Autorisations FLEGT : Ce qui coince au Cameroun

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Le Cameroun accuse déjà 5 années de retard dans la délivrance des autorisations Flegt aux entreprises d’exploitation forestière. La société civile et les opérateurs du secteur dénoncent des lenteurs administratives et des blocages politiques dans la mise en œuvre de l’Accord de partenariat Volontaire entre le Cameroun et l’Union Européenne.

Assise dans son bureau au quartier Bonapriso à Douala, Florence Lissouck parcours ses mails d’un air pensif. Elle s’occupe des certifications au sein de l’entreprise d’exploitation forestière ALPICAM, en charge de plus de 350mille hectares d’Unité Forestière d’Aménagement dans la région de l’Est Cameroun. Florence ne sait plus quoi dire à ses clients.

Ils brandissent la même plainte à chaque fois en ces termes « Vous devez avoir des certificats Flegt. Vous n’avez pas encore de certificat Flegt » ? Impatience presque normale pour ces importateurs de bois. Ils attendent les premiers certificats Flegt depuis 2012, comme le prévoit les termes de l’Accord de Partenariat Volontaire dit APV-FLEGT, signé entre le Cameroun et l’Union Européenne et entré en vigueur en Décembre 2011.

Bille de bois identifIée dans une UFA

Bille de bois identifIée dans une UFA

Délivrées aux entreprises en règle, ces autorisations Flegt jouent un rôle déterminant dans la commercialisation en toute légalité du bois camerounais au sein de l’espace Union Européenne. Justin Kamga est le Point focal APV-FLEGT de l’Organisation non gouvernementale Forêts et Développement Rural« Le certificat de légalité atteste que le bois qui sort d’une concession forestière est légal. Le processus d’obtention de titre est légal, l’exploitation est légale, le transport est légal et la commercialisation est légale. Que la société elle-même est à jour face à certaines exigences qu’il s’agisse du plan fiscal, écologique ou social ».

Pour donner de la valeur à leur bois, les entreprises forestières se mettent donc au pas. C’est le cas dans l’Unité Forestière d’Aménagement 00004, couvrant 98 mille hectares dans la région du Littoral. « Tous les pieds qui ont atteint le diamètre d’aménagement et d’exploitation sont comptés et mis sur cette carte avec les positions GPS de chaque pied. Sur la base de cette carte, nous faisons la planification de l’exploitation », argue le directeur des aménagements et de de la certification Arnaud Tchokomeni. Le concessionnaire de cette Unité Forestière d’aménagement (UFA) mise sur la transparence. « Notre système de traçabilité permet l’identification de l’arbre depuis l’inventaire. Cette identification est maintenue jusqu’au transfert de la propriété au client », ajoute Arnaud Tchokomeni.

Toute une réorganisation interne pour ces entreprises forestières. Le gros du challenge réside dans la constitution des documents administratifs, souligne Arnaud. « C’est contraignant, car il faut mettre sur pied toute une organisation pour pouvoir archiver et produire à la demande tous les documents nécessaires ».

Ici, la patience est la règle d’or surtout face aux administrations peu sensibilisées sur le processus APV-Flegt, déclare la coordonnatrice Certification Florence Lissouck. « Auprès de notre administration de base, le ministère des forêts et de la faune, les documents ont été faciles à obtenir. Les difficultés sont survenues face aux administrations peu outillées sur le processus APV-Flegt, comme le ministère de l’environnement et de la protection de la nature ou celui du travail et de la sécurité sociale ».

