Les obstacles de la lutte contre la déforestation à Lubero en RDC

Sorry, this entry is only available in Français. En province du Nord-Kivu et principalement dans le territoire de Lubero à plus de 150 kilomètres au nord de Goma, chef-lieu de la province, il est interdit de couper des arbres sans autorisation, une décision de l’administrateur du territoire Joy Bokele. Par contre, comment faire respecter une […]

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En province du Nord-Kivu et principalement dans le territoire de Lubero à plus de 150 kilomètres au nord de Goma, chef-lieu de la province, il est interdit de couper des arbres sans autorisation, une décision de l’administrateur du territoire Joy Bokele. Par contre, comment faire respecter une mesure de ce genre, pendant que les forêts sont détruites par des hommes en armes, l’électricité un rêve, la pauvreté grandissante et les services de l’environnement sans moyens de leur politique ? Ceci dit, la déforestation a déjà des conséquences néfastes.

En novembre dernier, l’administrateur du territoire de Lubero a interdit de couper les arbres dans l’immensité des forets du territoire, sans autorisation préalable délivrée par le service de l’environnement. Les récalcitrants paieront une amende exemplaire, dont la valeur monétaire n’a pas été définie. Ils seront par, ailleurs, obligés de planter des arbres dans l’endroit où la coupe a été effectuée.

” Grâce à cette décision, je crois que l’on pourra prévenir les dégâts environnementaux dont les signes commencent à être palpables dans la contrée tels que la perturbation de la période de semi, la rallonge de la saison sèche, les érosions, les éboulements de terre sur les routes”, confie Joy Bokele, administrateur du territoire de Lubero, optimiste.

Forêt recouvrant le territoire de Lubero, bastion des groupes armés rebelles

Forêt recouvrant le territoire de Lubero, bastion des groupes armés rebelles

Une aubaine pour les militaires

Cependant, il n’est pas évident que cette décision puisse avoir les effets escomptés. La première raison en est, en effet, la prolifération des groupes armés dans la région qui s’en donnent à l’exploitation sans lésiner, du bois et des minerais de même que les militaires de l’armée régulière.

Ces « irréprochables » font ce qui bon leur chante  et les mesures de cette nature ne leur disent complètement rien. Selon Norbert Kambale, coordonateur de l’association des jeunes pour le développement (ASOJED), une structure engagée dans le reboisement des espaces déboisés dans la cité de Kanyabayonga en dit plus : «Dans les localités de Miriki, Mbuavinywa et Luofu dans la vallée de la rivière Luholu, des hommes en armes coupent eux-mêmes ou font couper sous leurs menaces, des arbres pour en fabriquer de la braise qu’ils vendent pour leur survie».

La commercialisation de la braise ainsi que des planches sert à financer le mouvement et contribue à la pérennisation de leur action violente contre les populations civiles dans la contrée. Un habitant de Luofu a révélé, sous anonymat, que certains citoyens collaborent avec ces groupes armés pour servir d’intermédiaire dans la vente de ces produits sur le marché dans les grands centres urbains du Nord-Kivu dont Butembo et Goma.

Soulignons qu’en novembre et décembre dernier, un conflit entre les mai-mai du groupe Mazembe et les rebelles hutus rwandais des FDLR, autour du contrôle de ces richesses (bois) s’est étendu sur la population civile avec à la clé l’incendie de plusieurs villages dont Kyuto et Luhanga et le déplacement massif  de la population.

« Les mai-mai du groupe parti des résistants congolais (PARECO) et du groupe MAZEMBE  nous prennent de force dans nos champs pour aller couper des arbres à leur compte», se plaint Gaston Kavono, un habitant de Mweha, une localité du sud-ouest du territoire de Lubero. Théophile Kabuyaya, exploitant forestier de Kasugho (à plus de 200 km de GOMA) complète: « Les militaires ont des armes et personne ne peut se dresser contre eux. Leurs braises et leurs planches débarquent sur le marchés de Goma sans problème.»  Certains éléments des forces loyalistes sont devenus des commerçants de braise et des planches.  « Ils ne sont même pas prêts à être mutés, car ce commerce passe avant leur mission. Ils usent de leur influence pour traverser toutes les barrières sans même payer les taxes connexes », ajoute-t-il.

Les groupes armés dans la région s’en donnent à l’exploitation du bois et des minerais

A la fin du mandat du président Joseph KABILA dont la succession n’a pas été organisé, plusieurs groupes armés qui avaient disparu avec le processus de pacification du pays ont refait surfasse. Ils disent vouloir le forcer à quitter le pouvoir.  Le comble est que ces mouvements font beaucoup de ravages sur la population et l’environnement.  D’autres, tirent profit de l’absence de l’autorité de l’état dans la région.

