En Campagne dans le Bassin du Congo, Greenpeace Afrique veut sauver les forêts en péril

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Depuis le 13 Octobre 2017, l’Esperanza recueille les vœux des populations le long des côtes de l’Afrique Centrale.

16 Octobre 2017, le bateau Esperanza passe ses dernières heures au Port Autonome de Douala (PAD), l’une des portes d’entrée maritime du Cameroun. C’est le premier arrêt de la campagne que mène l’organisation internationale Greenpeace pour sauvegarder le Bassin du Congo, considéré comme le Poumon de l’Afrique.

Déjà 4 jours que l’Esperanza séjourne au PAD. Des visiteurs affluent pour découvrir «l’arbre à souhait ». Un arbre dépourvu de feuilles, à dessein. Selon Penn Tang Tamungang, l’artiste- peintre ayant produit l’objet d’art, cet arbre symbolise l’Etat actuel du Bassin du Congo, qui se vide de ses précieuses ressources forestières. « C’est une façon d’interpeller sur l’urgence de protéger les ressources forestières et fauniques du Bassin du Congo.

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Avec l’arbre, nous remettons des feuilles aux différents visiteurs du bateau. Ils y inscrivent leurs vœux et fixent les feuilles sur les branches de l’arbre », explique le jeune artiste. Il faut préserver cette forêt et cela nécessite l’implication de tous les acteurs. Etudiants, chercheurs, leaders traditionnels, membres de la société civile ou responsables de l’administration, tous participent ainsi à redonner vie à l’arbre et par ricochet à la forêt tropicale d’Afrique Centrale.

Le Bassin du Congo s’étend sur environ 500 mille hectares de superficie terrestre couvre six pays de l’Afrique Centrale: le Cameroun, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la République du Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon.

Cette partie du continent Africain abrite la 2ème plus vaste forêt tropicale du monde après l’Amazonie avec plus de 200 mille hectares de forêt. Seulement, des études comme « La Situation des forêts dans le Bassin Amazonien, le Bassin du Congo et l’Asie du Sud Est » montrent que la superficie forestière du Bassin du Congo connaît de grandes variations au fil des années.

Evaluée à 254 millions d’hectares en 1990, la superficie forestière du Bassin du Congo a chuté à 242 millions d’hectares en 2010. Soit plus de 10 millions d’hectares de forêts perdues en 20ans.  Au Cameroun, 2ème pays du Bassin du Congo le plus touché par la déforestation après la RDC, la superficie des forêts est passée de 22 millions à 19 millions entre 1990 et 2010. Ce qui fait dire au Directeur de programme de Greenpeace Afrique que « La déforestation atteint des proportions critiques et affecte le climat ».

Une forte déforestation due en partie à « l’exploitation illégale du bois et l’agriculture industrielle à grande échelle, qui privent les communautés locales de leurs ressources», s’indigne Sylvie Djacbou, responsable Campagne forêt de l’organisation internationale Greenpeace.

Des terres arrachées

Pour renverser la tendance, l’Ong lance la campagne « Donne une chance à la forêt du Bassin du Congo ». Un peu comme pour dire, « nous voulons que nos ressources naturelles nous soient rétrocédées et que nos terres nous soient remises », laisse entendre Sylvie Djacbou. Au Cameroun, des communautés locales crient à l’accaparement des terres.

C’est le cas dans la région du Littoral avec les populations de Mbongo, riveraines à la première palmeraie de l’Etat, crée en 1969. Emmanuel Elong est né à Mbongo. D’après le quarantenaire, la localité de Mbongo est très affectée par l’accaparement des terres.

« Lorsque l’Etat a déguerpi des habitants de Mbongo en 1969 pour créer sa palmeraie, il avait laissé ces bas-fond à nos parents pour l’aménagement des plantations villageoises. En l’an 2000, après la privatisation partielle de la Société Camerounaise de palmeraie (Socapalm), PALMCAM du groupe SOCFIN, repreneur de Socapalm nous propose de lui céder nos terres moyennant des indemnisations. Mais nous avons refusé. Aujourd’hui, le territoire Mbongo se trouve à l’intérieur de la plantation de Socapalm. On me demande de quitter, sous prétexte que je suis dans Socapalm.», lance avec amertume Emmanuel.

Depuis 2010, des natifs de Mbongo, d’autres riverains des plantations de la Société Camerounaise de palmeraie (Socapalm) et de la Société Africaine forestière et agricole du Cameroun (Safacam) ont fusionné pour créer la Synergie Nationale des Paysans et Riverains du Cameroun (Synaparcam). Environ 47 groupements de villages ainsi engagés dans le plaidoyer pour récupérer leurs terres. En 2015, des manifestations organisées par des riverains de Socapalm paralysent le travail de l’entreprise et obligent l’actionnaire majoritaire à sortir de sa réserve.