Malgré ces contraintes, des résultats s’enregistrent. En janvier 2017, le Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) a délivré les premiers certificats de légalité à huit Unités de Transformation du Bois (UTB), sur plus de 100 transformateurs de bois que compte le Cameroun. Il s’agit des entreprises : CIFM, GVI, SEFECCAM, SFIL, SIM, CAFECO, ALPICAM, SEFAC. Un nouveau pas franchi pour les membres du Groupement de la filière bois du Cameroun (GFBC), comme l’indique l’Association Technique Internationale des Bois Tropicaux (ATIBT) dans un article publié en Février 2017 :

« Pour tous les opérateurs désireux d’exporter leurs produits bois sur le marché Européen, ce certificat est indispensable pour l’obtention de l’autorisation FLEGT. Il atteste que l’opérateur transformateur mène ses activités conformément aux exigences légales sur son site de transformation ».

Difficile de jubiler pour les Unités Forestières d’Aménagement (UFA) et autres titres d’exploitation. Des certificats de légalité n’ont pas encore été émis pour ces exploitants forestiers, en raison des lenteurs enregistrées dans la mise en place d’un système de traçabilité des produits forestiers au Cameroun.

SIGIF2 toujours attendu

La livraison du SIGIF2 connaît plus d’un an et demi de retard. Pourtant, cet outil est indispensable à la délivrance des certificats de légalité aux UFA et autres titres d’exploitation. Et avant de délivrer les premières autorisations FLEGT, le Cameroun devra traverser deux autres étapes. D’une part, émettre des certificats de légalité aux exploitants forestiers pour attester de la légalité des activités de gestion et exploitation forestières. D’autre part, garantir la traçabilité du bois au niveau national grâce au système informatisé de gestion de l’information forestière deuxième génération.

Terrassement de la route au sein d'une unité forestière d'aménagement pour le transport des billes de bois

Terrassement de la route au sein d’une unité forestière d’aménagement pour le transport des billes de bois

Pour le moment, une étape déterminante handicape la suite du processus. C’est la mise sur pied effective du Système Informatique de Gestion de l’Information Forestière deuxième génération (Sigif II), considéré comme l’outil clé d’assurance de la vérification de la légalité. « Nous sommes entre le développement du système de gestion de l’information et la délivrance du certificat de légalité. Et, c’est à l’administration d’avancer », précise Justin Kamga, point Focal APV Flegt de l’ONG Foder. Ces activités sont sur la bonne voie. L’affirmation est du coordonnateur du pouls Technique de SIGIF 2, Bekolo Mengue. « Il y a eu des difficultés au niveau des modules développés. Le prestataire a dû retoucher le noyau de l’application elle –même. Ce qui a pris beaucoup plus de temps que prévu. Il n’y a pas de coûts supplémentaires ». Sur les causes de ces lenteurs, la société civile semble divisée.

Certaines organisations estiment que le deuxième prestataire connaît beaucoup de difficultés dans le développement de cette application, après l’échec du premier prestataire en 2010. « Le contrat de prestation entre l’Etat du Cameroun et le consortium prévoyait quatorze mois pour le développement et l’accompagnement au déploiement de l’application.

Vingt-six mois après la notification de démarrage de la prestation en avril 2015, soit douze mois de plus que la durée initiale du contrat, seuls six modules de l’application sur dix-huit viennent d’être validés par le MINFOF le 30 avril 2017 et par la commission de validation du marché le 24 mai 2017. Au terme de la validation de ses 6 premiers modules, la livraison finale du SIGIF II fixé au 30 octobre 2017 », rapporte Green Development Advocates (GDA) et le Service d’Appui aux Initiatives Locales de Développement (SAILD), dans un document d’évaluation de l’Apv-Flegt publié en Juin 2017.

D’autres membres de la société civile craignent que des blocages politiques soient à l’origine de ces lenteurs. « Les retards répétitifs dans le développement et l’opérationnalisation de l’outil clé d’assurance de la vérification de la légalité, laissent penser que le problème va au-delà des simples capacités techniques et serait englué par d’éventuels blocages politiques », relate la plateforme Forêt et Communauté (CFP2) dans un document de plaidoyer publié en janvier 2017. Pour cette plateforme, les parties à l’Accord devraient prendre des mesures fermes pour assurer la finalisation effective du SIGIF II, tout en garantissant la fiabilité, la performance et l’efficacité de ce système.

