Exportation de grume: le Cameroun à l’épreuve de la forte demande asiatique

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Malgré l’interdiction partielle d’exportation de bois sous forme de grumes, le Cameroun fait partie des cinq principaux pays Africains fournisseurs du bois sous forme de grume à la Chine.

L’interdiction d’exportation du bois sous forme de grume apparaît dès 1906 au Canada. Plusieurs pays s’inscrivent dans cette dynamique afin de protéger leurs forêts et renforcer leur industrie nationale. Certains décident de l’interdiction totale d’exportation du bois sous forme de grumes, d’autres optent pour une interdiction partielle.

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Le Cameroun rejoint le mouvement le 13 octobre 1999. Un décret du premier ministre fixant les modalités de l’exportation du bois sous forme de grumes repartit les essences forestières en deux groupes: celles dont l’exportation est interdite sous forme de grumes et les essences de promotion de « 1ère et 2ème catégorie », qui bénéficient d’une autorisation d’exportation sous forme de grumes.

Ces mesures ne freinent pas les investisseurs Chinois. Dans les années 2000, le gouvernement Chinois impulse la stratégie « Going global » encore appelée « Going Out Policy » pour inciter ses ressortissants à investir à l’étranger. Ces entrepreneurs sont notamment encouragés à s’intéresser aux ressources naturelles capables de contribuer au développement. Dans le même sillage, le pays fait face à une forte déforestation et ne compte plus que 18% du pays boisé. L’exploitation forestière est interdite dans 17 provinces et des programmes de reboisement sont lancés dans le pays. Bien que cette politique ait contribué à l’augmentation de ses ressources forestières, la Chine peine à satisfaire la demande intérieure et extérieure en bois. Les investisseurs se ruent donc vers les marchés Africains à la recherche de bois.

En Afrique, le Cameroun est dans le top 5 des principaux fournisseurs de bois sous forme de Grume à la Chine. Sur trois millions sept cent mille m3 de bois sous forme de grumes importées d’Afrique en 2016 – évaluées à plus de 1,5 milliard de dollars américains – 60% provenaient d’Afrique centrale, notamment du Bassin du Congo, la 2ème plus grande forêt du monde. Selon l’étude de Forest Trends, entre 2001 et 2015, la part des exportations de bois sous forme de grumes du Cameroun et de la République du Congo a fortement augmenté. En 2015, ces deux pays détenaient 68% de toutes les exportations de bois sous forme de grume du Bassin du Congo vers la Chine, soit respectivement 38% et 30% chacun. Pourtant entre 1994 et 2000, le Gabon raflait 80% de ces exportations et le Cameroun 18%.

Parmi les pays ayant interdit de façon totale ou partielle l’exportation du bois sous forme de grumes, les huit pays Africains dénombrés représentaient 27% du volume total des importations de grumes en Chine de 2005 à 2016. Pour cette catégorie, en Afrique, le Cameroun est le deuxième fournisseur de bois sous forme de grume à la Chine de 2011 à 2016. Comment obliger les investisseurs à transformer le bois avant l’exportation ?

Augmenter la taxe pour dissuader

Le gouvernement multiplie des stratégies. Pour preuve, en deux exercices budgétaires successifs, les parlementaires camerounais ont voté pour l’augmentation de la taxe à l’exportation du bois sous forme de grumes. La loi de finance 2018 stipule que « les bois exportés en grume sont soumis à un prélèvement au taux de 30% de la valeur imposable de chaque essence ». En 2017, cette taxe était de 20%, contre 17,5% en 1999. En attendant les retombées de ces mesures, les récentes statistiques montrent que le marché des grumes se porte bien.

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Sur plus de 9 millions de m3 de grumes et sciages exporté au Cameroun de 2009 et 2016, les grumes représentent 54% et les sciages 45%. La COMCAM, la banque de données sur la Commercialisation des bois Camerounais, évalue à plus de cinq millions le volume de grumes exporté durant cette période. Le géant asiatique rafle 60% de ces exportations, avec plus de 3 millions de m3 de grumes exportés vers la Chine en 8 ans. Cette position de leader, elle l’occupe depuis plus d’une décennie comme mentionne l‘étude sur « Les flux et les circuits de commercialisation du bois : le cas du Cameroun » publié en 2016 par l’ONG TRAFFIC. La suprématie Chinoise se ressent aussi au niveau des concessions forestières.

D’après l’annuaire statistique 2015 de l’Institut National de la Statistique (INS), le Cameroun comptait 106 UFA reparties sur plus de 6 millions d’hectares de forêt en 2014, soit 14% de la superficie totale du pays. Dans le cadre du « Projet Gouvernance Forestière Chine-Afrique » toujours en 2015, William Armand Mala et Joseph Mougou ont publié des résultats d’une étude montrant que sur les 106 UFA en activité, 9 ont des capitaux totalement ou partiellement Chinois. Ces concessions couvrent plus de six cent mille hectares de forêt sur six millions d’hectares de concessions forestières que compte le Cameroun.

