Perturbées par la crise politique depuis 2013, les activités touristiques dans les Aires Protégées de Dzanga Sangha (APDS) reprennent peu à peu en République Centrafricaine. Confrontée à des difficultés d’ordre sécuritaire et infrastructurelle, cette reprise connait un nouvel élan que compte bien tirer partie tout le pays.
L’insécurité, ennemie du tourisme
Pendant la crise, des braconniers avaient profité de l’insécurité pour abattre des éléphants et d’autres espèces protégées. Pour M. Lambert Padou, responsable du volet écotourisme dans les APDS, cette reprise est progressive: ” le site était fermé en mars 2013 suite au coup d’État et nous avons repris en 2014. Depuis, le Parc a accueilli 37 touristes de diverses nationalités. En 2015, c’était 95 touristes et pour 2016, les prévisions dépassent déjà les 110″.
L’ennemi du tourisme, c’est l’insécurité, souligne M. Padou. ” On sort de la crise et certains touristes hésitent encore à cause de la situation sécuritaire. A cela, il faut ajouter la vétusté du site hôtelier et la dégradation des voies de communication “, a-t-il laissé entendre.
A ce jour, certains touristes, faute de sécurité et à cause du délabrement des routes entre Bangui et Bayanga, passent par le Cameroun pour visiter les Aires Protégées de Dzanga Sangha. Cette situation met à mal les activités touristiques au bénéfice de la Centrafrique.
En effet, créées en 1990, les Aires Protégées de Dzanga Sangha (APDS) ont une superficie de plus de 400 000 ha (4000 km2). Elles sont situées dans la préfecture de Sangha-Mbaéré, précisément au sud-ouest de la République Centrafricaine avec deux secteurs à savoir: le secteur Ndoki qui s’étend sur 725 km2 et le secteur Dzanga qui lui, s’étend à 495 km2. Les APDS font partie de la tri-national de la Sangha (TNS), une aire protégée qui couvrent trois pays du Bassin du Congo : le Congo, le Cameroun et la Centrafrique.
Le tourisme, levier de développement
Les activités touristiques sont pourtant un levier du développement économique du pays. Dans les APDS, les tarifs fixés depuis 2013 sont encore valables. Le droit d’entrée dans le Parc par les touristes internationaux est fixé à 30 euros par jour, contre 3 euros par jour pour les ressortissants de la CEMAC. Quant au pistage des gorilles à BaïHokou/Mongambe, il est à 230 euros par jour pour les touristes internationaux et 23 euros par personne et par jour pour les ressortissants de la CEMAC. La visite sur le site des Éléphants, elle, notamment à la saline Dzanga est fixée à 60 euros par jour et par touriste international et 6 euros par jour par ressortissant de la CEMAC.
Ces activités touristiques intègrent également la balade sur la Sangha et la récolte du vin Rapha ainsi que le Tam Tam sur le fleuve, dont les tours sont fixés respectivement à 40 euros par pirogue et 10 euro pour tos les touristes.
Si les activités du tourisme sont une bouffée d’oxygène pour l’économie, le grand défi de ces Aires Protégées aujourd’hui est, selon le responsable du volet écotourisme, la construction des infrastructures, ” nous avons un grand nombre de visites des touristes mais la capacité d’accueil du camp de passage de Doli-Lodge est très limitée. Il faut procéder à l’extension du Doli-Lodge pour accueillir au moins 200 personnes, c’est un défi pour nous “, a-t-il relevé.
La Mairie de Bayanga reçoit 40% des recettes tirées de ces activités touristiques. Ces fonds, d’après un cadre de la municipalité servent à l’entretien de la commune et à l’accompagnement de la communauté dans les activités de protection des espèces fauniques.
Contexte du Tri-National de la Sangha (TNS)
Les enquêtes biologiques menées par les ONG de conservation, à savoir WCS et WWF, vers la fin des années 1980 et le début des années 1990 ont mis en exergue la forte richesse biologique du paysage du Tri-National de la Sangha, région menacée par l’exploitation incontrôlée du bois et les activités de chasse illicite à des fins commerciales. Au cours cette même période, les deux ONG de conservation avaient établi des projets de terrain dans les différents sites.
Suites à ces initiatives et enseignements, les gouvernements des pays concernés ont très vite réalisé l’importance mondiale de la zone de la Sangha et s’engagent à y créer plusieurs aires protégées. C’est pourquoi en 1990, le Parc National de Dzanga-Ndoki et la Réserve Spéciale Dzanga-Sangha en RCA sont classés comme parc national, et en 1993, le Parc National de Nouabale-Ndoki au Congo le sera à son tour.
Au Cameroun, la zone de Lobéké est désignée “Zone Essentielle de Protection” en 1995 est classée comme parc national en 2001. Le fait que les trois zones de conservation soient contiguës et partagent les mêmes types de végétation et les mêmes communautés locales, notamment des peuples de la forêt (BaAka, Bayaka et Mbenzele) qui partagent les mêmes cultures et traditions et sont confrontés à des problèmes similaires, a fourni une excellente plateforme pour le développement d’un programme de conservation transfrontalier.
L’engagement politique a permis de booster cette initiative des techniciens. C’est ainsi que les Chefs d’État d’Afrique centrale, réunis en Sommet à Yaoundé en 1999, ont matérialisé leur engagement en signant un accord de coopération pour établir et gérer en collaboration un complexe forestier transfrontalier appelé le Tri-national de la Sangha (TNS).
Le TNS comporte une zone protégée principale destinée à la conservation de la biodiversité. Les activités humaines y sont soit interdites, soit contrôlées. Il comporte également une zone périphérique à usages multiples au sein de laquelle il est permis d’exploiter des ressources. Cette dernière doit faire l’objet d’une gestion durable des ressources forestières et fauniques.
