Ces espaces ont presque tous disparus à cause des habitations, des marchés et des pâturages, mettant à l’épreuve les engagements pris dans différentes conventions internationales souscrites par le pays.
Cameroun – « Il y a des réserves forestières créées par l’Etat occupées par des populations. C’est le cas de la Réserve Forestière de Mbalmayo (RFM). Ici, au moins 900 hectares subissent cette pression humaine ces derniers jours, sur les 9700 hectares que comptait cet espace à sa création en 1947 », se lamente un responsable au Ministère des Forêts et de la Faune du Cameroun (Minfof). Ce directeur ne souhaite pas être cité, tant l’envahissement des réserves forestières est le fait « des personnes ayant une grande influence » dans la sphère socio-politique et même militaire du pays.
Les réserves forestières sont semblables aux parcs parce qu’elles contiennent suffisamment d’animaux. La principale différence réside dans le fait que, « les parcs sont bien entretenus et comprennent des routes et des installations pour logement afin de faciliter les visites des touristes ; tandis que les réserves forestières n’ont pas de telles infrastructures et ne reçoivent pas de touristes, mais uniquement les spécialistes qui y travaillent », souligne Luc Beni Moutila, chercheur en ingénierie de l’environnement.
Située dans la région du Centre, plus précisément dans le chef-lieu du département du Nyong et So’o, la Réserve Forestière de Mbalmayo a été créée pour « favoriser les reboisements naturels et faire des travaux méthodiques de reboisement ». Mais de nombreux rapports montrent que la pression humaine freine l’atteinte de cet objectif.
Des réserves forestières transformées en cités humaines
En 2007, dans un mémoire intitulé « Etude préalable à l’aménagement de la réserve forestière de Mbalmayo: Pratiques et droits des populations locales », R.Peltier et L.Temgoua dressent un constat peu reluisant sur l’état de la réserve forestière de Mbalmayo. « La réserve de Mbalmayo est une forêt périurbaine et avec la croissance démographique et l’augmentation des quartiers de la ville, la pression sur la réserve a augmenté, notamment en ce qui concerne le bois de chauffe et les terres agricoles. Plusieurs parcelles dégarnies ayant été remplacées par les cultures vivrières. A ceci s’ajoute l’absence d’un plan d’aménagement nécessaire pour la gestion durable de la réserve », peut-on lire dans le document. Le mémoire d’étude ajoute que « L’arboretum de l’Ecole Nationale des Eaux et Forêts (ENEF) n’échappe pas à cette pression ».
Le constat fait à Mbalmayo, que l’on peut rallier en une heure de route par voiture à partir de Yaoundé, est moins alarmant que dans les régions de l’Adamaoua et du Nord du pays.
L’un des cas les plus critiques en matière de destruction des réserves forestières se trouve dans la région du Nord, en l’occurrence la réserve de Gashiga. Elle est située à quelques kilomètres de Garoua, la capitale régionale du Nord. « La réserve de Gashiga n’existe presque plus. Toutes les tentatives de reboisements se soldent par des échecs à cause de la pression exercée par des riverains sur les arbustes à peine plantés pour du bois de chauffe », révèle un responsable au Minfof.
Dans la région de l’Adamaoua, un constat similaire est dressé par divers acteurs. Certains affirment d’ailleurs qu’il n’y a plus de réserves à Ngaoundéré capitale régionale. Située à plus de dix heures de voyage de Yaoundé par train comme par voiture, Ngaoundéré est une ville tampon entre la zone septentrionale et la zone humide du pays. Ici, les pluies sont plus fréquentes que dans la région du Nord et de celle de l’Extrême-Nord avec une saison sèche plus rude et des vents secs. Les autorités camerounaises y ont créé des réserves forestières. Seulement, « Il est difficile de trouver un espace vide dans une réserve forestière de Ngaoundéré. Il y a poussé, des maisons d’habitation, des marchés, des mosquées, etc. », relève un autre responsable au ministère des Forêts et de la Faune qui souhaité s’exprimer sous anonymat.
