Filière verte, une opportunité d’affaires à Kinshasa

La promotion et l’émergence d’une économie dite « verte » gagne de plus en plus du terrain dans les politiques générales des nations. Ce concept, initié par des écologistes soucieux du bien-être de l’homme et de l’environnement, ne cesse d’exciter l’appétit des opérateurs économiques qui en trouve des opportunités d’affaires. Considérée comme l’ensemble des activités génératrices des […]

La promotion et l’émergence d’une économie dite « verte » gagne de plus en plus du terrain dans les politiques générales des nations. Ce concept, initié par des écologistes soucieux du bien-être de l’homme et de l’environnement, ne cesse d’exciter l’appétit des opérateurs économiques qui en trouve des opportunités d’affaires. Considérée comme l’ensemble des activités génératrices des revenus, la filière verte est devenue une plaque tournante de l’économie circulaire.

A l’instar de grandes métropoles d’Afrique, la ville de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, assiste à l’apparition, ces dernières années, des métiers dits « verts », dont les activités passent par l’assainissement, le recyclage de déchets, et le reboisement d’une ville dénaturée par des vastes travaux de reconstruction initiés par le gouvernement congolais. En vue d’en savotri-manuel-de-dechets-plastiques-à-l'atelier-de-RECOVADir plus sur cette nouvelle forme d’économie qui se veut salvatrice pour la planète,  plongeons  au cœur d’une filière en pleine expansion à Kinshasa.

Depuis près de dix ans, la collecte et le recyclage de déchets est l’une des activités de plus en plus prisés à Kinshasa. Avec un  soupçon d’inspiration et un peu d’ingéniosité, cette activité, qui fait partie de la filière verte, favorise d’une part la création d’emplois générateurs de revenus et, d’autre part, elle participe à l’assainissement de la ville réduisant ainsi les risques de maladies liées à l’insalubrité.

L’une des causes les plus connues de l’insalubrité dans les grandes métropoles comme Kinshasa, c’est le développement économique et démographique. A cela s’ajoute également le manque de politiques et de moyens conséquents pour assurer la gestion des ordures ménagères et déchets industriels.

Selon le  Rapport de suivi des indicateurs de performance du PARAU/PAUK couvrant la période de janvier à juin 2011 et publié par l’Union Européenne, la ville de Kinshasa produit près de 5.000 tonnes de déchets par jour. Si pour les uns la gestion de ces déchets ne semble pas une préoccupation,  cependant, cette  matière première présente des opportunités d’affaires pour les autres.

Un cas concret

Après 22 ans de carrière à Congo Plast Sprl, une entreprise privée de production des objets plastiques,  Matthieu Nina Museyi et ses trois amis ont décidés de monter des ateliers de recyclage de déchets plastiques, à savoir : ARDP ONG, qui a élu ses quartiers à Kingasani dans la banlieue de Kinshasa, et RECOVAD ONG à Lemba.  » Nous avons créé cette entreprise avec des moyens de bord. Mes amis et moi avions compris les opportunités que présentait le secteur du recyclage qui, jusque-là, était méconnu du grand public « , nous confie d’un air serein Matthieu Museyi. Avant de préciser que leur entreprise a été la première à livrer à Congo Plast des matériaux granulés issus du recyclage des déchets plastiques. Ces matériaux, ainsi livrés, sont utilisés dans la fabrication des tuyaux PVC et des boites d’encastrement vendus sur le marché congolais.

Les matières premières

Dans cette usine de fortune qui ressemble à un vieil entrepôt, l’on aperçoit de loin un vieux broyeur qui tourne en plein régime. Ici, les matières premières sont les déchets composés essentiellement des bouteilles et emballages plastiques. Après tri et prélavage, ces derniers sont jetés dans la gueule de ce mastodonte. Chaque jour, la cour de la parcelle où est installée l’usine reçoit plusieurs tonnes de déchets triés selon leur importance.

Ces déchets proviennent souvent des poubelles géantes qui pullulent partout dans la ville, mais aussi les longs des rivières, les places publiques et les marchés. Une fois ramassés, les déchets sont ensuite revendus à ARDP ONG, moyennant 24.600 francs congolais, soit l’équivalent de 27 $US la tonne.

A Kingasani, une commune pauvre de Kinshasa, où la population vit de la débrouillardise, du ramassage et du tri des déchets plastiques deviennent une bouée de sauvetage pour plusieurs familles.