Le groupe Socfin, dont le Français Bolloré est l’un des actionnaires, conteste les accusations des communautés. Ce collectif se fait entendre même au-delà des frontières Camerounaises, à travers l’adhésion à l’Alliance internationale des riverains des plantations Bolloré-Socfin. Des Ong ne lâchent pas prise et accablent Bolloré à travers différents rapports.

Le collectif enregistre une petite victoire le 20 juin 2017, date de la signature du décret portant création d’une commission sur l’affaire Socapalm. Une décision du ministre du cadastre et des affaires foncières (nom). Mais, déplorent Synaparcam, « aucun représentant des communautés n’est membre de ladite commission ».

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Au mépris des droits des populations locales, l’agriculture industrielle avance à grands pas dans les forêts des pays du Bassin du Congo. D’après des projections contenues dans l’étude Forêts d’Afrique centrale et changement climatique, « la déforestation liée à l’expansion des terres agricoles provoquerait une perte totale de 26 millions d’hectares de forêts entre 2010 et 2030 dans le bassin du Congo, soit 10% du couvert forestier total ».

Ce qui représente un danger les aires protégées. « Aujourd’hui, nous craignons, car des populations exploitent des zones qui devraient être préservées », affirme la Directrice Exécutive de Greenpeace, Njeri Kabeberi. Des leaders traditionnels n’ignorent pas ces dérives. Pour le Coordonnateur Afrique du Réseau des Chefs Traditionnels d’Afrique pour la conservation de l’environnement, la gestion durable des écosystèmes et des forêts (ReCTrad), sa Majesté Bruno Mvondo, « Les communautés tout comme les exploitants agressent nos forêts. Pas d’intérêt, pas d’action.

Les populations se posent des questions lorsqu’elles voient des exploitants couper le bois et n’en tirent pas profit. Elles détruisent en retour la ressource, croyant se rendre justice », argue Sa Majesté Bruno Mvondo. Constat similaire au niveau du ministère des forêts et des faunes du Cameroun.

Comme le prévoit la réglementation, des agents de l’administration attribuent les terres suivant une carte participative. « Elle définit les zones d’intervention pour l’exploitation forestière et la pratique de l’agriculture », explique l’inspecteur général n°1 du Ministère des forêts, Vincent Awa Ndangang. Mais, très souvent, les différents intervenants ne respectent pas les lois.

A côté de l’exploitation illégale du Bois, le braconnage transfrontalier devient une réelle menace pour les forêts Camerounaises. « Les zones les plus touchées sont les aires protégées transfrontalières au Sud, à l’Est, à l’Extrême Nord et les parcs du Sud-Ouest qui partagent les limites frontalières nationales avec les pays voisins. Des trafiquants et même des terroristes profitent de la porosité des frontières pour faire l’exploitation illégale», souligne le représentant de l’administration forestière.

L’approche HCS

Il est urgent de sauver la forêt du Bassin du Congo. C’est une forêt capitale pour l’Afrique et toute la planète, grâce à sa capacité de stockage du carbone. « Partout où il y a des forêts, il y a le carbone et il absorbe toutes les pollutions émises. Sans forêts, il nous est impossible de protéger la planète. La forêt du Bassin du Congo est sacrée pour le monde entier.

C’est la seconde plus grande forêt du monde et si nous ne la protégeons pas, ce sera une perte mondiale ». Et la Directrice Exécutive propose au gouvernement l’approche Haute teneur en carbone (HCS). C’est une approche de gestion durable des forêts expérimentée avec succès par l’Indonésie (lien). Elle permet d’établir une distinction entre les zones forestières de grande valeur qui devraient être protégées et les terres dégradées à faible biodiversité et carbone, qui pourraient être développées.

Selon Greenpeace, l’approche HCS  garantit des moyens de subsistance aux populations locales et veille au respect de leurs droits lorsque les forêts sont allouées à des projets d’agriculture industrielle. De façon concrète, « les forêts à Haute Teneur en Carbone protègent les zones de captage d’eau, préservent les zones forestières pour la récolte des fruits, des noix, des médicaments et d’autres matériaux, et protègent la forêt pour les générations futures », déclare Sylvie Djacbou, chargée de Campagne forêt à Greenpeace Africa.

Cette approche contribue en quelque sorte à valoriser la maxime des autorités traditionnelles, reprise par Sa Majesté Bruno Mvondo : « la terre appartient à ceux qui étaient là hier, à ceux qui sont là aujourd’hui et ceux qui viendront demain ».

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