Plus loin encore, l’échec du gouvernement congolais à mettre fin aux  massacres des civiles en territoire de Beni et Lubero (plus de 1 000 personnes tuées en la manchette depuis 2014) y est pour beaucoup. C’est le cas du groupe rebelle « mai-mai corps du christ » dont l’un de ses dirigeants à la personne du général autoproclamé, Bwambale Kakokele, a réclamé la paternité sur plusieurs stations de radios locales.

Les habitants ont recours au bois pour survivre

S’ajoutent aux pratiques des rebelles, les habitudes des habitants : « Les communautés locales, par exemple celles installés sur les collines de Busekera et Kaseghe, coupent les arbres à volonté à la quête des combustibles et de bois », constate Malon Syaghuswa, environnementaliste de Kayna. Le déficit en énergie électrique du territoire, où plus ou moins 90% de la population n’a pas d’électricité ,accroît le problème. Le bois est seule source d’énergie pour la cuisson, quant on sait qu’en RDC, la déforestation est principalement causée par la demande en bois énergie (makala et bois), dont 90% de la population dépend pour la cuisson et l’agriculture itinérante sur brulis, qui reste également l’activité principale d’une large part de la population.

Le bois est seule source d’énergie pour la cuisson

Ainsi, les agriculteurs, quant à eux, défrichent les espaces forestiers pour avoir des espaces cultivables. Déjà à Kamandi, les conséquences se font sentir. « La plupart des sources d’eau potable ont tari et des rivières, à l’instar de celles de Kiriha et de Kyahulwa qui traversent la cité, ont vu leur débit baisser », reconnait Silulegha, un habitant de Kamandi.

Les paysans du sud du territoire de Lubero, eux, ne savent plus à quelle période semer, car la saison pluvieuse n’arrive plus en bonne date. Dans les grandes agglomérations telles que les cités de Lubero (NDLR: nom du même territoire), Kirumba, Kanyabayonga, Kayna, l’on remarque une hausse de la température poussant certains à dormir sans se couvrir.

Une mesure qui divise

Bien qu’ils épousent la mesure de l’administrateur, les défenseurs de l’environnement ne cachent pas leur scepticisme quant à sa mise en œuvre. « Comment l’appliquer alors que les vastes espaces forestiers sont sous contrôle des groupes armés nationaux comme étrangers ? s’interroge Jackson Kanzira, une environnementaliste du groupement de Tama et Itala.

Pour Jean-Marie Mitavo, journaliste à la radio communautaire de Lubero-sud émettant de Kirumba, “le service de l’environnement qui a la charge de faire respecter cette mesure n’a que deux ou trois agents pour une dizaine de localités, vastes de surcroit, sans un seul moyen de mobilité.”

Le coordonateur de l’ASOJED craint également que cette décision renforce la pauvreté car nombres parmi les ménages vivent de la braise, comme source d’énergie, issue de la carbonisation du bois. Même crainte du coté de Georges Katsongo, président de la société civile de Lubero :

« c’est renvoyer au chômage ces jeunes scieurs qui peuvent, dans certaines mesures, être tentés de devenir des rebelles aux services des groupes armés». Pour lui, il faudra relativiser la mise en œuvre de cette mesure.

Bien sûr, les militaires loyalistes doivent avoir l’interdiction formelle de couper les arbres et les groupes rebelles traqués. Mbusa Mbafumoja, agronome de Kanyabayonga, estime “qu’en formalisant la filière bois et en déployant les éléments de la police environnementale dans les endroits où la coupe du bois est forte, les conséquences seront contenues.”

Malgré cette situation, quelques efforts au niveau local sont visibles à l’instar des associations locales comme le Programme d’Action Locale (PAL) qui sensibilise les élèves et les femmes à l’utilisation des foyers améliorés qui économisent le bois de chauffe. L’ASOJED,  quant elle, distribue des plantules d’arbres fruitiers aux élèves du secondaire dans certaines écoles de Kayna et Kanyabayonga pour la verdure, la lutte contre la malnutrition et par extension, limiter le réchauffement climatique. Elle mène consécutivement la campagne « pas une parcelle sans arbre ».

Certes, la décision de l’administrateur du territoire, Joy Bokele, d’interdire la coupe du bois sans autorisation est salutaire. Mais, beaucoup reste à faire dans la lutte contre les groupes armés qui pullulent dans la région et la lutte contre la déforestation ne sera qu’une conséquence logique.

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