des carrés miniers aujourd’hui, beaucoup plus futuriste.
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