Un rapport du Centre de recherche forestière internationale(CIFOR) paru en 2013 donne plus de précisions sur les propriétaires desdites concessions. En 1997, indique l’étude, « une société privée Chinoise basée à Hong Kong a racheté une entreprise Française ainsi que ses filiales opérant dans le secteur forestier au Cameroun ». Il s’agit en l’occurrence du groupe Vicwood-Thanry dont les six filiales possèdent neuf Unités Forestières d’Aménagement (UFA) couvrant près de 10% de la superficie totale des concessions forestières du pays.

Des intermédiaires et des prête-noms

D’autres investisseurs Chinois sont spécialisés dans l’achat du bois en forêt. Ils se dirigent le plus souvent vers des propriétaires de Vente de Coupe et « sont considérés comme les plus dangereux, en raison du caractère parfois illégal de leurs activités », affirme Eric Essomba, Représentant Bassin du Congo d’Environmental Investigation Agency. Une troisième catégorie est spécialisée dans l’exportation du bois. Mais, « On voit de moins en moins ces investisseurs Chinois. Ils essaient de se dédouaner en trouvant des Camerounais qui peuvent être la face visible de leur affaire », ajoute Eric Essomba.

Qu’il s’agisse des relations avec des autorités ou des entrepreneurs, de nombreux investisseurs Chinois se font représenter par des Camerounais. Consultante auprès des entreprises forestières depuis une dizaine d’année, Florence Lissouck n’a pas encore interagit directement avec un investisseur de nationalité Chinoise. « Je travaille souvent avec des entreprises à capitaux Chinois, mais je ne rencontre que des intermédiaires », déclare Florence. Ces derniers interviennent même pour des procédures douanières liées à l’exportation. En raison des barrières linguistiques, « des investisseurs Chinois envoient très souvent un intermédiaire, de nationalité Camerounaise, pour ces transactions », affirme Dorcas Heuzoue, Déclarant en Douane.

Seulement, cette situation n’est pas sans conséquences, argue le Délégué Régional du Ministère de l’environnement et du Développement Durable. « Au lieu de les conseiller sur le respect de la réglementation, ces partenaires locaux encouragent beaucoup plus les investisseurs Chinois à s’implanter ». Dans la région du Littoral, certains investisseurs Chinois détiennent des scieries dans les départements du Wouri et de la Dibamba. Les scieries étant assujetties à une évaluation environnementale, de nombreux investisseurs Chinois essaient de contourner la réglementation. « Quand les chinois arrivent avec un projet, ils ont tendance à s’installer directement sans se conformer à la réglementation. Nous découvrons des scieries appartenant aux investisseurs Chinois parfois durant nos prospections ou à partir des dénonciations faites par les populations, victimes des nuisances causées par ces scieries. Dès que nous localisons ces scieries, nous rappelons à l’ordre les propriétaires à travers la délivrance d’un procès-verbal de constatation de l’infraction, des convocations administratives. Nous les sommons de réaliser l’audit environnemental et social si elles y sont assujetties », déclare SIDI Baré, Délégué régional du ministère de l’environnement pour le Littoral.

Pour sortir le bois du Cameroun, certains investisseurs Chinois font parfois recours à des prête-noms. D’après la loi, « tout exportateur de bois doit être inscrit dans le fichier des exportateurs pour l’année en cours et avoir une carte de contribuable ». Entre autres pièces requises : certificat de commerce, carte de contribuable, quitus fiscal, registre de commerce de l’année en cours. Il se trouve que plusieurs investisseurs Chinois ne peuvent pas remplir cette condition. Ils se dirigent vers des commissionnaires agréés en douane (C.A.D). « Plusieurs entrepreneurs Camerounais remplissant les conditions légales exportent le bois pour le compte de leurs clients Chinois. La marchandise est exportée au nom d’un Camerounais et son nom figure également sur le BL ou Bill of lading », confie ce camerounais qui travaille depuis bientôt trois ans aux côtés d’un investisseur Chinois.

La montée en puissance du Vietnam

Dans le classement des exportations de grumes par destination, la Chine pourrait perdre sa place de leader au Cameroun. L’analyse des données de COMCAM démontre que la Chine perd peu à peu sa suprématie. Evalué à 64% du volume total de grume exporté du Cameroun en 2009, le pourcentage de grume exporté vers la Chine représente 53% du volume total des exportations de grume du Cameroun en 2016, soit une baisse d’environ 10%. La Chine perd ainsi des parts de marché depuis 2015. La destination Chine passe de 64% du volume total de grume exporté au Cameroun en 2014 à respectivement 52% et 53% en 2015 et 2016.

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Le Vietnam, bien qu’engagé dans le processus APV-Flegt avec l’Union Européenne pour améliorer la gouvernance forestière, est aujourd’hui le deuxième pays sur la liste des principales destinations des grumes du Cameroun. En 2016, le volume total de grume exporté vers le Vietnam dépasse 31%. Il représentait 20% du volume total de grumes exporté du Cameroun en 2009, soit une augmentation de 11% en huit ans. Ce pourcentage connaît une constante croissance depuis six ans, passant tour à tour de 19% à 31% entre 2011 à 2016.

A ce rythme, si l’augmentation des taxes ne le freine pas, le Vietnam risque d’être le premier importateur de grumes au Cameroun dans les prochaines années. Le Gouvernement Camerounais devrait alors revoir ses stratégies pour encourager la transformation locale du bois.

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