« La situation est d’autant complexe que, certains profitant de leur position privilégiée, ont pu avoir de titres fonciers sur des réserves forestières. Comment comprendre une telle possibilité étant donné que ces espaces sont dans le domaine permanent de l’Etat dont la cession nécessite au préalable un décret du Premier ministre ? » S’interroge, sous cape, un haut cadre de l’Etat en service au ministère des Forêts et de la Faune. Les mêmes questions brûlent les lèvres des responsables à l’Anafor. Mais du côté de l’administration en charge du foncier c’est le mutisme total sur la question.
Or, dans les zones prioritaires que sont les régions de l’Extrême-Nord, du Nord, de l’Adamaoua, du Nord-Ouest et de l’Ouest, l’érosion bat son plein. La situation n’est guère reluisante dans le reste du pays. A ce jour, selon le ministre de l’Environnement de la Protection de la nature et du Développement durable, Hele Pierre, « 12 millions de terres dégradées doivent être restaurées sur l’ensemble du territoire».
Une gestion à problème
D’après les informations recueillies auprès des autorités en charge des Forêts, « avant 1990, l’Etat prenait en charge le reboisement avec les plantations forestières. A ce titre, l’Office National de Régénération des Forêts (ONAREF) et l’Office national de développement des forêts (Onadef) ont vu le jour». Il s’agissait principalement de créer des réserves forestières avec les fonds publics et ceux des bailleurs tels que la Banque Mondiale, la Coopération Canadienne. Mais, la situation économique dès 1990 vient tout bouleverser.
« En 1990, la crise économique impose l’abandon des réserves forestières par l’Etat qui se retire du secteur de production des arbres. En 2003, il y a eu la revue institutionnelle du sous-secteur forestier avec trois types d’activités : régalienne (portefeuille de l’Etat), partageables avec des partenaires et transférables. D’où l’avènement du Programme Forêt-Environnement avec le Fonds Européen pour l’Environnement », apprend-on aussi.
« De 2003 à 2006 nous assistons au développement de la foresterie communale et communautaire. Le Programme national de reboisement voit le jour en 2006. Il est lancé par le Premier ministre à Maroua dans l’Extrême-Nord. Il consacre le transfert des prérogatives aux communes, aux Organisations non-gouvernementales, aux autorités traditionnelle avec le développement du Fonds spécial forestier », ajoute un directeur au ministère des Forêts et de la Faune.
Dans la même optique, le 27 mars 2012, par un décret du Premier ministre, l’Etat transfère ses compétences aux communes en matière de promotion des activités de reboisement des périmètres urbains et des réserves forestières. Aussi, une décision du ministre des Forêts et de la Faune datant du 21 août de la même année redéfinie les modalités de gestion et publie la liste d’une centaine de réserves désormais gérées par les collectivités décentralisées. Neuf régions sur les dix que compte le Cameroun bénéficient de cette mesure.
Dès lors 230.422 hectares de réserves sont transférés à l’Agence nationale d’appui au développement des forêts (ANAFOR), qui a vu le jour en 2002 avec pour mandat d’accompagner sur le plan technique la mise en œuvre de la politique de reboisement de l’Etat. La mission ne sera pas aisée car dans les espaces concernés, plusieurs hectares de plantations sont illégalement occupés et ont même disparu. Par ailleurs, « beaucoup de maires n’ont pas de compétences en la matière et les financements sont débloqués avec un grand retard », précise le rapport Etat des lieux sur les réserves forestières dans la région de l’Extrème-Nord.
Le Cameroun a ratifié l’Accord de Paris signé lors de la 21e Conférence des Parties sur le climat (Cop21) tenue à Paris en 2015 en s’engageant à réduire, d’ici 2035, ses émissions de gaz à effet de serre de 32% par rapport au niveau de 2010. Pour se conformer aux directives de la Convention des Nations unies sur la biodiversité qu’il a signée, le pays a promis de créer des réserves forestières sur 30% de son territoire. Le reboisement s’avère donc incontournable. Et pour l’expert en sylviculture Anicet Ngomni : « Lorsqu’il est bien mené, le reboisement permet de créer beaucoup d’emplois et de lutter contre le chômage des jeunes en créant des devises ».
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