Excédé par le trafic d’ivoire sur ses terres ayant causé la disparition de 20 000 éléphants en 10 ans, le Gabon s’active dans la protection de ses aires protégées. Mais beaucoup de chemin reste à parcourir sur le plan juridique. 

Détruisant la faune et menaçant d’extinction de nombreuses espèces protégées, jamais le braconnage n’avait été aussi présent au Gabon. En effet le pays qui, en plus d’accueillir plus de la moitié des éléphants de forêt d’Afrique, avait la réputation d’être un pays «stable» pour la faune sauvage, est devenu une nouvelle cible des réseaux de braconniers. Pas moins de 20 000 éléphants y ont été braconnés entre 2004 et 2014, dont 12 000 dans le parc de Minkébé, aire naturelle protégée de 8 000 km2, située dans la province du Woleu-Ntem, dans le nord-est du Gabon ; tandis que 10 000 autres ont disparu dans le reste du pays.

Excédé par le trafic d’ivoire sur ses terres ayant causé la disparition de 20 000 éléphants en 10 ans, le Gabon s’active dans la protection de ses aires protégées.

Excédé par le trafic d’ivoire sur ses terres ayant causé la disparition de 20 000 éléphants en 10 ans, le Gabon s’active dans la protection de ses aires protégées.

Représentant plus de 13% de la forêt tropicale africaine, le Gabon accueille plus de la moitié des éléphants de forêt d’Afrique, dont la population totale est estimée à environ 80 000. «Il n’y a presque plus d’éléphants au Cameroun, donc les braconniers se rabattent sur le Gabon», soutient, Luc Mathot, directeur exécutif de l’ONG Conservation Justice.

«Le parc de Minkébé est devenu une zone de non-droit à proximité de la frontière camerounaise», a déclaré Luc Mathot, dont l’ONG a pour vocation de protéger les éléphants et autres espèces menacées au Gabon face à la chasse illégale et du trafic de faune en augmentant le niveau d’application de la loi sur la faune sur tout le territoire, et de dissuader les braconniers et trafiquants de développer leurs activités.

Un massacre facilité par la situation propre à de nombreuses zones-tampons d’Afrique centrale, où les braconniers se jouent de la porosité des frontières pour circuler d’un pays à l’autre. «C’est vaste, il n’y aura jamais assez d’éco-gardes pour protéger chaque forêt et chaque éléphant», estime à cet effet Bas Huijbregts, membre du World Wildlife Fund (WWF). « D’autant que les agents forestiers et les 120 militaires de Minkébé patrouillent «le plus souvent à pied», dans ce massif végétal très dense, de plus de 7 000 km2 », poursuit-il.

Pour le directeur de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN), Lee White, « la population d’orpailleurs clandestins, qui est « passée de 300 à 5000 personnes en 5 ans  » n’est pas étrangère au massacre d’éléphants. Ils s’associent à des trafics divers. L’or et l’ivoire sont deux ressources qui attirent». Ce qu’il qualifie de «réseaux de criminalité organisée».

Le braconnage est d’autant plus attirant que le prix du kilo d’ivoire avoisine un million de francs CFA sur le marché noir asiatique en raison d’une demande en constante augmentation. Selon un rapport du WWF de décembre 2013, le braconnage, avec un chiffre d’affaires estimé à 19 milliards de dollars par an, est même devenu le quatrième marché illégal du monde, après la drogue, la fausse monnaie et la traite des êtres humains.

L’attrait pour ce trafic n’est pas anodin, notamment en Afrique, où il sert à financer divers groupes armés. Selon les diplomates, l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) de Joseph Kony, une des rébellions les plus sanglantes d’Afrique centrale, se finance grâce au braconnage des éléphants et à la contrebande d’ivoire. «Aujourd’hui en République Démocratique du Congo, il n’y a plus que 10.000 éléphants, alors que le pays représente 10 fois la superficie du Gabon (…) Si nous ne renversons pas la situation rapidement, l’avenir de l’éléphant en Afrique est compromis», s’alarme le patron de l’ANPN.

Bas Huijbregts, quant à lui, estime à cet effet que «le problème de la corruption doit être résolu. Il y existe des exemples très connus où des gens de l’administration ont reçu des pots-de-vin pour ne pas engager de poursuites contre les braconniers». Entre temps, le gouvernement s’est vivement engagé dans la lutte contre ce fléau à travers plusieurs actions. En 2013, en effet, dans le cadre d’une mobilisation internationale pour appuyer la lutte contre le braconnage et le trafic d’espèces, le gouvernement avait pris des engagements majeurs pour la préservation des éléphants sur l’ensemble du territoire, soutenus en cela par la France. Ces actions, outre la défense d’espèces endémiques visent des enjeux de premières importances en matière de préservation de la biodiversité et de l’équilibre des écosystèmes, mais aussi de sécurité internationale.

En septembre dernier, le Gabon et la France ont signé un accord en vue d’intensifier la lutte anti braconnage à l’intérieur des Parcs nationaux. Un partenariat évalué à 11,8 milliards de francs CFA. D’autant que braconnage des éléphants dépasse désormais la question faunique et est devenu une problématique sécuritaire et économique. Par ailleurs, les autorités compétentes devraient également mettre un accent particulier sur l’aspect juridique dans cette lutte effrénée contre le braconnage au Gabon.

La loi n°016/01 de 31 décembre 2001 portant Code forestier en République gabonaise interdit la chasse, la détention, le transport et la commercialisation de dépouilles, trophées ou produits d’espèces intégralement protégées dont fait partie l’éléphant et les réprime de 3 à 6 mois d’emprisonnement et de 10 millions de francs CFA d’amende maximum en son article 275. Cependant, ces derniers temps, on constate un abaissement du niveau de condamnation en matière faunique, avec des périodes d’emprisonnement n’excédant pas un mois, ou encore des amendes inférieures à 500 000 francs CFA.

L’idéal serait ainsi de durcir les peines relatives aux crimes fauniques à l’exemple du Congo (5 ans de prison), du Bénin (10 ans) et du Kenya où un trafiquant d’ivoire risque la prison à vie ! De quoi réfléchir avant de se lancer, ou de récidiver dans ces activités illicites. Par ailleurs, l’harmonisation de l’arsenal juridique entre le Gabon, le Cameroun et le Congo pourrait également permettre de dissuader nombre de braconniers qui migrent d’un pays à l’autre du fait de peines plus légères.

Ainsi donc, la coopération régionale dans la préservation des ressources fauniques et floristique dans le cadre d’une gestion durable des écosystèmes du Bassin de Congo aiderait grandement à la sécurité et la paix intérieures des Etats.

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