Le TNS est un modèle pionnier d’initiatives de conservation transfrontalières et de développement d’une politique forestière dans le bassin du Congo. Les actions de la protection et de la conservation des biodiversités et d’écosystème sont alors organisées. D’après les explications du conservateur de ces zones, M. Christian Ndadet, les objectifs du tri-national est de mettre en place une mode de gestion pour ces trois Aires Protégées pour mettre ensuite en valeur les ressources forestières et fauniques dans cette partie du bassin du Congo, de sécuriser les recettes provenant de l’exploitation des ressources naturelles dans cette espace et d’améliorer le cadre de vie de la population locale.
Mr. Christian Ndadet a relevé que pour mieux sécuriser, les équipes de surveillance sont mises en place par aire protégée et ensuite une brigade tripartite anti braconnage effectue des patrouilles régulièrement dans les trois Aires protégées et cette brigade est constituée des écogardes de ces trois pays.
Les communautés et partenaires s’impliquent dans la conservation
Le TNS comporte aussi une zone périphérique multi-usages dans laquelle l’extraction des ressources est autorisée et où, suivant l’aire protégée nationale en question, une gestion communautaire et durable des ressources forestières et animales est pratiquée. La zone périphérique comprend des forêts de production (concessions forestières, forêts classées et forêts communautaires), des aires de gestion de la faune sauvage (concessions de chasse sportive, zones de chasse communautaires), des aires d’agroforesterie et des zones d’habitation.
Le Maire de Bayanga, Justin Mobanza place les actions de sensibilisation comme principale moyen de pousser les communautés à s’impliquer dans la protection de la diversité. ” Nous avons toujours sensibilisé la population de ne pas toucher aux espèces protégées. Mais il y a des récalcitrants qui ne respectent pas les principes de chasse. Cela ne nous décourage pas “, a espéré le Maire de Bayanga.
Selon le constat fait sur place, la population s’implique dans la protection des espèces forestières et fauniques. Les sociétés d’exploitation forestières sont toutes fermées pour sauvegarder cette aire, la population se défend de consommer certaines espèces protégées et voire même celles consommées par les gorilles et éléphants. La communauté de Bayanga, soutient toujours que les Aires Protégées sont et demeurent leur richesse naturelle à préserver afin de garantir un avenir aux générations futures et du monde entier.
En juillet 2016, le Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo) publiait que plus de 300 000 riverains ont été formés sur diverses thématiques relatives à la protection et à l’utilisation durable de la biodiversité. Les activités de formation ont été réalisées sur le terrain par des institutions nationales ou des ONG dans le cadre des contrats et sous-contrats, financés par le BAD à travers le PACEBCo. Aussi, 919 Ecogardes sont formés entre 2011 à 2015.
PACEBCo renforce alors les capacités des communautés à la gestion des Aires Protégées. C’est le fruit de l’engagement pris par la Banque Africaine de Développement (BAD) d’accompagner la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) dans la mise en œuvre du Plan de Convergence adopté en février 2005 lors du 2ème sommet des chefs d’Etats d’Afrique Centrale sur les forêts, tenu à Brazzaville au Congo. Il couvre sept pays : Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo et le Rwanda.
Le programme est cofinancé à hauteur de 37,28 millions d’unités de compte, soit environ 28,53 milliards de Francs CFA par un Don du FAD (Fond Africain pour le Développement) de la BAD et les contributions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) et des bénéficiaires. Le PACEBCo intègre à la fois les enjeux écologiques, sociaux, et économiques et contribue à l’intégration sous régionale. Il a ainsi pour objectifs d’assurer la régénération des écosystèmes, améliorer les conditions de vie des populations et renforcer les capacités des institutions en charge de la gestion des écosystèmes dans la sous-région. Le PACEBCo a été lancé en septembre 2009 à Kinshasa en République Démocratique du Congo.
Le processus avait débuté en 1981 quand le gouvernement de RCA reconnaissait l’unicité de Dzanga Sangha en limitant formellement la chasse dans le secteur grâce à la création d’un sanctuaire pour éléphants et pour bongos. Successivement, en1984, plusieurs études ont confirmé la riche biodiversité de la zone surtout en espèces menacées telles que l’éléphant de forêt, le bongo, les buffles de forêt, le gorille des plaines occidentales et le chimpanzé.
Crédit vidéo/Aires Protégées de Dzanga-Sangha
Sa disposition dégagée dans la saline Dzanga permet une très bonne et unique visibilité de la faune, un atout principal pour le développement touristique dans la région. Le complexe contient aussi un riche contenu socioculturel et sert notamment d’habitat pour les pygmées BaAka de forêts et les pêcheurs ‘’Sangha-Sangha’’, autrement dit peuple pêcheur non pygmée.
Dzanga-Sangha met également à la disposition des touristes et de la communauté scientifique, plusieurs atouts exceptionnels tels que les éléphants imposants de Dzanga Bai, les gorilles de Bai Hokou soumis à un programme d’habituation accompagnés par de sublimes infrastructures modernes.
Quel avenir pour les APDS de Dzanga Sangha ?
Bien que la crise qui a secoué la Centrafrique ait conduit aussi à la destruction des espèces menacées, plus de 150 éléphants sont observés à la saline tous les jours sur une estimation d’au moins 3.000 encore vivant dans les Aires protégées de Dzanga Sangha. Le monde peut aujourd’hui continuer à placer son espoir sur les réserves de Tri National de la Sangha.
La Apds est un patrimoine mondial. Sa conservation necessite l apport de tous les acteurs. Surtout les bailleurs de fonds. Car elle fait partie integrante du bassin de congo. Deuxieme poumon planetaite utile a l existence des humains et les etres vivants.