Le Cameroun, comme les autres pays forestiers de l’Afrique Centrale, et l’Union Européenne se sont mutuellement engagés à améliorer la gouvernance forestière.

L’Afrique stagne dans le Flegt

Les pays d’Afrique sont les premiers à avoir entamé les négociations avec l’Union Européenne, concernant l’Apv-Flegt. Mais, ils peinent à délivrer des certificats Flegt. Le Ghana ouvre le bal en 2006, un an seulement après l’entrée en vigueur du règlement Flegt. Le Cameroun quant à lui, dès 2007, brille par son enthousiasme à entamer les négociations avec l’Union Européenne pour améliorer la gouvernance forestière. La même année, le continent Asiatique se lance dans la course. L’Indonésie et la Malaisie, situés en Asie, entament les négociations avec l’UE.

Au niveau des ratifications, le Ghana s’implique et accélère le processus de ratification de l’accord. C’est d’ailleurs le premier pays à ratifier l’Apv-Flegt, en 2010. Le Cameroun fait de gros progrès et ratifie l’Apv en Décembre 2011, au bout de 4 années de négociations. En 2012, la République Centrafricaine, qui avait entamé les négociations en 2009, ratifie l’accord de partenariat Flegt. La République du Congo et le Libéria occupent respectivement le quatrième et le cinquième rang, dans la liste des pays ayant ratifié l’Apv-Flegt. Ainsi, les cinq premières ratifications de l’Apv s’obtiennent en Afrique.

L’Asie s’invite à la sixième place, avec l’Indonésie qui ratifie l’accord en Avril 2014, soit sept années de négociations avec l’UE. L’Indonésie comble pourtant très vite ce retard. Deux années après avoir ratifié l’Apv-Flegt, plus précisément le 15 Novembre 2016, ce pays d’Asie délivre ses premières licences Flegt. Jusqu’à ce jour (Juillet 2017), le Ghana et le Cameroun, les deux premiers pays à avoir ratifié l’accord, n’ont encore délivré aucune licence Flegt.

L’Indonésie récolte des fruits du Flegt

Depuis Novembre 2016, l’Indonésie est cité en exemple pour inciter d’autres pays à accélérer le processus de mise en œuvre de l’Apv-Flegt. Ce pays d’Asie a passé sept années à négocier et éclaircir les bases d’un partenariat gagnant-gagnant avec l’Union Européenne.

Un travail de longue haleine, impliquant tous les opérateurs et administrations intervenant dans le secteur forestier. Selon les rapports d’activités entre l’UE et l’Indonésie, l’équipe Indonésienne comprenait des membres du gouvernement, du secteur privé et de la société civile, qui ont tous pris part aux concertations dès l’entame des négociations avec l’UE. Ces rapports précisent que tous les aspects de l’accord étaient débattus par les opérateurs du secteur forestier d’Indonésie, avant d’être inscrites sur la table des négociations avec l’Union Européenne.

Comme autre atout, l’Indonésie avait déjà commencé à développer son système de légalité du bois avant d’entamer les négociations avec l’Union Européenne. Et ce mécanisme interne a débouché sur la promulgation et l’application effective d’une loi nationale, appelé (SVLK), qui encadre les activités des exploitants forestiers. Les négociations liées à l’Apv-Flegt ont débuté en 2007 et ont été concluent en 2011. L’Indonésie et l’Union Européenne ont signé l’accord en 2013, et l’Indonésie l’a ratifié en 2014. Au final, deux années après la ratification de l’accord, l’Indonésie réussit déjà à délivrer des licences Flegt à ses exploitants forestiers.

Des recherches du Chatham House, démontrent que la gouvernance forestière s’améliore en Indonésie depuis le début des négociations avec l’Union Européenne. Selon des experts du Chatham House, ces acquis se traduisent par la réduction considérable du trafic illicite de bois et des progrès dans la gouvernance forestière. Des données montrent qu’en Indonésie, la proportion du trafic illicite du bois est passée de 83% en 2001 à 40% en 2010.