Elles sont de plus en plus nombreuses, les femmes, qui s’adonnent cette activité pour assurer leur survie :  » Nous circulons de commune en commune à la recherche de bitula ya copal (NDLR : en lingala, les déchets plastiques) »,  nous a confié Léonie Mutuala accompagnée de Nancy, sa fille de huit ans.  Chaque matin, ces braves femmes défient les obstacles, parfois au mépris des conditions d’hygiène ou au risque de leurs propres vies.  » C’est le prix à payer «  s’exclame une ramasseuse de « bitula ya copal » avec son enfant au dos avant de se replonger dans la recherche de matières premières sans cache-nez ni gants.

La concurrence

Un peu plus loin, à près de quinze kilomètres de Kingasani,  nous avons rencontré, dans la commune industrielle de Limete, Monsieur Kankonde Tshikololo, Président Directeur Général de Congo Salubrité, une entreprise congolaise spécialisée dans la collecte et le recyclage de déchets. A la tête de cette entreprise qu’il a créée en 2007 après une formation spécifique suivie en dehors du pays, Kankonde Tshikololo alias Américain, la cinquantaine révolue, se veut leader incontestable du recyclage à Kinshasa.

Fabrication_des-tuyaux-pvc-dans-l'usine-de-congo-salubrité

Pour se faire, le patron de Congo salubrité organise des campagnes de collecte de déchets dénommées : « déchets sachets contre nourriture. » Outre le prix de revient perçu sur chaque kilogramme de déchets rapportés, les ramasseurs reçoivent en plus, 1 poulet de 13 grammes, ou 1 kilogramme de riz comme prime d’encouragement.

Interrogé à ce sujet, Américain Kankonde se dit fier d’apporter du travail au congolais et militer contre l’insalubrité de la ville.  » Nous avons une main d’œuvre capable de booster l’économie si celle – ci est bien exploitée. A travers nos actions, nous voulons responsabiliser la population à mieux gérer les immondices, qui peuvent devenir une source de revenue »,  a renchéri le patron de Congo Salubrité.  Dans son usine implantée en plein cœur de la concession de Travaux publiques située à la 1ère rue Limete, les déchets ramassés subissent un processus de transformation avant de leur donner une seconde vie.

Les-produits-issus-du-recyclage

Des retombées positives

L’on se souvient encore, il y a peu, des poubelles géantes comptées par centaines à travers la ville de Kinshasa. A ce jour, ces montagnes d’immondices ont disparu pour laisser place aux espaces verts qui, petit à petit, refont surface dans la capitale. Le ramassage et le tri des déchets ont favorisé la création des emplois verts. Actuellement, l’on compte à Kinshasa, plusieurs dizaines d’ONGs dont l’activité principale est l’assainissement.

Ces organisations non gouvernementales emploient surtout les jeunes désœuvrés qui, grâce à cette activité, parviennent à sortir leurs têtes hors de l’eau. A longueur des journées, ces hommes et femmes s’occupent du ramassage des déchets ménagers, assurent la propreté des trottoirs et des grandes artères de la ville, parfois même de l’entretien des ouvrages de drainage.

Francis Kiangu, nous explique de quelle manière il a eu ce travail :  » après mes études primaires, je n’ai pas eu la chance d’aller à l’université car mon père n’avait pas les moyens de m’y envoyer. C’est un ami qui m’a appris qu’une entreprise de la place recrutait des jeunes pour balayer les rues, bref s’occuper de la salubrité. N’ayant pas d’autre préoccupation, je me suis décidé de m’y rendre, voilà comment je suis arrivé dans ce métier. Je gagne cinq milles francs congolais chaque jour, ce qui me permet d’économiser cent dollars américains à la fin du mois. » Avec cet argent, Francis compte reprendre les études universitaires dans les prochains jours a-t- il ajouté.

Eulalie Makela est l’une de femmes qui a saisi les opportunités d’affaire qui se sont présentées dans ce secteur. Après avoir créé son organisation non gouvernementale KIN ENVIRO, Eulalie s’est lancé dans l’embellissement de la ville de Kinshasa à travers le reboisement et la plantation de pelouse. Après six mois de bénévolat, Eulalie est parvenue à rendre très viable certains lieux publics qui, jadis, étaient envahis par des immondices, tel que la place commerciale de la commune de Limete.

Quelques mois après, Eulalie Makela a raflé la part du lion. Son ONG a gagné un grand marché auprès du gouvernement congolais et KIN ENVIRO devrait dès lors, se charger de l’embellissement le long du boulevard du 30 juin dans la commune de la Gombe. Avec un capital dont le chiffre est resté secret, cette ONG aura déjà à son actif, créée plus de trois cent emplois verts, estime Eulalie.

Bien que l’apport de la filière verte à l’économie nationale congolaise ne soit pas encore évalué de manière systématique, cependant, elle ouvre la porte à un éventail d’opportunités avenirs susceptibles de contribuer durablement au bien-être social, économique et environnemental au bénéfice de la population urbaine de la RDC.

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