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  • Bill Laurance, un écologiste des zones tropicales de l’Université James Cook en Australie, soutient que les scientifiques devraient travailler à ralentir le rythme du développement des infrastructures à travers le monde.
  • « Retarder » le processus de développement laissera le temps aux bienfaits – et aux dangers potentiels à l’environnement, aux communautés et à l’économie- d’être débattus publiquement.
  • Alors que plusieurs de ces projets sont perçus comme étant entièrement positifs dû au fait qu’ils ont pour objectifs de relier les marchés et de créer des emplois, plusieurs d’entre eux ne devraient pas se concrétiser, dit Laurance.

Il est temps de ralentir le rythme auquel sont construits les routes, les barrages et les chemins de fer qui apparaissent partout sur la planète, dit Bill Laurance, un écologiste des zones tropicales à l’Université James Cook à Cairns, en Australie.

« [Il y a] encore cette hypothèse implicite que le projet va se produire [et] que nous ne pouvons l’arrêter », mentionne Laurance dans une entrevue.

Dans un article publié le 14 juin dans la revue Trends in Ecology & Evolution, il présente une stratégie pour les scientifiques et les conservationnistes pour « divulguer, débattre [et] retarder ces projets. » La recherche de Laurance a montré les effets répandus du développement d’infrastructures qui se répercutent dans un écosystème. Ils n’ont d’ailleurs que peu souvent de sens d’un point de vue social ou économique.

Déboisement pour un projet de construction de route financé par la Chine dans le bassin du Congo (République du Congo Sud). Image et légende par William Laurance.

Ce qui est crucial actuellement, dit Laurance, c’est de repousser le processus assez longtemps pour qu’il puisse y avoir un débat, même si autant de politiciens et de promoteurs, particulièrement dans les pays en voie de développement, sont convaincus que le développement rapide d’une infrastructure permettra de stimuler l’économie.

Leur argument est que « c’est de la croissance, c’est bien, ce sont des emplois, c’est positif, peu importe réellement de quel projet il s’agit » dit-il. « Cette façon de penser semble très répandue.

En résultent des projets qui sont souvent approuvés rapidement et envoyés dans le processus d’approbation si rapidement qu’ils peuvent forcer les scientifiques et les organisateurs à se résigner à l’inévitabilité du projet. Puis, ils ciblent leurs efforts de « petites mesures d’écologisation » vers une conception de projet visant à éviter les effets néfastes sur les habitats, la biodiversité et les ressources d’eau.

Par exemple, ils peuvent inclure un passage souterrain pour la faune, ayant pour but d’atténuer l’impact d’une route lorsque cette dernière coupe à travers la forêt en connectant des populations divisées. La pensée est qu’un peu « d’écologisation » permettra de contrebalancer les dommages causés par la route, mentionne Laurance et ajoute « je pense que c’est un raisonnement dangereusement désastreux. »

Un éclatant camion grumier dans une route forestière au Congo (République du Congo Nord). Image et légende par William Laurance.

Dans le cas des viaducs ayant pour but de permettre le passage d’éléphants et d’autres animaux, une analyse faite par l’un de ses anciens étudiants en Asie du Sud-Est révèle qu’ils ne fonctionnent pas toujours comme prévu.

En réalité, « Une grande partie de ces projets ne devraient pas se réaliser », dit Laurance.

Les scientifiques devraient plutôt jouer un rôle actif pour déterminer si des projets valent la peine d’être réalisés d’un point de vue environnemental, social et financier, dit-il. Les étapes d’écologisation devraient être réservées pour des cas particuliers lorsqu’un projet est déjà commencé.

« Ce n’est pas juste écologiser, » ajoute Laurance. « C’est contrôler. »

Dans plusieurs cas, s’il était sensé d’établir une route à un endroit précis – pour connecter des milieux agricoles aux marchés, par exemple – « Cette dernière aurait sans doute été construite à cet endroit dès le départ, » mentionne Laurance.

D’autres endroits pourraient être frappés par les grosses pluies annuelles, qui, tel que montré par la recherche de son équipe, peuvent gonfler les coûts d’entretien annuels de 10 à 20 pour cent du coût initial du projet, particulièrement dans les terrains montagneux.

Leur travail en Afrique a aussi révélé que plusieurs routes et lignes ferroviaires prévues pénètreraient dans des endroits peu peuplés, qui ne sont pas très bons pour l’agriculture puisque les sols ne sont pas fertiles.

Dans plusieurs cas, « Il y a une raison pourquoi les gens ne sont pas déjà établis à un endroit, » dit Laurance.

Un projet minier chinois couvre plusieurs centaines d’hectares dans le bassin du Congo. C’est l’un des milliers de projets exploités par des sociétés privées chinoises en Afrique à ce jour (République du Congo Ouest). Image et légende par William Laurance.

Il mentionne qu’il croit qu’en levant le voile sur plusieurs projets d’infrastructure à l’étape de la planification, le risque qu’ils apportent – que ce soit pour l’environnement, pour la structure sociale des communautés ou pour le gouvernement – deviendra évident lorsque leur valeur sera exprimée sur le forum public.

« ″ Risque ″ est un mot que tout le monde comprend », dit Laurance.

Lorsque les vrais coûts seront révélés, seuls les meilleurs projets qui profitent le plus aux gens iront de l’avant.

« Cela se produit tellement vite », dit-il. « Le vrai défi est de seulement faire tout ce qu’on peut pour essayer de ralentir, de mettre les freins [et] de se battre pour un débat et une discussion plus vastes avant que ces projets soient approuvés. »

Image de bannière d’une construction routière à Bornéo en Malaisie par John C. Cannon/ Mongabay.

John Cannon est un auteur pour Mongabay établi au Moyen-Orient. Retrouvez-le sur Twitter:  @johnccannon

Note de la rédaction : William Laurance est un membre du comité consultatif de Mongabay.

Citation

Laurance, W. F. (2018). Conservation and the Global Infrastructure Tsunami: Disclose, Debate, Delay! Trends in Ecology & Evolution.

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