Ces revues scientifiques du Chatham House notent aussi des résultats au niveau du volume de bois Indonésien exporté vers l’Union Européenne. Le rapport conjoint du comité de mise en œuvre de l’Apv « Indonésie –Union Européenne » publié en 2015, relève que la valeur du bois exporté vers l’UE estimée à 593millions de dollars en 2013, a atteint 645 millions de Dollars en 2014.

L’Afrique doit repenser sa stratégie

D’après le rapport annuel 2016 de la mise en œuvre de l’Apv – Flegt, l’expérience de plusieurs pays engagés dans ce processus montre que le rôle des décideurs politiques est capital. Leur présence active ou leur absence accélère ou freine la mise en œuvre de l’Apv-Flegt.

Un arbre abattue au sein d'une unité forestière d'aménagement

Un arbre abattue au sein d’une unité forestière d’aménagement

Le cas du Vietnam sert d’illustration. En Décembre 2015, un engagement pris entre le premier ministre Vietnamien et le président de la commission de l’Union Européenne, Jean Claude Junker à redynamiser les négociations. Résultats pour la seule année 2016, six sessions de négociations se sont tenues, largement supérieures aux quatre sessions organisées les cinq dernières années, précise le rapport annuel 2016.

Au Ghana, le schéma est différent. Le pays s’est d’abord servi d’un plan d’action personnel pour guider ses propres activités avant de revoir sa stratégie en 2016. Depuis lors les deux parties travaillent en synergie pour évaluer les activités liées à l’Apv-Flegt, identifier les priorités avant la délivrance des premières autorisations Flegt. Cette nouvelle approche contribue à l’accélération du processus de mise en œuvre de l’Apv-Flegt.

D’autres pays s’illustrent par la faible implication des hauts décideurs gouvernementaux. Ici, les départements ministériels en charge des forêts et administrations connexes font preuve de dynamisme dans la mise en œuvre de l’Apv-Flegt. Seulement, leurs actions tardent à porter des fruits faute d’une réelle volonté ou stratégie politique gouvernementale.

C’est le cas au Cameroun. Dans la note d’évaluation intitulée « Apv-Flegt Cameroun-Union Européenne à la croisée des chemins : FLEGT-XIT ou FLEGT+ ? », deux organisations de la société civile constatent que « la mise en oeuvre est restée à un niveau trop technique, avec le Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) pour principal et souvent seul interlocuteur ». Ces groupes plaident pour que la diplomatie soit mise à contribution pour assurer le respect des engagements du Cameroun.

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Un agent d’une UFA prêt à scier des billes de bois

Diverses expériences montrent qu’un travail en synergie entre l’Union Européenne et les pays engagés dans l’Apv-Flegt favorise une meilleure mise en œuvre de l’Apv-Flegt. L’Indonésie, premier pays à délivrer les autorisations Flegt l’illustre par son expérience. Il a établi un plan d’actions conjointes avec l’Union Européenne visant à déterminer les activités prioritaires, évaluer les progrès et décider de la date de délivrance des premières autorisations Flegt.

A côté de ces aspects diplomatiques, le contexte juridique joue un rôle primordial. Pour la société civile, le Cameroun devrait également tirer les leçons des progrès de l’Indonésie, qui a régulé son forestier pour mieux implémenter l’APV. Au Cameroun, des analystes affirment que « le retard observé dans la promulgation du code forestier impacte considérablement le rythme de mise en oeuvre de l’accord ». Ils appellent à l’adoption du nouveau forestier, gage d’une application effective de l’accord de partenariat volontaire avec l’UE.

L’APV-Flegt pourra donc contribuer à la lutte contre le trafic illicite du bois et produits dérivés vers l’Europe, importatrice de plus de 80% du bois Camerounais.

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